Saint-Louis : Malick G, aspergé d’essence et brûlé vif, ses proches soldent leurs comptes devant la Chambre criminelle.

Digne d’un scénario de film d’horreur, la situation dans laquelle El Hadji Malick Guèye est décédé laissera des traces indélébiles dans la mémoire de ses proches. Cependant, outre la scène macabre qui a plongé ses proches dans la tristesse, il demeure que ce décès a semé à jamais les graines de la division au sein de la famille Guèye à Gandon. Pour preuve, au moment où une partie soutenait l’accusé et plaidait son innocence parce que convaincu que le défunt s’est donné la mort, de l’autre côté, les deux veuves du défunt et quelques neveux réclament justice et soutiennent la thèse du meurtre prémédité.


Saint-Louis : Malick G, aspergé d’essence et brûlé vif, ses proches soldent leurs comptes devant la Chambre criminelle.
Longtemps fissurée, la famille Guèye, domiciliée à Gandon (département de Saint-Louis) s'est réveillée au matin du 31 janvier 2020 avec des cris et des pleurs. Des cris de douleur suite au décès d'un des leurs. En effet, Malick Guèye, polygame et cultivateur de son état, a été découvert mort dans un bâtiment en construction, dans la concession familiale, le corps à moitié brûlé qui empestait l’essence. Pour sa sœur germaine, leur aîné a été tué. Celle-ci et certains de ses proches ont vite trouvé en Saliou Guèye dit Balla Ndiaye (leur cousin germain), le coupable. Des menaces de mort qu’avait proférées ce dernier, devant des témoins dont le chef de village, ont suffi pour les convaincre que ce dernier, dont le papa et le sien sont des frères germains, est passé à l’acte à cause d’un problème foncier.
 
Nous sommes le 30 janvier 2020. Dans cette soirée, Malick Guèye, alité, fait appeler certains de ses proches et leur parlent de son intention de céder une partie du champ qu’il avait hérité de son père. Il en profite pour leur annoncer qu’il avait trouvé un acquéreur et entendait entrer en possession des fonds dans les heures qui allaient suivre. Il était 23 heures environ quand ses hôtes sont partis le laissant seul. Vers minuit, l’un de ses frères cadets dit avoir vu Saliou G. (accusé dans cette affaire d’assassinat), sortir de la chambre de Malick, les pieds nus. Et ce, alors qu’ils étaient en conflit.
 
À l’aube, vers 6 heures du matin, alors que les fidèles se préparaient pour la prière de l’aube, le vieux Magatte Guèye, un parent et voisin, dit avoir entendu un cri strident dans la concession voisine. Après s’être levé et tourné le regard vers la zone d’où semblait lui venir le cri, il dit avoir vu des flammes, dans un bâtiment en construction. 
 
Suicide ou meurtre déguisé …
 
‘’Je me suis rendu chez Malick, au pas de course. Une fois arrivé, je me suis dirigé devant sa chambre. J’ai appelé Malick, mais personne n’a répondu. Je me suis alors approché du bâtiment et j’ai vu une personne qui brûlait. Je m'en suis rendu compte du fait de cette main levée léchée par les flammes. Le corps ne réagissait plus. Il était tout en feu. C’est alors que j’ai couru réveiller sa sœur cadette, Ndèye Fatou G. pour l’informer qu’il y avait un feu chez eux, sans lui signaler que c’était un humain qui cramait’’, a dit le vieux Magatte. 
 
À cette heure matinale, ce sont les cris et les pleurs qui avaient ameuté tout le voisinage. Le chef de village, informé, a saisi la gendarmerie qui, à son tour, a passé le mot au sous-préfet de Rao. Au départ des autorités, c’est l’idée d’un suicide qui était retenue. Mais les gendarmes qui ont fait le déplacement n’ayant pas constaté de traces de lutte et voyant que le téléphone portable que le défunt portait par devers lui n’avait pas été léché par les flammes, ont soupçonné un homicide volontaire.
 
L’enquête ouverte a permis de recueillir des versions qui ont fait état des menaces de mort qu’avaient formulées plusieurs fois Saliou Guèye, un homme de plus de 60 ans. Celui-ci appréhendé pour meurtre prémédité sera rejoint par deux autres de ses proches. Il s’agit de T. F. Guèye (fils du défunt) et de K. Guèye (neveu de l’accusé). Sur ces deux, pesaient les charges d’association de malfaiteurs et de complicité de meurtre, parce que soupçonnés d’avoir apporté de l’aide au sieur Saliou Guèye dans son funeste projet. Détenus en prison pendant plus d’un an, les sieurs T. F. Guèye et K. Guèye ont bénéficié d’un non-lieu du juge d’instruction. Ce qui leur a permis de retrouver la liberté.
 
Dès lors, Saliou Guèye, accusé d’assassinat sur la personne de son cousin, est pris par l’essentiel de ses proches comme étant le meurtrier. À la barre, tous ceux qui ont été entendus, l’ont été à titre de renseignement, du fait de leur lien de parenté. Et tous semblaient faire des témoignages à charge, sauf K. Guèye, le neveu de l’accusé. 
 
Le fils, son oncle et un cousin, soupçonnés d’être à l’origine de tout
 
Dans l’ordonnance de renvoi produit à cet effet, il est retenu qu’il résultait de la procédure l'expression, de menace de mort, par l’accusé. Pour le crime, c’est l’assassinat qui a été retenu pour la simple raison qu’il s’agit, en l’espèce de meurtre commis avec préméditation. 
 
Relativement aux conclusions du médecin légiste, il est fait état dans le certificat de genre mort de ‘’cas de brûlure grave’’ et d’une blessure à la tête’’. ‘’Une blessure mortelle rendant impossible sa défense’’. Ce, pour dire qu’il y a homicide volontaire et que la personne de El Hadj Malick Guèye a été brûlée à mort alors qu’il était encore en vie.

Durant toute la procédure, la famille est restée divisée. Les uns soutenaient la thèse du suicide et expliquaient cela par le fait des troubles psychologiques du défunt, résultant des ‘’khamb’’ qu’il entretenait. Et les autres qui étaient convaincus que le défunt a été tout bonnement exécuté.
 
Pour le parquet, la thèse du suicide ne pouvait pas prospérer, dans cette affaire même si certains proches l’ont sous-entendu. Il dit n’avoir relevé dans les pièces ‘’aucun indice qui démontre que la victime avait bataillé pour s'extirper des flammes’’. S’appuyant sur les éléments de l’enquête, il dit retenir des témoignages que le défunt était ‘’un fervent musulman qui n'était pas porté au suicide’’. D’où sa conviction qu’il avait été tué. Pour lui, aucune preuve médicale attestant de problèmes mentaux n’a été versé dans le dossier pour pouvoir prétendre à un suicide. C’est au vu de tout cela, que convaincu que la menace est suffisamment caractérisée, il a requis la disqualification des faits d’assassinat en menace d'assassinat et a invité la chambre à condamner l’accusé à 5 ans de prison.

Pour la défense, rien d’autre que les menaces ne peuvent être retenues. Et concernant la menace d’assassinat, cela serait caractérisée, selon lui, si son client avait annoncé comment il comptait faire pour éliminer son prochain. Tel ne fut pas le cas, à ses yeux. Convaincu de l’éventualité du suicide, il a estimé que la présence de khamb dans la maison familiale de la victime doit être prise au sérieux dans cette affaire. En conclusion, il a plaidé la relaxe purement et simplement de son client.
 
Des ‘’domou baay’’ qui lavent leur linge sale devant le juge

Il est à signaler que Saliou Guèye sur qui pèse les charges d’assassinat, âgé de 65 ans et pêcheur de son état, n’a jamais cessé de clamer son innocence. Et ce de son audition devant les gendarmes, à son placement sous mandat de dépôt depuis le 28 mai 2020. Et même devant la chambre criminelle de Saint-Louis. ‘’Je conteste ce dont on m’accuse. Je suis resté plus de 20 jours sans poser le pied dans la chambre du défunt. On m’a réveillé, ce jour-là, pour m’informer que Malick est mort brûlé vif. Et c’est quelques minutes après que la gendarmerie et les sapeurs-pompiers sont arrivés. J’ai été embarqué sans qu’on ne m’explique ce qui m’est reproché. Et puis, je ne parle pas de tuer Malick, mais une telle idée ne m'est jamais passé à l'esprit. Je crois que toute personne doit avoir l'honnêteté de dire la vérité quelle que soit la situation’’, a-t-il déclaré, face aux juges.

Après avoir entendu les uns et les autres, les juges statuant publiquement ont décidé d’acquitter l’accusé, S. Guèye, ne serait-ce qu’au bénéfice du doute. Une décision de justice, tout de suite contestée par les deux veuves de la victime, dans l’enceinte de la salle d’audience mais qui a été saluée par le reste de la famille qui, hors des murs du palais de justice de Saint-Louis, a estimé que justice a été rendue...
Mercredi 23 Février 2022




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