RELATIONS AFRIQUE-OCCIDENT, ORIENT, ASIE… : L’autre conférence de Berlin pour achever l’Afrique ! (Par Abdoulaye THIAM)


Du 28 au 30 août de l’année dernière, le Japon avait lancé une grande offensive sur le continent africain pour nous dit-on, «rattraper son retard», par rapport aux grandes nations occidentales, mais aussi et surtout, faire face à son principal rival chinois. Via le TICAD VII, l’empire du Soleil Levant, avait réuni à Yokohama de nombreux chefs d’Etat africains pour discuter du thème : «faire avancer le développement en Afrique par les personnes, les technologies et l’innovation». Son bras «armé» reste la JICA. 

 

Quelques mois plus tard, c’était le tout puissant Vladimir Poutine qui montait au créneau en conviant plus de 40 chefs d’État africains à Sotchi, pour le premier sommet Russie-Afrique. 

 

Avaient répondu à l’appel Denis Sassou Nguesso, Alpha Condé, Ibrahim Boubacar Keïta, Roch Marc Christian Kaboré, Alassane Ouattara, Félix Tshisekedi, Mahamadou Issoufou, Paul Kagame, Patrice Talon, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Ismaïl Omar Guelleh, Cyril Ramaphosa, Muhammadu Buhari, Nana Akufo-Addo, João Lourenço, Andry Rajoelina, Uhuru Kenyatta, Danny Faure, Macky Sall et beaucoup d’autres, accompagnés de dizaines de ministres. 

En plus du Kremlin et du Sōri Kantei (résidence et bureau du Premier Ministre Japonais),  le 10 Down Street vient à son tour, de montrer son intérêt pour l’Afrique. Pour préparer sa sortie de l’Union Européenne avec le Brexit, Londres avait besoin de nouer de nouveaux partenariats économiques. 

 

Voilà que le Premier ministre, conservateur, Boris Johnson,convoque 16 dirigeants africains à cette première rencontre axée sur les investissements. Face à ces représentants des anciennes colonies, il plaidera «pour que son pays soit plus actif en Afrique».

 

Quid de la Turquie ? Le président Recep Tayyip Erdoğan, qui ne cesse de positionner son pays dans la géostratégie mondiale, parle de partenariat gagnant-gagnant. Mais qui est encore dupe ? «Le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique a connu une croissance de 12%», comme l’a souligné la ministre turque du Commerce. Une performance qui justifierait les déplacements du Président Erdoğan, particulièrement au Sénégal où, il est à sa 4èmevisite depuis 2013. En plus de l’aéroport international Blaise Diagne, du CICAD, de Dakar Aréna, etc., on n’oubliera pas de sitôt le coup de massue que Ankara avait administré au groupe Yavuz Selim. 

 

Dans cette dynamique de conquête ou de reconquête de l’Afrique, la France n’est pas en reste. Au contraire ! Elle occupe même une place prépondérante. D’ailleurs, du 4 au 6 juin prochain, ce sont 54 Chefs d’Eta africains qui seront les hôtes de la ville de Bordeaux, pour le 28èmesommet France-Afrique. 

 

Vous allez donc comprendre que l’Afrique est devenue la destination privilégiée de toutes les puissances mondiales. Logique ! Et pour cause, sur le domaine économique, le continent africain, c’est 1,200 milliard d’habitants ; 30 millions de kilomètres carrés ; des ressources naturelles immenses. Sa population est constituée de plus de 60 à 70 % des jeunes de moins de 25 ans. C’est le plus grand marché au monde. 

 

Les dirigeants des pays occidentaux et asiatiques l’ont compris. Ils se bousculent au portillon. Mais, leurs homologues africains refusent encore d’ouvrir leurs yeux. Ils se contentent de leur dérouler le tapis rouge pour qu’ils continuent à piller le sol, le sous-sol, les mers et océans africains. 

 

Pendant ce temps, sa jeunesse brave l’Océan Atlantique, à la recherche d’un Eldorado qui n’existe plus.On croyait avoir retenu la leçon du partage de l’Afrique qui avait été décidé à Berlin lors de sa fameuse conférence en 1885. Hélas ! 

 

Jadis, cette fameuse réunion avait officiellement pour but de lutter contre l’esclavage et la traite organisée en Afrique, mais l’agenda officieux était tout autre, comme l’explique Joël Calmettes : «La conférence de Berlin ne s’apparente pas à un partage de l’Afrique pur et simple comme on le dit souvent. C’est caricatural. Elle a plus servi à définir des règles de bonne entente, des lois à respecter pour s’accaparer un territoire. Une sorte de charte de la colonisation ».

 

Aujourd’hui encore, on nous sort des slogans avec des partenariats gagnant-gagnant. Mais, la réalité est tout autre. Les populations assistent, impuissamment à une autre conférence de Berlin. C’est heureux de voir que sa jeunesse joue les boucliers pour lutter contre ce pillage organisé avec la même complicité de certains africains comme ce fut le cas avec la traite des noirs, l’esclavage, la colonisation.

 

 

Abdoulaye THIAM

(Sud Quotidien)

Mercredi 29 Janvier 2020




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