Les Castes : Entre Féodalité et République!


Les Castes : Entre Féodalité et République!
Il est consternant, dans une république, d’entendre qu’un élu local a été évincé de son mandat à partir de considérations liées à son appartenance à une caste soit disant inférieure. C’est en 2014, au Fouta, dans le Sénégal du 21ème siècle!

Les castes, secret honteux de notre culture, sont souvent évoquées avec condescendance par ceux qui ont décrété leur supériorité sur un segment de la société ou avec pudeur par d’autres qui cherchent parfois à l’oblitérer de notre conscience collective. De telles attitudes sont révélatrices de l’embarras des uns et surtout de l’ignorance des autres quant aux valeurs fondatrices des castes et leurs fonctions de régulation et d’équilibre  des échanges économiques
et sociaux. Il est vrai que nos organisations sociales en mutation souvent, comme des « métamorphoses inachevées nous installent dans l’hybride » (Cheikh Hamidou Kane) ou engendrent des monstres que nous avons du mal à maitriser, parce que gérés en dehors de leur historicité. Tentative de sublimation? Non ! Il s’agit tout simplement d’appréhender le phénomène objectivement en le replaçant  dans l’histoire, dans la société pour le libérer de volontés de puissance et de domination en quête de légitimité.

Les fonctions assumées hier par les « castes inférieures » sont encore omniprésentes et opératoires dans notre quotidien. En effet, chaque jour, grâce à leur dextérité et ingéniosité, nos bijoutiers, cordonniers, Laobés, tailleurs tisserands des temps modernes, composent des hymnes à l’élégance de la femme sénégalaise réputée pour sa grâce! Chaque jour le savoir-faire des forgerons en zones rurales ou périurbaines supplée miraculeusement aux carences technologiques d’une société qui a préféré l’imposture d’une supériorité factice à l’expression de sa gratitude à sa vraie classe ouvrière, celle-là qui assure sa survie et son confort quotidiens. Dans Nations Nègres et Cultures Cheikh Anta Diop a su, avec sarcasme, émousser la morgue des « castes supérieures » des zones Soudano-Sahéliennes, qui une fois rendues dans le bassin du Bas-Congo, cèdent la place aux forgerons sur le destrier à l’allure altière pour accompagner à pieds, comme de vulgaires laquais ceux-là qui ont su maitriser le fer en perçant le mystère du feu, ce feu qui, dans les steppes glaciales eurasiatiques, était le même enjeu de pouvoir, de domination et de survie!
D’ailleurs, cette même aire culturelle soudano-sahélienne est elle aussi traversée du mythe du roi forgeron redouté pour ses pouvoirs magiques parce que dépositaire du secret de la métallurgie. Les évènements du Fouta révèlent que ces angoisses et diabolisations ataviques de l’être maléfique sont aujourd’hui subtilement instrumentalisées par les féodalités locales pour écarter les rebelles irrévérencieux qui utilisent les valeurs et institutions de la République pour s’affirmer et bousculer un ordre social désuet.

Pourtant les pratiques nées des découvertes scientifiques des temps modernes et des biotechnologies devraient pouvoir dissiper les ténèbres de l’ignorance. Les miracles de l’ingénierie médicale actuelle par les greffes d’organes, la transfusion sanguine, la procréation assistée par mère porteuse ou les manipulations génétiques n’ont cure des orgueils identitaires hypertrophiés ou de l’origine du sang, fût-il bleu! Où allons-nous « en-caster » les menuisiers-métallistes, tôliers, menuisiers-ébénistes, forgerons et Laobés des temps modernes? Allons-nous tout simplement pousser le
ridicule en segmentant notre population d’ « Intouchables » en « néo-castes » et ainsi rivaliser avec l’Inde où il existe des sous castes de vendeurs de boutons ou de videurs de latrines?

Que dire de la transhumance de ces « castes supérieures » qui aujourd’hui, toute honte diluée dans le réalisme et l’opportunisme économiques, achèvent leur métamorphose post-moderne en envahissant les créneaux porteurs de la coiffure, jadis réservés aux femmes « castées »? Il est vrai que quand cela nous arrange, il n’y a plus de sots métiers! Cependant, dans ce domaine et celui de la musique il y a des raisons de se réjouir que la métamorphose ait dépassé l’hybride pour élargir et enrichir le marché du travail de nouveaux talents jadis inhibés par des considérations décadentes. Quand j’entends le vieux Mansour Mbaye ou son frère cadet Assane Ndiaye, griots de leur état, et fiers de l’être, décliner avec  expertise  et brio notre histoire politique, confrérique ou ludique, je comprends aisément la confusion qui s’empare de ceux qui les appellent « communicateurs traditionnels » ! Comme dans tout euphémisme, nous avons là une tentative de dissimulation d’un embarras par dilution linguistique, une autre métamorphose inachevée diriez-vous, une mutation gérée avec réticence. Or, ce sont des historiens que nos écoles et facultés devraient souvent inviter.

C’est le peintre Espagnol Goya qui nous rappelle dans un célèbre tableau que « le sommeil de la raison engendre des monstres »! Réveillons-nous donc pour nous libérer de l’étreinte de ces monstres surgis d’une féodalité moyenâgeuse. Le visage des castes cessera d’être hideux lorsque nous apprendrons à en parler dans le sens de l’histoire, avec candeur, sans hauteur ni fausse pudeur pour mieux nous connaitre et mieux nous apprécier. Je fais partie de ceux qui ont professionnellement transhumé de ces « castes inférieures » vers « la néo-caste des professeurs d’anglais », par un suicide de classe imposé par l’histoire de la division sociale du travail, par l’apparition de nouveaux besoins et de nouveaux métiers par lesquels la société maintient son équilibre et son progrès! Heureusement Aliou, mon demi-frère cadet, a su garder la tradition familiale dans sa bijouterie achalandée de joyaux scintillants de beauté et mettre le
secret du filigrane au service de l’élégance et de la finesse de toute la gente féminine, Torrodo, Maccudo, Tubalo ou autre, car la République, c’est l’inclusion de tous, la promotion de chacun selon ses mérites, le respect de l’humain en chacun et non l’exclusion de certains au nom des préjugés de caste, race ou classe. Le salut de tous est dans la République : ailleurs, c’est l’horreur!

Pour conclure, j’aimerais partager avec les farouches gardiens du temple des reliques féodales cette réflexion aussi subtile que caustique d’un des miens:

«N’eût été le forgeron dans un passé récent, peu de musulmans, Guèr ou Gnégno, (nobles ou roturiers) auraient pu réunir les conditions de pureté ou de propreté pour faire la prière!»



Mathiam Thiam

Inspecteur Général de l’Education et de la Formation

Formateur à la FASTEF

Département de Didactique de l’Anglais                  
 
Dakar, 
le 1er janvier 2015
Mardi 6 Janvier 2015




1.Posté par ano le 06/01/2015 10:35
les castés , foo ak niane rék , de vrais parasites de la sociétè ;
les castes , une véritable plaie

2.Posté par ano le 06/01/2015 10:36
les castés , foo ak niane rék , de vrais parasites de la sociétè ;
les castes , une véritable plaie

3.Posté par Deugg Guil le 06/01/2015 12:00
Les castes, secret honteux (sic). On pourrait dire plutôt aspérités de notre société moderne qu'il s'agit de gommer par l'éducation justement, en ce que le sommeil de la raison engendre des monstres. En islam, il est dit que les plus nobles sont les plus savants.

La faute à un enseignement qui n'est pas fondé sur nos vraies valeurs de culture...

4.Posté par Bath le 06/01/2015 13:13
Tres bon article!!!

5.Posté par Aminatou Sar le 06/01/2015 14:10
Brilliant Mr Thiam! As usual. You've been one of the best teachers I have ever had in my curriculum!! Il est temps que ces considérations féodales soient bannies de nos sociétés!

6.Posté par Alassane T le 06/01/2015 14:57
Je vous félicite l'auteur de cet article pertinent et qui pose avec beaucoup de lucidité une tare énorme que notre société n'a pas encore le courage de dépasser. L'opportunisme sans vergogne dont fait montre une partie de ces gens " de caste"conjuguée à la vanité de l'autre versant de la population de "Gerres" justifie la persistance de pratiques longtemps dépassées par la République.
Et, si on devait expliquer nos différences, si différences il y a, par la naissance, je me demande tout les jours ce qui peut expliquer cette différence entre nous, sénégalais, de même culture, de mêmes croyances....???? Le "gros os" dont font état les griots et dont une bonne partie d'ignorants de notre société se targuent jusqu’aujourd’hui n'est que du chimère. Cheikh Tidiane SY disait que dans les deux camps, on ne peut trouver que des farceurs! Pourtant, des vies continuent d’être brisées à la lumière de ces différences entre "Gerre" et "Gnégnio". J'ai été témoins de séparations entre parents et enfants du fait de ces considérations absurdes; Mais ce qui m'étonne le plus, c'est de voir des intellectuels brandir encore ces considérations pour se donner une rente de position sociale.
Je suis professeur d'université en France, je suis sénégalais. Ce qui fait que je puisse vivre sans difficulté le racisme de ces populations occidentales, c'est que je vis la même chose, chez moi. Je serais fier d'être "griot" si ce statut était réel et palpable, si ca correspondait à mes compétences, mon savoir-faire....!
Je pense que les familles confrériques doivent éveiller les sénégalais pour que définitivement les "griots" pour ce qu'il en reste aillent travailler et les "Guerr" de quel bord qu'ils soient sachent qu'ils ne sont nobles de rien du tout s'ils pensent bénéficier un statut de notre histoire!!!!

Les Anglais disent que "People are just people"
La République met la différence entre citoyens par le mérite
L'islam par le degré de dévotion de l'individu à Allah SWT
La morale par la probité différentielle entre individu

Pendant que les sénégalais, pour une large partie, continuent de croire qu'on est différent à cause de "la lourdeur des os de nos ancêtres"!
Et on continuent de penser que de telles mentalités seraient capables de propulser un développement un jour!
Wait and See
Wassalam!

7.Posté par Ibou Faye le 06/01/2015 18:36
Il faut se referrer aux enseignements de Seydina Limamou Aleysalam Salam
Cela ne demande pas de theorie, la solution est donnee avant nos naissances, ayons le courage de la vulgariser et de l'appliquer.Period

8.Posté par Juste le 06/01/2015 21:34
Les castes sont un vrai faux problème qui ne fait malheureusement que renforcer la Pauvreté de certains esprits. En plus de la bonté et des valeurs éthiques il n'y a que le travail qui définit la valeur de l'être humain (guer, gnégnos ou toubab). La accordée à certaines personnes ne se justifie que dans le fait de vouloir sublimer une nature qui n'est autre qu'une nature -ou une personne qui n'est autre qu'une personne-. Donnons à nos semblables la valeur qu'ils méritent et cessons de les confiner dans des boîtes pour les rabaisser. Juste pour rire: communicateurs modernes ou traditionnels = journalistes ou griots; bijoutiers= diamentaires; loabes= menuisiers. Mais vraiment les castes n'est ce pas une stratification ridicule?

9.Posté par mademba le 07/01/2015 08:20
LES CASTES PHENOMENE FEODALE TRES ENCRE ENCORE DS LE SUBCONSCIENT COLLECTIF DE NOTRE SOCIETE PAR EXEMPLE CHEIKH AHMADOU BAMBA A USE DE BEAUCOUP DE MOYENS PEDAGOGIQUES POUR EFFACER LES CASTES ALLANT MEME JUSQU A ENCOURAGER DES MARIAGES INTER CASTES OU MEME HERIGER DES CASTES EN CHEIKH MAIS IL N ETAIT PAS TJRS COMPRIS OU SUIVI DONC JE CROIS QUE C EST LE TEMPS PEUT ETRE QUI FINIRA PAR ERADIQUER CETTE REALITE SOCIALE TETUE QUI PROFITE ECONOMIQUEMT AUSSI OSONS LE DIRE CERTAINS CASTES



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