Dans une réaction sur RFI à la suite de sa déconvenue devant la Cour suprême, le ministère de la Communication affirme « rester sur des prérogatives pleines que la loi lui attribue[rait] »
Plus curieux, le ministère se défausse sur la commission de validation en estimant se résigner à la dissoudre et à sauvegarder ses « compétences de vérification préalable ». Bien heureusement, ce n’est pas seulement l’arrêté secondaire sur la commission qui a été retoqué mais aussi et surtout, celui fondant le système d’enregistrement.
L’arrêt de la Cour suprême ne laisse pas de place aux tentatives subtiles de réécriture : ce n’est pas de l’enregistrement en tant que tel qu’il était question mais de son caractère impératif que le ministère voulait instituer vis-à-vis de l’ensemble du secteur. Cette volonté de le rendre indispensable avant une « reconnaissance légale » est explicitée dans plusieurs passages des arrêtés en question.
Pire pour la crédibilité du ministère, le verdict de la Cour suprême est clair. Le ministre a outrepassé ses compétences légales en étendant cette obligation d’enregistrement au-delà de la presse écrite et en menaçant de sanctions que le code de la presse ne lui donnait aucune habilitation à décider.
On comprend pourquoi le troisième et dernier arrêté du ministère avait été rapidement suspendu en juin 2025 après le recours de Mme Aïssatou Diop Fall. Les récentes mesures pour la délivrance de l’appui à la presse sont tout autant fragilisées. Le ministère avait déclaré ne permettre l’accès à la plateforme d’inscription qu’à ceux anciennement appelés « médias conformes » issus de son projet caduc.
Ce revers a au moins le mérite de ramener de la mesure et de la nuance dans le vocabulaire du ministère après près de deux ans de discours martial sur la « validation » des entreprises de presse.
La Cour suprême a administré une piqûre d’humilité en révélant qu’une année et demie d’intransigeance ne se fondaient surprenamment pas sur une maîtrise par M. Aliou Sall des préalables à sa politique.
Il faut le souligner, la même Cour suprême avait signalé au ministère de la Communication qu’il ne pouvait pas s’arroger un pouvoir de sanction administrative contre Walfadjri au plus fort de la dérive de Macky Sall en 2023.
Le ministère ne peut ainsi pas invoquer un complot du système judiciaire. Le rappel est important. Début novembre, la tutelle assimilait en toute inélégance le CNRA à une branche d’une « mafia » pour avoir rappelé indirectement à l’ordre l’entité gouvernementale à l’origine de la coupure du signal de la TFM et de 7TV. Cette mesure précipitée, non notifiée ni assumée, c’est dire le niveau de gestion cavalière, illustrait ce que l’avocat Mame Adama Gueye a comparé avec justesse à des méthodes de l’administration coloniale.
Le ministère de la Communication faisait fausse route dans sa méthode d’encadrement du secteur de la presse. Son excès de zèle a raccourci le chemin vers l’impasse inévitable.
Il se retrouve accroché désespérément à un code de la presse inadapté et liberticide qui a en grande partie permis les dérives sous le régime précédent. Un paradoxe, à moins que la continuité de l’Etat n’inclue celle de la répression des libertés.
La démarche de la tutelle souffre également d’un manque de cohérence. J’ai été frappé par une anecdote récente. Un média sollicitant des informations du ministère de l’Agriculture sur une affaire courante s’est vu répondre… par le ministère de la Communication que sa non-conformité ne lui donnait aucun droit de requérir ces renseignements. Une aberration alors qu’avec la loi sur l’accès à l’information votée un mois auparavant, la simple étiquette de citoyen suffira bientôt pour exiger des réponses des entités publiques.
Tous ces errements n’ont été rendus possibles que parce que le ressentiment envers la presse a conduit l’opinion publique à des concessions extraordinaires à l’équipe du ministère sur ce qui aurait été inconcevable sous Macky Sall ou Abdoulaye Wade.
Après cette contreperformance, le ministère devra renouveler ses ressources et chercher des alternatives s’il veut s’inscrire dans le forcing. Le danger n’est éloigné que temporairement pour les petits médias et les médias alternatifs.
Comme nous le disions, les médias qui ne correspondent pas aux conditions de fonctionnement restreintes du code de la presse peuvent du jour au lendemain se retrouver en prison durant plusieurs mois jusqu’à un an si la justice le décide (Titre III, Section 2).
Non pas parce qu’ils auront incité à la haine mais simplement parce que leurs dirigeants ne comptent pas 10 ans ou 7 ans d’expérience professionnelle ou que leur organisation interne ne correspond pas aux critères archaïques de la loi.
Il faut avoir du vécu dans le secteur des médias pour comprendre que ces conditions ne peuvent d’aucune manière correspondre aux différentes réalités d’exercice du journalisme.
Les multiples innovations possibles avec le numérique rendent la loi encore plus dépassée d’autant plus que le ministère n’a absolument aucun pouvoir de censure arbitraire des créations sur les plateformes.
Il est temps de revenir à un encadrement plus intelligent et qui préserve la liberté d’expression. Cela passe inévitablement par :
- réformer et limiter les obligations de déclaration aux informations nécessaires pour s’assurer de la transparence sur l’actionnariat des médias, pour empêcher la concentration, et faciliter l’identification des responsables en cas de dérives.
- réfléchir à des standards professionnels plus pertinents pour prétendre accéder aux avantages de l’Etat.
- comprendre qu’informer est une liberté fondamentale qui n’est pas une propriété des journalistes « professionnels », le prétexte d’ « assainissement » n’est pas un permis à tout faire. Ériger des conditions qui excluent d’office, brident l’innovation dans le secteur médiatique et faire planer l’emprisonnement n’est pas ce qu’on pourrait attendre d’une démocratie encore moins d’un régime de rupture. Il faut de tout pour faire un monde de l’information. Pour exemple, la masse de journalistes « intrus » ou « usurpateurs », armés de leurs seuls téléphones, qui ont eu le courage de filmer les évènements politiques, dénicher en temps réel des informations sur les victimes, malgré leurs lacunes ont grandement permis la documentation de la répression dans un moment de relative léthargie de la presse classique.
Plus curieux, le ministère se défausse sur la commission de validation en estimant se résigner à la dissoudre et à sauvegarder ses « compétences de vérification préalable ». Bien heureusement, ce n’est pas seulement l’arrêté secondaire sur la commission qui a été retoqué mais aussi et surtout, celui fondant le système d’enregistrement.
L’arrêt de la Cour suprême ne laisse pas de place aux tentatives subtiles de réécriture : ce n’est pas de l’enregistrement en tant que tel qu’il était question mais de son caractère impératif que le ministère voulait instituer vis-à-vis de l’ensemble du secteur. Cette volonté de le rendre indispensable avant une « reconnaissance légale » est explicitée dans plusieurs passages des arrêtés en question.
Pire pour la crédibilité du ministère, le verdict de la Cour suprême est clair. Le ministre a outrepassé ses compétences légales en étendant cette obligation d’enregistrement au-delà de la presse écrite et en menaçant de sanctions que le code de la presse ne lui donnait aucune habilitation à décider.
On comprend pourquoi le troisième et dernier arrêté du ministère avait été rapidement suspendu en juin 2025 après le recours de Mme Aïssatou Diop Fall. Les récentes mesures pour la délivrance de l’appui à la presse sont tout autant fragilisées. Le ministère avait déclaré ne permettre l’accès à la plateforme d’inscription qu’à ceux anciennement appelés « médias conformes » issus de son projet caduc.
Ce revers a au moins le mérite de ramener de la mesure et de la nuance dans le vocabulaire du ministère après près de deux ans de discours martial sur la « validation » des entreprises de presse.
La Cour suprême a administré une piqûre d’humilité en révélant qu’une année et demie d’intransigeance ne se fondaient surprenamment pas sur une maîtrise par M. Aliou Sall des préalables à sa politique.
Il faut le souligner, la même Cour suprême avait signalé au ministère de la Communication qu’il ne pouvait pas s’arroger un pouvoir de sanction administrative contre Walfadjri au plus fort de la dérive de Macky Sall en 2023.
Le ministère ne peut ainsi pas invoquer un complot du système judiciaire. Le rappel est important. Début novembre, la tutelle assimilait en toute inélégance le CNRA à une branche d’une « mafia » pour avoir rappelé indirectement à l’ordre l’entité gouvernementale à l’origine de la coupure du signal de la TFM et de 7TV. Cette mesure précipitée, non notifiée ni assumée, c’est dire le niveau de gestion cavalière, illustrait ce que l’avocat Mame Adama Gueye a comparé avec justesse à des méthodes de l’administration coloniale.
Le ministère de la Communication faisait fausse route dans sa méthode d’encadrement du secteur de la presse. Son excès de zèle a raccourci le chemin vers l’impasse inévitable.
Il se retrouve accroché désespérément à un code de la presse inadapté et liberticide qui a en grande partie permis les dérives sous le régime précédent. Un paradoxe, à moins que la continuité de l’Etat n’inclue celle de la répression des libertés.
La démarche de la tutelle souffre également d’un manque de cohérence. J’ai été frappé par une anecdote récente. Un média sollicitant des informations du ministère de l’Agriculture sur une affaire courante s’est vu répondre… par le ministère de la Communication que sa non-conformité ne lui donnait aucun droit de requérir ces renseignements. Une aberration alors qu’avec la loi sur l’accès à l’information votée un mois auparavant, la simple étiquette de citoyen suffira bientôt pour exiger des réponses des entités publiques.
Tous ces errements n’ont été rendus possibles que parce que le ressentiment envers la presse a conduit l’opinion publique à des concessions extraordinaires à l’équipe du ministère sur ce qui aurait été inconcevable sous Macky Sall ou Abdoulaye Wade.
Après cette contreperformance, le ministère devra renouveler ses ressources et chercher des alternatives s’il veut s’inscrire dans le forcing. Le danger n’est éloigné que temporairement pour les petits médias et les médias alternatifs.
Comme nous le disions, les médias qui ne correspondent pas aux conditions de fonctionnement restreintes du code de la presse peuvent du jour au lendemain se retrouver en prison durant plusieurs mois jusqu’à un an si la justice le décide (Titre III, Section 2).
Non pas parce qu’ils auront incité à la haine mais simplement parce que leurs dirigeants ne comptent pas 10 ans ou 7 ans d’expérience professionnelle ou que leur organisation interne ne correspond pas aux critères archaïques de la loi.
Il faut avoir du vécu dans le secteur des médias pour comprendre que ces conditions ne peuvent d’aucune manière correspondre aux différentes réalités d’exercice du journalisme.
Les multiples innovations possibles avec le numérique rendent la loi encore plus dépassée d’autant plus que le ministère n’a absolument aucun pouvoir de censure arbitraire des créations sur les plateformes.
Il est temps de revenir à un encadrement plus intelligent et qui préserve la liberté d’expression. Cela passe inévitablement par :
- réformer et limiter les obligations de déclaration aux informations nécessaires pour s’assurer de la transparence sur l’actionnariat des médias, pour empêcher la concentration, et faciliter l’identification des responsables en cas de dérives.
- réfléchir à des standards professionnels plus pertinents pour prétendre accéder aux avantages de l’Etat.
- comprendre qu’informer est une liberté fondamentale qui n’est pas une propriété des journalistes « professionnels », le prétexte d’ « assainissement » n’est pas un permis à tout faire. Ériger des conditions qui excluent d’office, brident l’innovation dans le secteur médiatique et faire planer l’emprisonnement n’est pas ce qu’on pourrait attendre d’une démocratie encore moins d’un régime de rupture. Il faut de tout pour faire un monde de l’information. Pour exemple, la masse de journalistes « intrus » ou « usurpateurs », armés de leurs seuls téléphones, qui ont eu le courage de filmer les évènements politiques, dénicher en temps réel des informations sur les victimes, malgré leurs lacunes ont grandement permis la documentation de la répression dans un moment de relative léthargie de la presse classique.
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