L’arnaque avait tout d’un film. Une histoire poignante, des personnages inventés, une mise en scène numérique complexe et des victimes choisies avec soin. Selon L’Observateur, le tribunal de Pikine-Guédiawaye a dévoilé, pièce par pièce, l’une des escroqueries les plus sophistiquées de ces derniers mois : celle montée par Moussa Sy, informaticien de 34 ans, qui a dépouillé deux frères de plus de 23 millions de francs CFA grâce à l’histoire d’une supposée « convertie persécutée ».
Au terme du procès, Moussa Sy a été condamné à trois ans de prison ferme, ainsi qu’au paiement de 15 millions à Modou Ndiaye et 10 millions à son frère Cheikh Ndiaye.
Une machination millimétrée née d’une retrouvaille anodine
Tout commence en juin 2025.
Modou Ndiaye, maître coranique, croise par hasard son ancien camarade de daara, Moussa Sy, perdu de vue depuis 2006. Ce dernier saisit rapidement l’occasion : quelques jours après, il le recontacte et lui raconte l’histoire bouleversante d’une femme qu’il appelle “Mariama Gomis”.
Selon ce récit relayé par L’Observateur, Mariama serait une chrétienne convertie à l’islam, persécutée par sa famille, licenciée de son poste au BRT, accablée par un prêt bancaire, mais en attente d’une indemnisation de 110 millions de FCFA… à condition de régler d’abord ses dettes.
L’informaticien promet à Modou que Mariama partagera l’indemnité avec quiconque l’aidera. Entre compassion et espoir de commission, le maître coranique commence à envoyer de l’argent.
Virements, terrains vendus, dettes accumulées : la spirale
Les envois se multiplient par Wave, Orange Money, et même en espèces.
Pour suivre les soi-disant “urgences” que sont les frais bancaires, retards, pénalités, Modou vend son véhicule, ses deux terrains.
À bout de ressources, il se tourne vers son frère Cheikh Ndiaye, commerçant.
Cheikh commence par prêter 300 000 F CFA, puis 600 000… avant d’être happé lui aussi dans la mise en scène et de perdre plus de 10 millions de francs CFA.
Puis un jour, plus rien.
Moussa disparaît, repoussant les rendez-vous et fuyant les appels.
L’opération piège qui fait tomber l’informaticien
Les frères Ndiaye, désormais convaincus d’être victimes d’une arnaque, déposent plainte.
Le 4 novembre 2025, une opération de police est montée et les victimes simulent un dernier versement de 850 000 F CFA.
Moussa Sy se présente et il est arrêté sur-le-champ.
L’enquête de la Brigade de Recherches de Keur Massar établira que 23 millions de francs CFA ont été remis à Moussa.
Mais devant la justice, il n’en reconnaît que 11 millions.
WhatsApp, faux profils, faux avocat : un scénario digne d’un thriller
À la barre, la supercherie apparaît dans sa forme la plus élaborée. Selon L’Observateur, Moussa Sy avait créé un groupe WhatsApp avec les frères et la prétendue Mariama. Il avait inventé un avocat imaginaire , fabriqué une fausse directrice ivoirienne de banque , utilisé plusieurs numéros injoignables , envoyé un message vocal simulant la tentative de suicide d’une tante . Il avait alimenté la fiction avec de faux documents, audios et conversations.
Il prétendra ensuite avoir été lui-même piégé par une “entreprise de multiplication d’argent” sur Facebook, un argument balayé par les juges, tant ses versions changeaient “à chaque minute”, comme l’a rappelé le procureur.
Des victimes piégées par humanisme… et par promesse d’indemnité
Modou Ndiaye explique au tribunal : « J’ai aidé par humanisme… et parce qu’il m’a dit que nous partagerions l’indemnité entre nous trois. »
Son frère Cheikh confirme qu' à chaque échéance, Moussa revenait avec une nouvelle urgence, un nouveau prétexte, une nouvelle souffrance inventée.
Le verdict : trois ans fermes et une lourde réparation
Face aux éléments accablants – messages, audios, numéros liés à la mise en scène –, Moussa Sy s’effondre, demande une chaise, évoque des “problèmes respiratoires”.
Rien n’y fait.
Le tribunal rejette la thèse de la naïveté.
Les faits d’escroquerie sont jugés pleinement établis.
Verdict tombe pour 3 ans de prison ferme, 15 millions à verser à Modou Ndiaye, 10 millions à son frère Cheikh, avec contrainte par corps.
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