AVIS : Le traitement des cas d’inéligibilité et la validité de la liste de candidatures


AVIS : Le traitement des cas d’inéligibilité et la validité de la liste de candidatures
Il me plaît de revenir sur les constats faits par les mandataires dans le cadre de l’exercice de leur droit de vérification des déclarations de candidatures et pièces des dossiers en application des dispositions de l’article L.177, alinéa 4 du code électoral. Ces constats soulèvent des controverses et appellent de notre part une analyse fondée sur la loi électorale et sur la jurisprudence afin de mieux cerner les contours liés aux traitement des cas d’inéligibilité des candidats (1) et d’apprécier la validité des listes de candidats en rapport avec l’exigence du respect de la parité (2).

I.              Le traitement des cas d’inéligibilité

En principe, tous les électeurs inscrits dans une liste électorale et âgés d’au moins 25 ans sont éligibles aux législatives. Toutefois, il y a lieu de noter des cas d’inéligibilité et d’incompatibilité. Il existe deux types d’inéligibilité aux législatives :

-          Les inéligibilités générales : les personnes déchues de leurs droits civils et politiques à la suite d’une condamnation pour crime ou délit (L.29 et L.30).

-          Les inéligibilités liées à la fonction : sont inéligibles les fonctionnaires ou agents régis par un statut particulier en activité de service ou durant les six (6) qui suivent la cessation du service.  Il s’agit des Inspecteurs généraux d’Etat, des magistrats des Cours et Tribunaux, du Trésorier général.

Il faut distinguer l’inéligibilité de l’irrecevabilité. L’inéligibilité est une situation qui empêche le citoyen d’être candidat aux élections. Elle concerne le candidat et ne saurait rendre une liste irrecevable.

Les motifs d’irrecevabilité sont énumérés à l’article L.178 du code électoral. Or l’inéligibilité d’un candidat est traitée selon la période où elle est constatée. Ainsi le code électoral prévoit trois (3) étapes :

Etape 1. Au début de l’analyse des dossiers pour la recevabilité juridique, l’article 179, alinéa 2 : « Le remplacement de candidats inéligibles, sans préjudice de l’ordre d’investiture, et la substitution de pièces périmées ou comportant des erreurs matérielles sont, le cas échéant immédiatement notifiés au mandataire de la liste concernée. Celui-ci dispose de trois jours, à compter de la date de notification, pour y remédier, sous peine de rejet de la candidature concernée ».

Etape 2 : l’article LO.182.- « Après le délai de cinq jours prévus à l’alinéa premier de l’article L179 et ce, jusqu’à la date de prise de l’arrêté publiant les déclarations reçues, s’il apparaît qu’une déclaration de candidature a été déposée en faveur d’une personne inéligible, le Ministre chargé des élections doit saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans les trois jours de la saisine sur la recevabilité de ladite candidature ».

Etape 3 : l’art.LO.185-1.- « Entre la date de signature de l’arrêté du Ministre chargé des élections publiant les déclarations reçues et la veille du scrutin à zéro heure, en cas de décès ou d’inéligibilité de candidats, le mandataire de la liste fait, sans délai, déclaration complémentaire de candidature au Ministre chargé des élections qui la reçoit, s’il y a lieu, la diffuse par voie radiophonique et en assure la publication par affichage dans tous les bureaux de vote concernés.

Il ressort de ces dispositions que le mandataire doit pourvoir au remplacement du candidat inéligible et que l’inéligibilité n’affecte que le candidat et n’entraîne pas l’invalidation de la liste.

Au surplus, l’article L.173, dispose en son dernier alinéa : « Pour le scrutin proportionnel, les listes présentées doivent être complètes. Une même personne ne peut être candidate à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel ni se présenter dans plusieurs départements ».

Il en résulte donc clairement que le code électoral ne considère nullement le cas où une même personne figure sur une liste, à la fois, comme candidat titulaire et candidat suppléant. Par conséquent, cela ne rend pas la liste incomplète et dès lors en cas d’erreur sur la déclaration complémentaire, le mandataire doit pouvoir faire à nouveau la régularisation qui s’impose.

 

II.             La validité des listes de candidatures : l’exigence de la parité

Le respect de la parité homme-femme est une exigence de la loi intégrée depuis 2012 dans le code électoral qui garantit la parité sur les listes de candidatures. Ainsi toute liste qui ne respecte pas la parité est déclarée irrecevabilité. Cette exigence est renforcée par la jurisprudence née du contentieux des élections départementales et municipales de 2014.

La Cour suprême, dans son arrêt N°31 du 24/14, considérant les dispositions de l’article L.224 qui prescrivent que « toutes les listes présentées doivent respecter la parité homme-femme et doivent être alternativement composées de personnes des deux sexes », a cassé et annulé partiellement l’arrêt N°43 du 16 mai 2014 de la Cour d’Appel de Dakar tout en limitant l’irrecevabilité la liste proportionnelle titulaire « And Deffar Thiès » pour les élections municipales de la commune de Fandène.

Nonobstant cet arrêt, la notion de liste mérite d’être reconsidérée au vu des dispositions pertinentes du code électoral. A la lumière des dispositions des articles L.154, L.177 et L.178, cette notion liste renvoie à une seule liste qui comporte deux composantes : les candidats titulaires et les candidats suppléants.

L’article L.154. (2e point) dispose : « En vue de pourvoir aux vacances qui pourraient se produire :

·  chaque liste de candidats au scrutin de représentation proportionnelle avec liste nationale comprend cinquante candidats suppléants ; en cas de vacance d’un siège de député, il est fait appel en priorité au candidat du même sexe non élu placé en tête sur la liste dans laquelle s’est produite la vacance ».

S’agissant de l’article L.177, il énonce en son alinéa 1er que « la liste des candidats qui accompagne les dossiers de candidatures est établie en double exemplaire dont l’un est destiné à la C.E.N.A. ».

L’article L.178 relatif aux causes d’irrecevabilité ne fait non plus de distinction entre la liste des titulaires et des suppléants « n’est pas recevable la liste qui : ·  1° est incomplète ; ·  2° ne comporte pas les indications obligatoires prévues aux articles L.149 et L.173… ».

Quant à l’article L.149-6, il dispose : « en tout état de cause, la parité homme-femme s’applique à toutes les listes. Les listes de candidatures, titulaires comme suppléants, doivent être alternativement composées de personnes des deux sexes. Lorsque le nombre de membres est impair, la parité s’applique au nombre pair immédiatement inférieur ». Il y a lieu de considérer ici que la notion de liste vise la proportionnelle et la majoritaire.

Il est évident que le sort de la liste des suppléants est lié à celui de la liste des titulaires. En conséquence, l’invalidation d’une des deux composantes de la liste (titulaires ou suppléants) devrait rendre toute la liste incomplète et irrecevable en vertu de l’article L.178.

Le 22 mai 2022

 

Ndiaga SYLLA, Expert électoral

Président Dialogue Citoyen
Lundi 23 Mai 2022




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