Entretien: " La dette africaine peut être qualifiée de convenable, elle n’est pas excessive...Mon souhait au sein de l’UEMOA est de relever le plafond de l’endettement, pourquoi pas à 90% du PIB" ( Macky Sall)


Le Président Macky Sall, dans le cadre de l'entretien qu'il a accordé au journaliste Omar Ben Yedder, a répondu à la question de notre confrère par rapport à la dette et au déficit budgétaire. Mais pour le chef de l'État, il va  falloir revoir la politique relative au " plafond d'endettement" instaurée dans l’UEMOA.

" Nous suivons les critères de convergence de l’UEMOA : la dette doit être inférieure à 70% du PIB, ce qui paraît très faible, quand on voit que les grands pays ont passé la barre de 100% d’endettement ! Mon souhait au sein de l’Union est de relever ce plafond de l’endettement, pourquoi pas à 90% du PIB. Ce qui donnerait davantage d’espace budgétaire ; notre niveau de développement fait que l’État fait tout, donne tout, l’eau, l’électricité, etc. On ne peut pas être dans un tel schéma et plafonner ainsi l’endettement des États.

En matière budgétaire, le cadre prévoit un déficit de 3%, ce qui donne, là aussi, très peu de marge de manœuvre pour financer les innovations sociales, les écoles, les universités, les routes, sans oublier la défense et la sécurité, dont nous savons le coût. Ce cadrage très serré est trop demander à nos pays. Après la crise Covid, nous discutons de l’ensemble de ces critères : l’Afrique doit-elle respecter les critères de Maastricht décidés par l’Union européenne au moment de créer l’euro ? Ce qui était le déficit allemand, à l’époque, doit-il devenir une norme mondiale ? Il n’est pas normal que les pays africains soient dans ce même horizon ; c’est pourtant aujourd’hui la pensée dominante, mais il nous faut réfléchir ensemble sur la réalité des pays et adapter les efforts par rapport aux contextes réels".

Le chef de l'État d'ajouter " Même si nous devons maîtriser les déficits, je ne suis pas contre un certain assouplissement, notamment en matière d’endettement. Cela nous conduit à la question du financement du développement ; quelles ressources, quels mécanismes. Là aussi, j’ai engagé beaucoup de discussion avec l’OCDE sur la nécessité de réformer les règles pour permettre un plus grand échange entre le Nord et le Sud, un plus grand commerce entre nous. Nous devons arriver à obtenir des maturités plus longues sur les crédits exports avec des garanties moins chères ; ce qui soulève la question de la notation, parce que de la notation dépend la perception du risque et donc la valeur des assurances exigées. Tout est lié ! C’est un dialogue que nous devons avoir, en toutes responsabilités, et toujours dans un esprit gagnant- gagnant ; nous avons d’ailleurs tous à gagner dans cette réforme de l’OCDE pour que nos pays puissent avoir accès à des maturités plus longues, 18 ou 20 ans, et aussi moins d’assurances à payer pour nous".

Interrogé par notre confrère sur " la situation d’endettement de certains autres pays africains qui semblent être en difficulté tels le Ghana, la Zambie, la Tunisie, le Président Macky Sall de répondre en ces termes.  " C’est vrai, certaines situations d’endettement sont élevées par rapport aux critères dont nous venons de parler. Et quelques pays ont des difficultés de remboursement ; nous allons les accompagner. C’est la mission du FMI de se saisir de ce genre de crise, qui peut arriver à tous les pays ; il faut les accompagner, les aider à procéder aux réformes nécessaires, mais je ne vois pas comment un pays peut se développer sans s’endetter. Bien sûr, il faut maîtriser l’endettement qui doit être utilisé à bon escient dans l’investissement et non dans le fonctionnement. Et encore faut-il que l’investissement soit optimisé. Je crois que globalement, la dette africaine peut être qualifiée de convenable, elle n’est pas excessive. Vous dites que le service public joue un rôle surdimensionné au Sénégal… Partout en Afrique, ce n’est pas propre au Sénégal ! Cela est dû à l’état de notre développement, nous n’avons pas encore atteint un niveau où le secteur privé peut prendre le relais. Il est arrivé à certains pays européens de rester un an sans gouvernement, en Afrique, ce n’est pas imaginable ! Les salaires, pour l’essentiel, sont payés par l’État, les chantiers, les marchés, sont aussi ceux de l’État. Quand nous aurons construit l’infrastructure de base (routes, chemin de fer, les ports), le secteur privé pourra développer le tout et prospérer".
Jeudi 23 Mars 2023
Dakaractu




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