Saisie de drogue au port : Quand des "agents de transit" servent de mules aux trafiquants, les « transitaires » mis en cause excommuniés


S'il y a une profession qui a souffert de la saisie des 1110 kilos de cocaïne à Dakar, entre les 26 juin et 1er juillet dernier, c'est bien celle de transitaire. Dans cette nébuleuse, pas moins de trois agents de transit ou qui se considèrent comme tels ont été interpellés pour leur supposée collusion avec les trafiquants de drogue.

Celui qui a été le premier à prêter le flanc, c'est Sallo Fambaye Diop dit Vieux. Après avoir tenté d'aider les propriétaires des 238 kilos de drogue saisis le 26 juin au Port autonome de Dakar (Pad), Vieux Diop avait quitté le Sénégal. Croyant que l’étau s'est desserré, il est revenu au pays, mais c'est tout ignorer de la stratégie des policiers de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis). Il a été tout simplement appréhendé le 02 août chez lui à Mbao et placé sous mandat de dépôt le 06 août dernier.

Son collègue Mouhamed Ndiaye n'est pas mieux loti. Ses services ont été également requis par les trafiquants pour récupérer la drogue. Selon ce qu'il a confié aux enquêteurs, il devait juste récupérer des téléphones dans cinq véhicules à Dakar Terminal. Il aurait reçu 500 000 francs pour ce travail, à mille lieues de ses compétences. L’appât du gain facile aidant, il a voulu profiter des avantages que lui offre sa profession. Mais mal lui en a pris. Il sera déféré.

Pour avoir facilité la fuite de Gustavo Elliot, un Espagnol impliqué dans ce trafic de cocaïne d'un autre acabit, Mathew Fall, un autre transitaire ou qui se fait passer pour, a été interpellé, la semaine dernière. Chez lui, rapporte Libération, les policiers ont trouvé un chèque de 3 millions émis par Ibrahima Thiam dit Toubèye du nom de l'un des cerveaux de la drogue saisie. Plusieurs billets de peso-uruguayens ont été aussi découverts chez lui, même s'il a voulu faire croire qu'il les utilise comme... porte-bonheur.


Il est donc apparent que parmi tous les acteurs qui interviennent dans l'import-export, les narco-trafiquants n'ont trouvé d'alliés que chez les transitaires pour récupérer la drogue saisie à Dakart Terminal.

Presqu'incontournable, l'agent de transit est commis par un opérateur économique ou un tiers pour faciliter l’enlèvement de sa marchandise. Dans sa mission, le transitaire se doit de gérer toutes les formalités douanières et celles liées aux compagnies chargées de faire le transport. Ce qui le place, au cœur de l'import/export. 

Mais le retour du bâton a de quoi mettre mal à l'aise quelques-uns de leurs confrères qui, contactés par Dakaractu, sont sur la défensive. Le premier que nous avons contacté a tenté de laver à grande eau ses confrères en soutenant que « l'affaire de drogue n’a rien à voir avec les transitaires ». Un autre agent n'est pas loin de qualifier l'affaire de cas isolé et argue que des « brebis galeuses », il en existe dans toutes les professions. ‘Ce sont des démarcheurs", dixit Demba Siby
Moins recroquevillé, Demba Siby qui pilote l'association pour la sauvegarde et la sécurité du transit et des acteurs portuaires, excommunie les mis en cause.
Pour lui, Vieux Diop, Mathew Fall et M. Ndiaye ne sont pas des transitaires aux yeux des principes qui régissent cette corporation. « Je ne les connais pas. J'ai demandé à plus de quinze personnes, toutes des transitaires, mais elles ne les connaissent pas non plus », insiste notre interlocuteur. Pour qui, les faits dans lesquels ont trempé les susnommés ne peuvent en aucun cas être imputés aux transitaires.

Surtout qu'à son avis, c'est un métier « libéralisé ». « Il suffit juste d’être introduit par une connaissance au port pour se réclamer transitaire », regrette Demba Siby qui qualifie ces personnes souvent citées dans des travers de « démarcheurs ». « Le transitaire a son diplôme de déclarant en douane. Il faut passer par l'école de douane ou une école de formation reconnue pour prétendre être un transitaire qui en réalité, est un commissionnaire en douane », rétablit Siby.

Pour rendre compte du sérieux qui entoure la profession, il ajoute: «les transitaires lèvent des actes juridiques (déclaration en douane) comme les notaires et les avocats. Ils disposent d'un tableau d'immatriculation de tous les numéros d'agrément en douane. Donc quiconque n'est pas dans une société de transit ne peut être considéré comme transitaire ».
Cette mise au point faite, il juge nécessaire de mettre un terme à la pagaille qui existe dans la profession. « Nous devons aller vers la constitution d'un ordre pour assainir notre profession », préconise-t-il, la tête haute.
Lundi 9 Septembre 2019




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