L’inspectrice du Trésor déroule un récit explosif mêlant dette, audio secret, décharges et réseau d’influence. Une audition au fond qui pourrait redéfinir les contours d’un des plus gros scandales financiers de ces dernières années.
Le suspense judiciaire autour du dossier des 700 millions FCFA de la Commission de régulation du secteur de l’énergie (CRSE) s’épaissit au fil des jours. Ce lundi 5 mai, une étape-clé a été franchie avec l’audition au fond de Tabaski Ngom, inspectrice du Trésor et ancienne agente comptable particulière (ACP) de la CRSE, par le redouté Pool judiciaire financier (PJF). Une audition de près de quatre heures devant les juges d’instruction Idrissa Diarra et Nelly Secko Dieng, dans un cabinet transformé en chambre d’échos d’un scandale aux ramifications encore floues.
Tabaski Ngom est arrivée au tribunal escortée par ses avocats, le visage impassible, l’attitude déterminée. L’heure n’était plus aux esquives : la pièce maîtresse du puzzle devait parler. Et elle a parlé. Avec calme, méthode et assurance, elle a déroulé ce qu’elle considère comme la mécanique d’un endettement informel à grande échelle, orchestré par son ancien supérieur hiérarchique et ex-ministre de l’Industrie, Moustapha Diop, aujourd’hui député et maire de Louga.
Une dette gigantesque et une confiance sans filet
Au cœur de sa défense, une affirmation persistante : Moustapha Diop lui devrait plus de 700 millions FCFA. Une somme qui ne repose pas seulement sur des paroles, affirme-t-elle. Dans une tentative de démontrer sa bonne foi et sa transparence, Tabaski Ngom a remis aux juges une décharge signée par Moustapha Diop pour un montant de 200 millions FCFA, reconnaissant ainsi une partie de cette dette supposée.
Mais ce n’est pas tout. L’inspectrice, visiblement bien préparée, a brandi une autre carte : un enregistrement audio, réalisé à l’insu des protagonistes, dans le bureau de Momath Ba, ex-directeur général de l’Aprosi (Agence de promotion des sites industriels). Dans ce fichier sonore, on entendrait une conversation entre Momath Ba et Moustapha Diop, ce dernier admettant le différend financier avec Tabaski Ngom et promettant d’« y trouver une solution ». Cet extrait, présenté comme une pièce à conviction clé, semble avoir fait forte impression sur les juges.
Un système sans garanties, fondé sur les liens de pouvoir
Interrogée sur l’absence de justificatifs pour le reliquat de la dette, soit plus de 500 millions FCFA, Tabaski Ngom a évoqué une relation de confiance née d’une proximité professionnelle et politique avec Moustapha Diop, à l’époque ministre de tutelle de la CRSE. Elle a reconnu n’avoir pas jugé utile de formaliser toutes les avances de fonds. Un aveu qui, à lui seul, souligne les dérives possibles dans la gestion des ressources publiques lorsqu’elle repose davantage sur la loyauté personnelle que sur des procédures écrites.
Des inculpations en cascade
Mais la stratégie de dévoilement de Tabaski Ngom ne l’a pas empêchée de tomber sous le coup de la loi. Arrêtée par la Division des investigations criminelles (DIC), elle a été inculpée pour association de malfaiteurs, détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écritures publiques et privées, ainsi que blanchiment de capitaux. Elle a été placée sous mandat de dépôt.
Dans sa chute, elle entraîne deux autres figures :
Mor Guèye, patron des sociétés Webcom.Sen et Sen-Setal, accusé d’avoir servi de relais ou de bénéficiaire dans ce montage opaque. Malgré sa ligne de défense, il a été écroué.
Momath Ba, dont le nom revient fréquemment, a lui aussi été inculpé. Mais il a échappé à la détention préventive grâce au paiement d’une caution de 90 millions FCFA, réunie dans l’urgence par ses proches.
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