Le phénomène de l’émigration vers l’Europe au cours des cinquante dernières années a fait l’objet de nombreuses recherches et d’analyses. Cependant, l’interaction des facteurs humains, politiques, économiques et sociaux, rendent l’analyse du phénomène perplexe. Au Sénégal, les départs massifs de jeunes vers l’Europe se sont multipliés ces deux dernières années avec les effets de la pandémie à covid-19. Malgré la détermination du gouvernement à déjouer les départs avec des séries de sensibilisations sur les risques, seul peu de jeunes disposent des données voire des informations fiables sur la migration. Souvent, la plupart des candidats à l’aventure sont informés ou encore influencés par leurs amis, ou proches qui ont réussi souvent à se faire une vie en Europe après de périlleux voyages au large des côtes atlantiques ou encore sur les routes sinueuses et mortelles. Ces derniers qui préfèrent toujours ne pas partager les vraies informations sur leurs souffrances dans les grandes villes européennes, influencent d’autres jeunes qui à leur tour se lancent à l’assaut des vagues pour se retrouver en Europe.
Du rêve de l’eldorado au cauchemar !
Contrairement à ce que pensent les jeunes sénégalais potentiels candidats à la migration irrégulière, les migrants sont le plus souvent dans des situations de vulnérabilités extrêmes et les informations qui leur sont données avant de partir ne traduisent pas forcément la réalité. Assane Ly, ce migrant de retour au pays, ne dira pas le contraire. « J’étais parti au Maroc pour poursuivre mes études, faire un master en ressources humaines. En quittant le Sénégal déjà, je m’étais inscrit dans une école et j’avais une bourse. Mais une fois au Maroc, je me suis rendu compte que l’école n’était pas reconnue et bonjour les difficultés. Je m’étais dit en tête qu’avoir une bourse, continuer mes études en France ou Maroc c’était bien. Et je me disais encore qu’une fois sur place je pourrais avoir un boulot qui pourrait m’aider à financer mes études afin de pouvoir prendre en charge mes dépenses. Du coup j’ai arrêté mes études au Sénégal même s’il faut reconnaître que j’avais cette possibilité de poursuivre. Et c’est là que je me suis retrouvé au Maroc », se confie-t-il.
Ce jeune sénégalais qui ambitionnait de décrocher son master 2 au Maroc et de se retrouver dans les plus grandes entreprises marocaines ou encore traverser les frontières pour aller en Espagne a vu ses rêves se fondre comme de la glace sous le soleil au cours de son séjour dans le royaume Chérifien. A l’origine des informations non fiables qu’il disposait sans s’y rendre avant de partir. « Les informations que j’avais reçues en premier lieu, c’est que le Maroc est très proche de l’Espagne et une fois au Maroc on traverse facilement les frontières pour se retrouver en Espagne en étant étudiant. Mais une fois sur place, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce qui se disait. C’était même plus compliqué que cela. Ainsi commencent les difficultés. La première chose que j’ai faite c’est de quitter l’école. Car elle n’était pas reconnue par l’Etat et on n’y pouvait pas avoir le bon diplôme. L’autre problème qu’on avait c’est le logement. Parce que l’école nous avait promis un logement avant de partir et sur place il n’y en avait pas. C’est là que je me suis débrouillé pour me retrouver dans une maison où les conditions de vie étaient vraiment difficiles et l’insalubrité était extraordinaire. Le lendemain j’ai cherché ailleurs avec un ami sénégalais, avec qui je partageais l’université. Mais les conditions laissaient toujours à désirer. Entretemps, on a changé à plusieurs reprises de logements mais on n’en arrivait toujours pas. Parce que la location était très chère, trop de difficultés d’adaptation. On ne pouvait pas avoir de carte de séjour. Et on ne pouvait pas prétendre être régulier dans ces conditions-là », regrette le jeune migrant de retour qui a réussi à se faire une place dans la société sénégalaise. Dès son retour, il a pu trouver un emploi qui lui permet aujourd’hui de subvenir à ses besoins ainsi que ceux de ses proches parents.
La vulnérabilité des jeunes migrants au centre des préoccupations mondiale
La question de la vulnérabilité des jeunes migrants a toujours occupé les thèmes centraux des rencontres internationales sur la question. Les Gouvernants et décideurs continuent à cogiter sur des solutions concertées. D’ailleurs, ce thème a été amplement discuté lors de la première cession du dialogue international sur la migration en 2016. « La vulnérabilité a été l’un des grands thèmes de la première session du Dialogue international sur la migration, qui s’est tenue à New York, et cette question a ensuite été approfondie à Genève. Comme de nombreux orateurs l’ont déclaré, des efforts doivent être faits pour s’attaquer aux vulnérabilités des jeunes migrants, en renforçant leur protection et en les autonomisant. Des mesures propres à protéger les droits des migrants et à assurer des migrations dans la sécurité et la dignité permettront aux jeunes migrants de ne pas être vulnérables à l’exploitation et aux abus », renseigne le rapport 2020 de l’OIM intitulé « LES JEUNES ET LA MIGRATION : Associer les jeunes, en tant que partenaires clés, à la gouvernance des migrations Libérer le potentiel des jeunes face aux chances et aux défis nouveaux de la migration », parcouru par Dakaractu. Vers les années 90, les séries de téléfilms ou sketchs sénégalais passés en boucle dans les médias télévisés sont pointés du doigt comme étant l’une des sources d’inspiration ou de motivation des jeunes candidats à l’émigration irrégulière.
Déconstruire l’image que les jeunes africains ont sur la migration devient impératif !
Pour le directeur du centre de recherche ouest-africain (Warc), Ousmane Sène, vu le contexte économique actuel que traverse le monde entier, il s’avère très important de déconstruire cette image que les jeunes ont sur l’occident, le petit paradis. Ce qui passe selon Ousmane Sène par une bonne campagne de sensibilisation des jeunes sur les difficultés que traversent pour la plupart des migrants dans les grandes capitales européennes. « On a mis dans la tête de ces jeunes-là que la seule manière de réussir la vie, c’est d’émigrer et quels que soient les moyens et les voies empruntées. Cette donne a été propulsée au fil des temps par les émigrés de retour ou encore en vacances dans leur pays. Par exemple, vous voyez un émigré revenir avec de grosses chaînes qui ressemblent à de l’or, habillé comme ces jeunes du Bronx ou de Harlem, avec le signe du dollar et de plusieurs billets d’un dollar en poche. Imaginez si vous en avez 100, la poche ou le sac est plein et vous allez faire le show devant les gosses qui vont mettre dans leur tête que seule la migration est la voie du salut. Contrairement à la réalité et de ce qui se passe dans les zones d'accueil. Ce qui fait qu’il est nécessaire, aujourd’hui, que les jeunes Sénégalais soient informés des conditions réelles dans lesquelles vivent nos compatriotes hors de la diaspora. Cela passe par la déconstruction de l’image reluisante que les jeunes africains se font de l’Europe. Il faut les montrer « les courses-poursuites entre les émigrés et les policiers, à Harlem ou partout ailleurs dans l’Europe », propose Ousmane Sène.
De nouvelles approches axées sur la bonne information
Même si le renforcement du cadre répressif de la traite des personnes et du trafic de migrants est de mise au Sénégal, il est impératif de mettre en place de nouvelles approches basées sur la sensibilisation et l’accès à la bonne information des jeunes sur les questions migratoires. Si l’on se fie au membre du comité interministériel de lutte contre l’émigration irrégulière au ministère de l’intérieur et de la sécurité publique du Sénégal, Henry Boumy Ciss, d’importantes stratégies sont en train d’être mises en place par le gouvernement pour contrecarrer les départs massifs de migrants vers l’Europe. « Après plusieurs approches pour freiner les flux migratoires irréguliers, le gouvernement sénégalais met en place d’autres stratégies pour venir à bout de ce fléau. Et nous avons une nouvelle approche dans cette mise à disposition de l’information relative à la migration. Mais aussi nous travaillons avec les ambassades, dans une approche nouvelle. On veut les amener à donner les bonnes informations qu’on peut mettre à la disposition de la jeunesse. Des informations sûres et fiables. Mais, également, discuter peut-être avec les représentants diplomatiques sur les questions migratoires et des solutions concertées », renseigne Henry Boumy Ciss. Suffisant pour dire que l’accès à la bonne information des jeunes sénégalais, africains en général est aujourd’hui l’autre défi majeur auxquels font face les gouvernants.
Cet article a été écrit avec le soutien d’Article 19 et l’UNESCO, dans le cadre du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication », financé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), via le « Fonds Afrique » du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale (MAECI) »
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