[REPORTAGE] Voyage inédit au cœur des archives : immersion dans les secrets du CRDS de Saint Louis


À Saint-Louis, ville mémoire posée entre fleuve et océan, un lieu discret concentre une part essentielle de l’histoire du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest, le Centre de Recherche et de Documentation du Sénégal (CRDS), ancien IFAN. Héritier direct de l’époque coloniale, ce centre conserve des archives uniques, parfois vieilles de plusieurs siècles, qui permettent de comprendre la formation de la ville, les dynamiques coloniales, mais aussi les résistances culturelles et intellectuelles africaines. Plans de construction, cartes anciennes, photographies, manuscrits et ouvrages rares composent un patrimoine documentaire d’une valeur inestimable, souvent méconnu du grand public.

 

Dirigé par le professeur Abdoul Sow, le CRDS se positionne comme un pilier de la recherche historique et de la vulgarisation scientifique. Les documents conservés ici ont servi à reconstituer l’histoire urbaine de Saint-Louis, à alimenter des panneaux patrimoniaux et à éclairer des lieux emblématiques de la ville. Mais cette mission s’accompagne d’une responsabilité majeure, préserver des archives fragiles, héritées aussi bien des comptoirs commerciaux que de l’administration coloniale. Certaines pièces, qualifiées d’archives de souveraineté, sont volontairement soustraites à la consultation libre afin d’éviter leur détérioration, dans le respect des normes de conservation et d’accès équitable au savoir.

 

Parmi les ouvrages les plus marquants figurent des livres fondateurs de la pensée occidentale sur l’Afrique, comme Le Dapper du XVII ème siècle, utilisé pour justifier conquêtes, esclavage et préjugés raciaux, ou encore les Esquisses Sénégalaise de Abbé Boilat (1853), qui décrivent la diversité ethnique et culturelle du Sénégal et de la Mauritanie. 

Le CRDS conserve également des textes islamiques anciens, rédigés en arabe ou en langues nationales transcrites en caractères arabes (ajami), témoignant du rôle central de l’Islam comme culture, institution sociale et source de savoirs endogènes. Ces documents participent à l’africanisation des savoirs et à la réhabilitation des intellectuels africains longtemps marginalisés dans les récits dominants.

 

Le centre garde aussi la trace des chercheurs qui ont marqué l’histoire de Saint-Louis, à l’image de Guy Tillmans, dont les travaux sur le classement de la ville et le patrimoine industriel, notamment le pont Faidherbe, restent des références discutées mais incontournables. Aujourd’hui, certaines parties du CRDS, comme le musée et le centre d’interprétation, sont en réfection, laissant leurs portes closes au public. Derrière ces murs silencieux se cache pourtant un patrimoine vivant et fragile, en attente de numérisation et de transmission...

Dimanche 14 Décembre 2025
Karim Ndiaye



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