A BATONS ROMPUS AVEC… Mamadou Lamine Loum, Vice-président de la CNRI«Le doyen Mbow, c’est quelqu’un qui en a vu des vertes et des pas mûres»

Le vice-président de la Commission nationale de réforme des institutions qui était l’invité de l’émission Opinion diffusée sur Walf Tv n’a pas fait dans langue de bois pour porter la réplique face aux accusations et attaques dont ses collègues et lui font l’objet depuis que le rapport de la Cnri a été remis au chef de l’Etat. Mamadou Lamine Loum revient également sur la méthodologie, la suppression du poste de Premier ministre, la taille du gouvernement, entre autres points qui ont conduit à l’élaboration de ce projet de constitution. Non sans afficher son étonnement quant au rapport qui a été étalé sur la place publique quelques heures seulement après avoir été remis à son commanditaire, le président Macky Sall.


A BATONS ROMPUS AVEC… Mamadou Lamine Loum, Vice-président de la CNRI«Le doyen Mbow, c’est quelqu’un qui en a vu des vertes et des pas mûres»
Wal Fadjri : Après 10 mois de travaux,  la Cnri a remis son rapport au président de la République. Pouvez-vous revenir sur la méthodologie et le travail qui a été abattu pour aboutir à ce résultat ?
Mamadou Lamine LOUM : Nous avons travaillé sur la base d’une commande du président de la République. Notre méthode a été très simple puisque dictée par le décret qui a créé la Cnri. Ce décret du 28 mai 2013 a fixé à la Commission nationale de réforme des institutions un certain nombre de principes à travers un format et un objectif. La méthode utilisée, c’est l’inclusivité et la participativité. On devait faire en sorte que la démarche aboutisse à une concertation nationale sur la réforme des institutions. L’objectif était de formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement régulier des institutions, à approfondir la démocratie, à consolider l’Etat de droit et à moderniser le régime politique du Sénégal tout en s’inspirant des Assises nationales et en s’appuyant également sur les conclusions desdites assises, notamment  la charte de bonne gouvernance et le programme Yoonu YoKkuté.
C’est donc ce qui constituait le socle de votre travail
C’était la mission de la commande présidentielle. La lettre de commande destinée au président Mbow ne s’est seulement pas arrêtée à cette étape. La lettre qui lui a été remise le 28 mai stipulait très clairement un certain nombre d’actes autour desquels des problématiques devaient être identifiées dans la mission. Le premier problème était la consolidation de l’Etat de droit. Le second : l’équilibre des institutions. En troisième position : le renforcement de l’indépendance de la justice. Quatrièmement : l’approfondissement de la démocratie représentative et celle participative. En cinquième position le renforcement des libertés individuelles. Sixièmement : le renforcement de la déconcentration et de la décentralisation. Septièmement : le renforcement des politiques publiques. Huitièmement : la protection des valeurs de notre société et la culture de l’imputabilité et le développement de la bonne gouvernance, la transparence, la clarté. Et, en dernière position : la stabilité des institutions. Ce sont ces points qui nous avaient été servis. Nous devions donc présenter un rapport sur ces points sus-mentionnés.
Etes-vous restés fidèles par rapport à ces recommandations du président de la République à travers son décret ?
On est resté fidèle de bout en bout. Dès lors que nous avons été munis de ce décret, nous avons convoqué le 20 juin la presse pour lui exposer la mission. Idem pour les partis politiques et les associations de la société civile que nous avions convoqués le 22 juin. Nous avons convoqué ces différents acteurs pour une réunion de premier contact pour leur faire connaître la mission et la démarche que nous allons développer entre les mois de mars et de juin. Laquelle démarche s’est appuyée sur ces éléments qui ont été constatés par le décret de juin avec lequel nous avions démarré le travail. Nous n’avons pas voulu entreprendre quoi que ce soit sans établir un diagnostic précis de la situation des institutions au Sénégal. Nous l’avons totalement fait en reprenant l’exercice sans nous référer explicitement aux Assises nationales. Dans la commission qui renferme 19 membres, une bonne douzaine n’avaient pas participé aux Assises nationales.
Vous confortez donc l’idée selon laquelle les Assises nationales n’ont pas été reproduites…
C’est quelque chose qui a été avancé. A l’époque, on avait répondu à cette question dans la prise de contact avec la presse en expliquant très clairement que les deux exercices ne sont pas identiques. Les Assises nationales sont un exercice holistique qui porte sur l’ensemble des questions nationales : économie, politique, social, culturel, technique, environnemental… Ces assises ont été initiées par des formations politiques de l’opposition en un moment où l’histoire politique du pays et des institutions était désertée par cette même opposition... Où également il y avait une rupture de consensus. Cette opposition s’est regroupée avec des associations de la société civile pour parler des problèmes de la gouvernance. Tout le contraire de la Cnri, parce qu’il s’agit là d’une commande faite par le président de la République.
Pourtant ce président avait ratifié la charte de bonne gouvernance des Assises nationales
Il a signé cette charte comme tous les autres leaders de partis politiques. Il a voulu honorer sa signature. C’est ainsi que nous avons commencé à travailler avec ces deux référentiels en contractualisant avec des tiers. Ce ne sont seulement pas les membres de la Cnri qui ont mené le travail. Nous avons choisi des organes qui, sur le plan national, par leur représentativité, pouvaient faire le travail dans tous les départements : la plateforme des acteurs non étatiques pour les panels et l’Oncav (Organisme national de coordination des activités de vacances, Ndlr) pour ce qui est des fora. Les radios communautaires, les médias sociaux de même que les réseaux sociaux ont été mis à contribution. La presse commerciale a également été mise à profit pour nous aider dans la publicité.
Vous avez souligné que la commission a eu à rencontrer la presse, la société civile et les partis politiques… Malgré tout, on parle d’une absence de concertation politique. Comment l’expliquez-vous ?
Nous sommes les premiers à être interloqués par rapport à cette question. Nous avons convoqué  200 formations politiques qui existent officiellement. A l’époque, nous avons bien expliqué aux Sénégalais et 6 ou 7 dizaines de cartons nous étaient revenus avec des adresses inconnues. Nous avons réussi à les placer et un peu moins de 90 responsables de parti sont venus répondre à notre appel. Nous avons travaillé avec ces formations politiques et avec une trentaine d’associations de la société civile. C’étaient des organisations faîtières comprenant d’autres organisations. Nous avons travaillé, dans les 45 départements que compte le Sénégal, avec l’ensemble des représentants des zones rurales, des zones urbaines, des communes, des départements sélectionnés d’après les règles les plus rationnelles possibles.
Etaient-elles plus représentatives que les 13 millions de Sénégalais
Bien sûr ! Les techniques quantitatives de modélisation de gestion de la mesure des opinions permettent d’interroger 100 Sénégalais pour savoir ce que pensent les 6 ou 7 millions de Sénégalais qui votent. Lorsqu’on en mobilise 4 500 et la veille 4 500  autres soit 9 000, on a obtenu 60 fois la taille optimale de mesure. C’est sur cette base que le travail a été réalisé. Et ce travail a deux modes contradictoires. Le premier mode est le choix d’après l’échantillonnage de la population de la zone géographique dans la population totale. Lorsque nous avons travaillé sur les données, les différences même si cela a porté sur des différences, elles seront minimes. C’est d’ailleurs cela qui a permis de conforter la validité du choix qui a été fait. L’ensemble des Sénégalais qui n’ont pas voulu participer à ces formats ont été requis de répondre dans un questionnaire qui était disponible sur internet et qui était disponible physiquement. Ceux qui n’avaient participé ni aux fora, ni aux panels pouvaient répondre par questionnaire. Ces questionnaires ont été dépouillés et de la même manière le résultat a été pris en compte pour venir conforter ce résultat.
«Lorsque nous aurons achevé le travail, les fonds budgétisés vont tourner autour de 500 millions. Nous aurons ainsi une économie de 30 % sur les 700 millions qui avaient été budgétisés.»
A combien est estimé le nombre de sondés sur la toile ?
Pour ce qui est des questionnaires sur internet, nous avons obtenu plus de 2 000 participants qui ont répondu en deux ou trois jours. Nous avons, en effet, ouvert pour deux ou trois jours. Nous avons obtenu 10 mille personnes dont les résultats sont disponibles sur le site que  les chercheurs peuvent vérifier. Des résultats ont également été obtenus après des techniques d’enquête et de mesure des opinions.
A combien est estimé le coût des recherches?
Nous n’avons pas totalement achevé les derniers travaux. Aussi nous n’avons pas eu de problèmes d’encaissement des ressources. Lorsque nous aurons achevé le travail, les fonds budgétisés vont tourner autour de 500 millions. Nous aurons ainsi une économie de 30 % sur les 700 millions qui avaient été budgétisés.
Et vous comptez faire quoi avec cette économie ?
Nécessairement qu’on va le rendre au gouvernement.
Comment avez-vous vécu la controverse qui a accueilli vos travaux ?
Nous l’avons accueillie avec curiosité et sérénité. Avec curiosité, parce que nous n’avons pas compris qu’ayant mis un point d’honneur dans la commission et fait en sorte que durant tout le travail de la commission nos documents, nos travaux soient restés confidentiels comme l’a demandé le président de la République. Nous avons été surpris de voir sitôt le rapport remis au chef de l’Etat que ce rapport, le lendemain, déjà était étalé sur la place publique.
On pensait que la primeur était réservée au président de la République
La primeur lui a été réservée. Nous ne disposons même pas d’exemplaires. Tous les exemplaires ont été remis au chef de l’Etat. Les membres de la commission n’en avaient pas du tout. Nous avons été surpris de voir ce rapport étalé sur la place publique.
Comment la presse s’est-elle procurée de ce rapport ?
Nous ne le savons même pas. Ce que nous avons compris, c’est qu’il s’agissait d’une fuite précoce. Et les fuites font légion au Sénégal. Une fuite aussi précoce, on ne l’avait jamais vue. A quelque chose malheur est bon, dit l’adage. On parlait d’un document que seules quelques personnes avaient le privilège de lire et il était déjà en discussion.
Cela a-t-il  perturbé vos plans ?
Pas du tout ! Nous étions en train de nous préparer pour faire en sorte de sortir les résultats des enquêtes citoyennes lorsque le chef de l’Etat aura la primeur du document. Et de sortir les autres documents parce qu’ils sont destinés à être rendus publics. Mais nous avons été court-circuités par la fuite. Nous avons ainsi envoyé l’ordre de publication plus vite qu’il n’était programmé. Nous l’avons considéré avec sérénité parce que nous considérons que, dans tous les cas, il y a une occasion pour les Sénégalais de s’approprier les règles de ce qui devait  être leur constitution, la charte fondamentale de la nation.
Aujourd’hui, quel est le sentiment qui anime les membres de la commission ? Déception ou sentiment du devoir accompli ?
Pas déception mais plutôt surprise.
Vous êtes surpris ?
On a été surpris mais on a le sentiment du devoir accompli parce que nous avons travaillé dans les règles de l’art conformément aux principes de la commande. Mais aussi conformément aux codes d’éthique de conduite qui sont dans l’index du rapport. Nous avons rendu comme prévu les résultats de nos travaux au président de la République.
Le doyen Amadou Makhtar Mbow parvient-il à tenir le coup ?
Le doyen Mbow, c’est quelqu’un qui en a vu des vertes et des pas mûres. Beaucoup de jeunes gens ne connaissent pas le doyen Amadou Makhtar Mbow. Il a occupé le poste de ministre sous la Loi-cadre. Il a eu une riche carrière de ministre. Il a dirigé une prestigieuse institution internationale (Unesco, Ndlr) où il a mené un combat épique pour un nouvel ordre de l’information. Rentré au bercail, il passe son temps à écrire sur les problèmes qui touchent l’Afrique et  le monde en général, sur les problèmes du développement et de la démocratie. Sollicité, il a eu l’opportunité historique de conduire les Assises nationales. Le président Sall lui a également demandé de présider cette commission. Il est aussi surpris que nous, mais il est encore beaucoup plus robuste d’esprit que beaucoup d’entre nous.
 
«On a été surpris mais on a le sentiment du devoir accompli parce que nous avons travaillé dans les règles de l’art conformément aux principes de la commande.»
 
Et si cette mission était à refaire?
Je crois qu’il aurait accepté. Je ne le vois pas refuser ou décliner une telle invite. Vous l’avez d’ailleurs entendu dans son discours devant le chef de l’Etat. Il a dit : «Ce n’était pas envisageable de décliner cette mission.» Pour ma part, c’était une tâche patriotique. Et ceux que j’ai consultés l’ont pris comme une tâche patriotique.
Vous proposez 154 articles et la constitution de Wade comptait 108 articles. Selon certains, il vous a manqué un esprit de synthèse…
Nous avons surtout plus de matières. Il y a deux manières de faire une constitution. Et cela se retrouve dans tous les pays du monde. Il y a la manière minimaliste et celle classique. Dans le monde francophone on considère que la constitution sert à régir les rapports entre les pouvoirs publics. Le minimum relègue un certain nombre de textes importants dans les textes inférieurs : lois organiques, etc. Dans d’autres pays, en Afrique, par exemple dans la constitution sud-africaine, kenyane, éthiopienne, ils s’approprient leurs chartes et y développent toutes les idées qui concernent le citoyen et la nation. Ils y évoquent toutes les orientations qui doivent servir de guide pour les autorités et les dirigeants. Dans nos pays, ce qui se passe, c’est que la constitution est une affaire de dirigeants et quelquefois ils sont ouverts avec l’opposition. La constitution que nous produite est réalisée en rapport avec les orientations des Assises nationales. C’est une constitution du citoyen sénégalais.
C’est donc une constitution qui n’est pas destinée au politicien…
C’est une constitution du citoyen sénégalais. Nous voulons que nos dirigeants aient un bail à durée déterminé strict avec le peuple. Il n’est pas possible que chacun vienne faire sa constitution. Celle-ci serait soumise au peuple sous forme de référendum. On veillerait à ce qu’elle ne soit plus tripatouillée. C’est la constitution du peuple et le peuple y trouve les réponses à ses préoccupations.
C’est là où se situe le problème. Pour certains, il n’était pas de votre ressort de proposer un projet de constitution parce qu’on vous aurait juste demandé de réfléchir sur les institutions. On dit même que vous avez outrepassé vos prérogatives…
La réponse coule de source par rapport aux propos que j’ai soulevés plus haut. Avez-vous entendu quoi que ce soit qui interdise à la Cnri de faire un travail ? Non seulement sur la base d’un rapport mais à la fin de le caractériser et de l’illustrer dans un projet de constitution parce qu’on nous a donné le pouvoir de faire une proposition dans ce sens.
Le président vous a-t-il demandé de proposer un projet de constitution ?
Il a demandé de faire un travail qui débouche sur toute forme de proposition. Lorsque nous avons démarré le travail, nous avons demandé à savoir si nous allons faire des propositions de rédaction d’une nouvelle constitution. Nous avons été dubitatifs. Nous ne savons pas le poids des matières et des dispositions qui vont être transformées par la population, le peuple, les acteurs. Nous ne savions pas que nous allions nous retrouver avec 20 ou 50 articles. Lorsque, à la fin, nous arrivions à avoir une Constitution qui illustre un autre esprit, exhale un autre parfum qui change notre démocratie. Maintenant on parle de démocratie participative, les pouvoirs publics sont séparés et équilibrés. Et chaque pouvoir reçoit l’ensemble de ses prérogatives pour ne pas dépendre de l’autre. Si nous arrivions à la fin pour constater qu’il y a énormément de matières pour changer parce qu’il y a une transfiguration, en ce moment la question se posera et on ira vers une nouvelle constitution.
Au départ il ne s’agissait donc pas de rédiger une constitution
A priori la question ne se posait pas. L’option de départ était de dire qu’on pouvait rédiger une constitution comme on peut rédiger de simples articles.
Mais la constitution, c’est l’affaire des constitutionnalistes
Pas du tout ! Nous avions dans cette commission 7 juristes. L’essentiel est aujourd’hui à l’université de Dakar. Ce sont des enseignants attitrés dans la matière. Les conclusions des Assises nationales qui sont la référence de l’exercice considèrent que la constitution, c’est justement de ne pas faire du droit. La constitution, c’est également l’affaire du citoyen qui y dit quelles sont ses aspirations.
Mais, la rédaction d’une constitution doit impérativement découler des constitutionnalistes
C’est après avoir dit les options que tu feras la commande. La constitution c’est d’abord le peuple qui y met le contenu et après on s’adresse à un sachant rédiger qui est le constitutionnaliste. D’ailleurs, de ce point de vue, cette constitution est mieux rédigée que sa devancière.
Comment ?
L’ancienne est très mal faite et mal rédigée.
Est-ce une manière de faire le procès de la constitution du président Wade ?
Ce n’est pas l’objet. En rédigeant les articles qui doivent être touchés, ils ont été revus et nous avons travaillé dans un esprit de dire que, chaque fois qu’il y a une question importante, par exemple les ressources naturelles, le foncier, les problèmes de la pêche, de travailler comme dans les autres pays qui souhaitent que la constitution soit le reflet de la population et que cela ne change souvent pas.
Etait-il du ressort de la Cnri de fixer le nombre de ministres à 25 ?
Vous deviez dire : était-il du ressort de la constitution de légiférer dans une matière où l’un des pouvoirs, l’exécutif, est censé pouvoir faire mieux ? La réponse coule de source. Il faut d’abord savoir que, dans la constitution, on s’arroge tous les droits du moment que cela reflète une préoccupation citoyenne. Par exemple la question du nombre de ministères, c’est une préoccupation des Sénégalais.
Pourtant le président Macky Sall avait essayé d’appliquer cette question au début de son mandat mais cela n’a pas fonctionné
Le problème ne se situe pas à ce qu’il ait essayé ou pas. Dans son programme le Yoonu Yokkuté il y a une mesure. C’est un engagement d’avoir un gouvernement de 25 ministres.
Sauf que le Yoonu Yokkuté est abandonné au profit du Plan Sénégal émergent
Il avait dit qu’il fallait limiter, comme cela se fait dans beaucoup de pays asiatiques, le nombre de ministres pour éviter toute prolifération. On l’a limitée maximum à 25 ministres. Un gouvernement peut être constitué par 15 ministres. Le Yoonu Yokkuté qui est notre référence en la matière montrait qu’on pouvait aller à 15 ministres comme c’est le cas pour le Cap-Vert. Un nombre 25 ministres est  gérable. Il est tout à fait important, pour nous et pour les populations, de considérer que ceux qui n’auront pas les allocations des services qui les intéressent d’avoir une opportunité à limiter ces dépenses. Cela nous semble important parce qu’un gouvernement trop élastique, c’est aussi un problème de coordination.
Cela répond pourtant aux préoccupations du moment parce qu’on ne peut pas mettre un président dans un carcan pour lui signifier que vous n’avez la possibilité que de choisir 25 ministres
Un gouvernement, c’est des missions permanentes de l’Etat et qui regroupe des préexistants qui se subdivisent en bureau, service, division, direction, direction générale avant de devenir département ministériel. On ne décide pas, en bonne règle administrative et en management, de créer un ministère pour lui trouver ensuite des directions. On part des unités de bases pour arriver au sommet. C’est comme cela que ça se fait et c’est pour que des pays comme le nôtre aient un nombre de ministères limités.
Qu’est ce qui motive la proposition qui veut que le président de la République ne soit plus chef de parti ?
C’est une norme qu’on retrouve de plus en plus dans les pays démocratiques. C’est tout à fait valable pour les jeunes Etats qui sont partisans de la séparation des pouvoirs. On ne peut pas avoir une séparation des pouvoirs si on demande au chef de l’Etat qui doit s’occuper de l’intégrité du territoire, de s’occuper, en même temps, de son parti et des questions de l’Assemblée nationale. Il est déterminant pour les partis d’apprendre à s’émanciper de leur chef, à être des officines de production d’offre et de doctrine politique. Les dirigeants sont maintenant nommés à durée déterminée et le parti émerge d’autres compétences qui vont prendre la relève.
Avez-vous tenu compte du contexte sénégalais où le parti du président de la République  a trois ans d’existence
Son parti (l’Apr) peut le réélire encore. Dans beaucoup de pays, on a des partis qui sont dirigés par une personne autre que le chef de l’Etat. Au moment des élections, on choisit la personne qui a plus de chance de briguer des suffrages pour le mettre à la tête du parti. On n’a pas demandé au président de démissionner de son parti mais on lui demande d’occuper seulement la tête.
Occuper la tête c’est comme s’il avait démissionné de son parti
Juridiquement, ce n’est pas la même chose. Vous êtes membre de votre parti, vous n’êtes donc pas la personne morale. Les lois sur les partis politiques, on les retrouve dans le rapport de la Cnri. Si on les applique, je suis sûr qu’il n’y aura pas de parti qui serait déçu dans l’application stricte des règles qui sont prévues. Nous avons fait preuve de réalisme parce que nous avons proposé, en ce qui concerne les partis politiques, la mise en conformité avec les règles qui existeraient et les règles anciennes se ferraient à la fin du mandat en cours. C’est une prise d’effet qui est différé dans le temps jusqu’en 2017. D’ici  cette période, le président aura largement les moyens de trouver un remplaçant dans son parti. Celui qui l’aidera à gérer le parti jusqu’à ce qu’il achève son mandat.
Le régime est donc touché à la douche écossaise. Certains responsables de l’Apr soutiennent que vous voulez liquider leur parti
Ce n’est pas une douche écossaise.
Avec beaucoup de tirs groupés…
Nous prenons avec philosophie ces tirs groupés. Ces tirs groupés ne nous effleurent même pas. Il n’y a rien de nouveau dedans. C’est un engagement qui se trouvait déjà dans les Assises nationales. Il s’agit pour nous, compte tenu de ce référentiel et nous sommes conscients qu’il s’agit d’un problème réel qui va changer la démocratie sénégalaise. De toute façon, nous pensons que c’est un problème de délai.
Pourtant ce point a opposé Macky Sall au peuple des assises lorsqu’il signait la charte de bonne gouvernance sous réserve…
Pensez-vous, un seul instant, qu’une personne puisse signer la charte de bonne gouvernance des assises nationales avec des réserves ? Ce n’est pas vrai. Il n’y a personne qui a signé cette charte de bonne gouvernance des assises nationales avec des réserves.
Etes-vous formel ?
Je suis formel et j’étais présent lorsque Macky Sall signait la charte de bonne gouvernance des Assises nationales.
Pourquoi la Cnri n’a pas pris cette préoccupation d’une bonne partie de la classe politique qui souhaiterait la suppression du poste de Premier ministre ?
C’est une question qui s’est posée comme un passager clandestin dans la valise du rapport de la Cnri. Pour nous, si c’était une question sérieuse, ce serait une question qui aurait dû figurer dans le diagnostic qui a été convenu avec tous les acteurs. Ce diagnostic a été proposé aux partis politiques. A l’exception de deux ou trois partis, ils n’ont jamais mentionné qu’ils veulent la suppression du poste de Premier ministre. Si on l’avait dans le panier, nous serions prêts à l’étudier. Les institutions sont taillées à la hauteur des ambitions que le peuple souhaite dans l’organisation de ses pouvoirs publics, dans ses représentants à la tête de l’Etat et de la justice. Et dans celui qui le représente pour voter les lois.
En tant qu’ancien Premier ministre, trouvez-vous pertinent la suppression du poste de Premier ministre ?
Tout dépend du contexte. S’il s’agit d’avoir un Premier ministre pour jouer le rôle de fusible, bien entendu que cela doit être dépassé. Il s’agit bien souvent en Afrique de trouver un fusible au président de la République entre le peuple et l’opinion. Et de faire sauter le fusible lorsque cela ne marche pas. Lorsque vous regardez l’histoire du Sénégal, on se rend compte que le Premier ministre existait sous forme de chef du conseil de 1960 à 1962. Sur la période 1963-1970, on n’a pas connu de Premier ministre. C’est en 1970 que le président (Senghor, Ndlr) a essayé de chercher la relève en créant le poste de Premier ministre qui lui a lui-même succédé. Lorsque le président Abdou Diouf a succédé à Senghor, il a supprimé le poste de Premier ministre pour le récréer moins d’une décennie après. Sous le magistère de Wade, ce poste a existé. Et La question se repose encore. Les Sénégalais doivent en discuter. Pour ma part, c’est l’occasion de mettre sur la sellette en même temps et de pair cette question avec la question de la taille du gouvernement. Dans tous les cas, ce président qui n’a pas ce collaborateur qui l’aide à gérer le gouvernement ne pourra le faire qu’avec un gouvernement réduit. Lorsqu’au aura 15, 18 ou 20 ministres, ce sera facile pour le président. Avec un nombre de 35 ministres, c’est lourd à porter avec les responsabilités d’un chef d’Etat. Durant les 21 mois que j’ai passés à la primature, je ne peux pas dire que c’était un poste mais j’ai réussi à achever le travail que j’ai démarré comme ministre des Finances, du Budget et, auparavant, comme Trésorier général. Cela m’a permis de parachever un cycle de travail qui s’étendait sur une longue période.
Dans l’actuelle constitution, il est écrit que président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. A l’article 75 de votre projet, vous dites que le président met fin aux fonctions du Premier ministre sur présentation, par ce dernier, de la démission du gouvernement. Et, si par malheur le Pm refusait de démissionner qu’adviendrait-il ?
Ce sont des choses qui ne semblent difficiles que pour les novices qui ne connaissent pas le mode de fonctionnement d’un Etat. Le Premier ministre ne peut pas travailler avec un chef d’Etat dont il n’a pas la confiance. Un Premier ministre qui est majoritaire à la représentation nationale c’est une autre affaire. Si ce Pm est choisi ad nutum (expression latine ou dérivée du latin qui caractérise le fait que celui qui a confié un mandat à une autre personne, est en droit de retirer les pouvoirs qu'il lui a confiés sans avoir à justifier des motifs de ce retrait, ni observer un préavis, Ndlr) par le président de la République qui peut le révoquer à tout moment, il ne peut y avoir dans ce cas de figure aucun problème.
Mais la confiance s’effrite par moments dans le temps
Cette confiance est présente dès le début mais avec l’aménagement de conditions qui permettent à tout moment de le faire. Même les chefs d’entreprises savent faire démissionner une personne qu’ils viennent de recruter.
Selon certains, vous voulez davantage renforcer le Premier ministre lorsque vous dites que, en cas de cohabitation, c’est le Premier ministre qui définit la politique de la Nation
En ce moment, nous ne faisons que constater une chose. Les constitutions africaines ont un problème, elles singent les constitutions françaises sauf sur une chose. En guise d’illustration, en France au lieu de mettre que c’est le gouvernement qui définit la politique de la nation, on dit ici que c’est le président. Cela marche lorsque le président dispose de la majorité. Lorsqu’il ne dispose pas de cette majorité, nous ne voulons pas que la constitution soit dans le futur le lieu de passage d’une crise constitutionnelle. C’est une disposition qui est prévue pour faire en sorte que si, d’aventure, il y avait dans la volonté du peuple le soin de donner la présidence à une personne et à quelqu’un d’autre d’avoir une majorité parlementaire, d’organiser leur coexistence pacifique hors d’un coup de force, hors d’une tuerie d’hommes ou blocage d’institutions comme c’est le cas dans beaucoup de pays africains. La constitution n’est pas faite seulement pour répondre à une crise institutionnelle qui existe mais à la prévenir, à être proactive et faire en sorte que tous les scénarii possibles puissent être pris en compte.
N’essayez-vous pas d’installer une dualité entre le président de la République et son Premier ministre ?
Non. La dualité existe par le chevauchement de majorités. Le schéma classique c’est que c’est le président qui définit la politique de la nation et le gouvernement la conduit. Nous avons deux articles qui l’indiquent très clairement. Il conduit la politique du chef de l’Etat. S’il y a maintenant ce chevauchement, on a prévu que la constitution n’attendra pas la crise. Elle a déjà prévu le cas. Le Sénégal devrait réfléchir à cela parce cela fait maintenant 15 ans que nous n’avons plus de parti majoritaire qui, sous ses couleurs, part aux élections pour les remporter sans des alliés. On n’est pas très loin du «saucissonnement» des majorités. On n’a plus de parti triomphant et il faut que les acteurs y réfléchissent.
Est-ce qu’il ne faut pas obliger les partis à aller seul aux élections
La solution est de réfléchir et de se dire : est-ce que nous allons continuer à avoir 200 partis, à avoir des majorités étriquées ?
Pourquoi ce problème n’a pas été pris en compte dans votre projet de constitution ?
Nous avons demandé qu’il y ait une concertation avec les acteurs politiques mais nous leur avons dit : voilà ce que souhaite le peuple. Les populations ont souligné qu’elles ne veulent plus d’un député qui échappe à l’onction de leur élection. Nous avons souligné qu’il faut tenir compte qu’une certaine démocratie qui s’accroît et s’agrandit. Il y a de plus en plus de places pour un second tour. Dans la concertation qui est en cours sur le système électoral des élections législatives, veillons à ce que ces éléments puissent être pris en compte et que le consensus existe parce qu’on ne peut prendre de décision dans ce sens sans le consensus. La constitution du Sénégal, historiquement, régit l’élection présidentielle et laisse l’élection des députés dans le code électoral. Dans notre rapport, nous avons indiqué au président de la République très clairement nos idées pour que la concertation se fasse. C’est très important que nous n’ayons pas choisi de mesures directives pour interdire tel ou tel parti. Il faut réfléchir parce que le système sénégalais est déraisonnable. Nous engageons notre crédibilité à voir un nombre impressionnant de partis politiques dont la plupart ne partent pas aux élections et arrivent à se trouver des places.
Que répondez vous à ceux qui disent que la Cnri veut affaiblir le président de la République parce que, à la lecture de ce projet de constitution, la Cnri lui ôte beaucoup de pouvoirs ?
Plus modestement, ils auraient pu dire que cette constitution a pour effet d’affaiblir telle ou telle autre personne. En pure logique, compte tenu de ce que ces acteurs ont pensé, il constitue la bonne solution du pays.
Pour le cas de l’Assemblée nationale, vous dites qu’une personne n’a plus le droit d’avoir trois mandats
Certaines personnes ont dit que nous avons même été très généreux. Il fallait arrêter à deux mandats parce que c’est le principe de mandat à durée déterminée que l’on applique strictement à l’exécutif et au législatif. La politique ne doit plus être ce lieu où l’on vient pour vivre sur les deniers publics de la jeunesse jusqu’à la vieillesse. On doit sortir d’un métier et on doit retourner à ce métier en sortant. C’est vrai que représenter son pays constitue une tâche noble mais cela ne doit pas perdurer. Ce qu’il faut retenir c’est que dans les pays sous-développés, on ne doit pas encourager le fait d’être un représentant de l’Etat comme député à vie. Lorsque vous avez trois mandats, cela doit suffire largement. Vous devez aller vous occuper de vos affaires personnelles. Ce qui permettra à un maximum de Sénégalais d’aller à ces postes et d’éviter ainsi les cumuls de mandat.
«N’ergotons pas sur l’âge de 70 ans, c’est peu d’importance par rapport aux enjeux.»
Pour celui du président de l’Assemblée nationale, vous proposez un mandat de 5 ans. Quelles sont vos raisons ?
Les raisons sont très claires et constituent la règle. Il ne faut pas oublier que, au Sénégal, ce que nous vivons c’est l’exception née de turpitudes, de pratiques politiciennes d’un autre âge qui ont fait florès avant et après 2000. Il faut l’extirper. La règle, c’est que le pouvoir législatif avec son chef ne peut pas être précarisé en négociant pour chaque année un mandat d’un an.
Cela s’explique par le fait que l’actuel président de l’Assemblée nationale n’est pas membre du parti présidentiel
Vous voulez donc dire que le président de l’Assemblée nationale est tout puissant et qu’il peut tout faire dans cette structure. Un président de l’Assemblée nationale peut être d’un parti qui n’a rien à voir avec le parti du chef de l’Etat sans qu’il n’y ait de blocage. Combien l’avez-vous vu être remplacé par des vice-présidents ? Il y a un bureau qui se réunit, qui prend les dates, les sessions sont indiquées dans la constitution. Il y a beaucoup de pays en Afrique où les présidents d’Assemblée nationale sont dans d’autres partis. Ici les partis sont dans la même coalition qui ont eu accès au pouvoir et qui sont allés ensemble aux élections législatives, présidentielle et aux élections locales. Il faut éviter de légiférer de manière circonstancielle. La loi est générale et impersonnelle, elle ne peut pas être à la tête du client. Tant que nous le ferrons, nous allons être en deçà de la démocratie. Le Sénégal est un pays de très grande démocratie, il suffit que ses élites donnent à leurs peuples les schémas, les formats de démocratie les plus audacieux et les plus avancés qui sont à la hauteur des enjeux de démocratie et de développement qui se trouvent dans nos pays. Les enjeux de développement et de démocratie ne peuvent pas aller avec des cas de figures où on essaie de tailler chaque institution à l’aune du chef et à l’aune de ceux qui nous dirigent. Les institutions solides sont celles qui fonctionnent même dans l’adversité politique qui ne veut pas dire l’inimitié politique.
Pourquoi limiter l’âge du candidat à la présidentielle à 70 ans ?
Nous avons demandé aux citoyens et vous verrez les résultats très parlants. Nous avions une constitution qui marchait sur un pied parce qu’elle avait légiféré pour le plancher et non le plafond. Il avait deux solutions pour parler d’option et de fondamentaux. Dans la constitution, il y a des choses fondamentales qui ne peuvent être marchandées. Il s’agit de catalogues. L’idée, c’est de dire qu’on peut supprimer les 35 ans et ne rien mettre ni comme plancher ni comme plafond. 70 ans c’est l’âge sur lequel on a eu un consensus accepté par les acteurs politiques et les citoyens. Deuxièmement, cela correspond à un vécu historique au Sénégal. Le premier président a quitté la présidence à l’âge de 75 ans. Si on ramène cela au mandat actuel de 5 ans pour quitter son mandat à 75 ans, il ne faut pas dépasser 70 lorsqu’on y rentre. Aujourd’hui 63 % de la population a moins de 20 ans, 43 % a moins de 15 ans. L’âge médian des Sénégalais qui votent est 18 ans. Nous avons 5 % de Sénégalais qui ont plus de 60 ans. Il est temps de faire en sorte que les équipes qui doivent venir au pouvoir y viennent jeunes. Il faut faire en sorte que nous ayons des règles générales et impersonnelles.
Avec cette mesure, on a comme l’impression que vous voulez envoyer à la retraite certains leaders de la classe politique
C’est une vieille question si vous vous reportez à l’histoire du Sénégal. C’est une question qui s’est posée depuis qu’on a rédigé cet âge plancher. Il y a eu un raz-de-marée aux assises nationales et un raz-de-marée dans les consultations que nous avons faites. Il ne faut aussi pas oublier une chose si on s’arrête à la règle des deux mandats. Nous avons trois Sénégalais sur les 14 millions de Sénégalais qui auront l’honneur de diriger le pays. N’ergotons pas sur l’âge de 70 ans, c’est peu d’importance par rapport aux enjeux.
Par rapport au judicaire, vous proposez une Cour constitutionnelle pour remplacer le Conseil Constitutionnel
La raison c’est que les Sénégalais sont en mal avec le Conseil constitutionnel depuis longtemps pour des raisons diverses. Le Conseil constitutionnel s’est souvent déclaré incompétent. Il est souvent indexé. Il y a par exemple l’épilogue de la candidature de Wade. Là où il y a un consensus des Sénégalais, aussi bien de la classe politique que les populations, c’est 95 % des populations et  88 % des partis politiques, c’est qu’il faut créer une Cour constitutionnelle. Ce n’est seulement pas un changement de vocable, il faut lui donner des compétences plus étoffées. Il faut en augmenter le nombre. Il faut faire en sorte que l’origine de ses membres soit diversifiée, que l’origine des personnalités qui vont la diriger soit également diversifiée. Et faire en sorte qu’elle rentre dans l’architecture judiciaire du pays. Le Conseil constitutionnel, on sait qu’il ne fait pas partie de la hiérarchie judiciaire. Il faut faire en sorte aussi que son président préside le Conseil supérieur de la magistrature.
Mais, c’est le président de la République qui doit présider le Conseil supérieur de la magistrature…
Le président de la République qui est le président du Conseil supérieur de la magistrature, c’est une atteinte tropicale aux principes de nominations et d’indépendance de la magistrature. La magistrature que nous désirons, elle doit être caractérisée par l’indépendance d’esprit. Nous voulons lui donner une indépendance de statut qui permette de mettre maintenant la pression sur elle pour permettre aux magistrats de délivrer la justice de manière sereine sans avoir à s’abriter derrière l’exécutif.
Vous voulez donc une magistrature beaucoup plus libre
Beaucoup plus libre par son statut qui ne pourra pas dire : «J’ai la liberté d’esprit, mais je suis ligoté de toutes parts parce que c’est l’exécutif qui a toute la latitude de gérer ma carrière.» Cela répondra à une très forte demande sociale de la population.
Vous avez également proposé l’éclatement de la Cour suprême. Les magistrats disent qu’ils n’ont pas été consultés par votre commission
Tout le monde a été consulté. Les associations syndicales qui défendent les intérêts matériels et moraux de leurs membres ont été consultées.
L’Ums a-t-elle donc été consultée ?
Ils ont été relancés à deux reprises. Ils n’ont pas cru répondre pour des raisons que nous savons et qu’on ne peut étaler sur la place publique.  
Quelles sont ces raisons ?
Il faut le leur demander. Ils savaient qu’il y avait des délais. On a reporté à deux reprises les délais et ils n’ont pas répondu. Quant à venir chez eux discuter, c’était un questionnaire qui a été envoyé à tout le monde et ils devaient répondre à une adresse, à une date donnée. Nous respectons leur silence et pensons, de toute façon, que le président de la République ne peut pas enclencher une réforme sans discuter avec eux. Nous avons remis au chef de l’Etat un avant-projet de constitution. Ce qui signifie que dans les consultations nous avons veillé à ce que les mesures et les thérapies répondent au diagnostic et répondent aux questions que le président nous a assignées comme problématique qui devra garnir la constitution. L’exécutif, lorsqu’il aura pris l’exacte mesure des enjeux des propositions et discuté avec les uns et les autres, veillera à faire continuer le travail.
Le président a annoncé la couleur en disant : «Je pendrai du contenu ce que je jugerai bon, je ne suis pas obligé d’accepter toutes les propositions»
Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus. En juin, on a élaboré notre mission pour dire que les conclusions seront acceptées par le président de la République. Nous ne sommes pas dans un schéma de concertation entre des acteurs politiques que nous facilitons. Nous organisons des consultations citoyennes où on nous a demandé ce que le peuple et les acteurs politiques pensent de cette affaire et de faire des propositions. C’est ce que nous avons fait. Nous lui avons remis et il prendra son temps.
Serait-ce nécessaire qu’il prenne son temps parce qu’il faut agir dans l’immédiat
Très franchement, il n’y a pas d’urgence en rapport avec les quelques élections que ce soit ou avec un événement national. D’après la Cnri, d’ici la fin de l’année 2014, le Sénégal, s’il doit se munir d’une nouvelle constitution devrait le faire pour ne pas être dans les deux ans du compte à rebours.
Pourquoi un référendum ?
Le référendum est coûteux, mais répond à quelque chose de primordial. C’est le fait que les populations doivent s’approprier leur constitution. Il ne s’agit simplement pas de faire voter le Parlement et que chacun puisse aller vaquer à ses occupations. Il faut faire en sorte que le projet soit traduit dans les langues nationales, soit explicité aux populations qui se l’approprient et votent en tout état de cause. Le référendum a été demandé par l’écrasante majorité des Sénégalais et des partis politiques. Nous leur avons posé comme question : comment voulez-vous que cette nouvelle constitution soit adoptée ? Par référendum, a répondu la quasi totalité des acteurs. Parce ce que c’est cela qui est conforme au consensus des acteurs politiques et des citoyens en ce qui concerne le vote de la charte fondamentale de la nation.
Lorsque le président dit qu’il ne va pas marchander la stabilité du Sénégal, y a-t-il quelque chose dans votre projet de constitution qui constituerait une menace à la stabilité du pays ?
Je ne vois pas d’indices qui menacent la stabilité du pays. Mieux, dans le dernier chapitre de la restitution de nos travaux dans le rapport, nous avons mis un point sur la stabilité institutionnelle. Cette stabilité institutionnelle a toujours été assurée dans la domination des pouvoirs : la domination du pouvoir exécutif par tous les autres pouvoirs. Le défi c’est d’arriver à la stabilité institutionnelle dans l’égalité et l’équilibre des pouvoirs.
Personnellement avez vous été déçu ou surpris par l’attitude du président de la République
Non. En tant qu’homme d’Etat, je suis habitué à ce genre de schémas. Par habitude lorsque je travaille, je travaille sur tous les schémas. Je me laisse difficilement surprendre par un schéma parce que je sais que, en politique, tout peut arriver. Le chef de l’Etat n’a pas encore pris sa décision, attendons qu’il la prenne. Il la prendra en respectant la décision des populations et des acteurs politiques. Il y marquera son temps en faisant sortir le Sénégal d’un cycle qui est en train d’être clos pour rentrer dans un nouveau cycle, dans lequel tous les enjeux de développement économique que nous voulons ne pourront pas être atteints en continuant les guéguerres et les petits problèmes de guérilla politique que nous avons avec nos institutions.
La réaction politique contraste, à bien des égards, avec celle d’un Abdou Diouf lorsqu’il a reçu le vote consensuel de 1992, il avait souligné : «Je n’y changerai aucune virgule»
Le président Diouf a respecté son engagement et sa parole. Mais, ce sont deux contextes différents. Ce n’est pas une consultation entre des acteurs politiques menés par une seule et unique personne. Ce sont des consultations citoyennes commandées en groupe et menées par le président Mbow à qui on a demandé un résultat. Je peux concevoir que le président a besoin de regarder les résultats et les analyser en ayant à l’esprit  qu’il s’agit, pour la plupart ou la totalité des propositions, des cas qui ont recueilli l’écrasante majorité, bien au-delà de 80 % des différentes subdivisions du pays que nous avons interrogées et des acteurs politiques.
Et si cette réforme n’est pas adoptée par le président de la République, quelle serait l’utilité de vos travaux ?
Ce travail est daté et situé. Il reviendra d’une manière ou d’une autre dans l’agenda politique sous forme de demande sociale forte qui va tambouriner la porte des pouvoirs publics jusqu’à ce que l’essentiel des demandes soient satisfaites. Les pouvoirs publics ont le devoir de comprendre la nécessité historique de s’attaquer au plus vite aux autres défis. Ou alors les régler par doses homéopathiques. Je ne doute pas que l’essentiel de ces réformes auront cours dans notre pays demain ou après-demain.
Rassemblés par Magib GAYE
(Avec Walf Tv)
Lundi 24 Février 2014




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