e leader de la Coalition Jarin sama reew (Servir le Sénégal), Moussa Touré était dimanche dernier en tournée dans le département de Fatick plus précisément à Marouth où il était venu parrainer une finale de football. En marge de cette manifestation, l’ancien président de la Commission de l’Uemoa (1996 à 2004) s’est prononcé sur les 40 ans de coopération monétaire entre la France et les pays membres de la zone Cfa. Favorable au maintien du Franc cfa qui, à son avis, constitue une garantie plus sûre pour les Africains. Le 5 octobre dernier, les 15 pays membres de la zone Cfa ont célébré avec la France le 40e anniversaire de leur coopération monétaire. En tant qu’ancien président de la Commission de l’Uemoa, quel bilan tirez-vous de cette coopération monétaire entre l’hexagone et certaines de ses anciennes colonies d’Afrique ? (Il donne l’impression d’être surpris par la question). Je ne m’attendais pas à ce qu’on me pose cette question ici à Diakhao. Mais, c’est un bilan mitigé, c’est comme le verre qui est à moitié plein à moitié vide Quelle appréciation faites-vous de l’idée de ces intellectuels africains souhaitant qu’il soit mis un terme à cette coopération monétaire et que les Africains battent leur propre monnaie ? Ces intellectuels, de quelques bords qu’ils soient, ont tous raison et tort à la fois. Le problème du franc Cfa, on peut l’aborder sous l’angle idéologique, politique, de la souveraineté nationale et à cet égard, le Franc Cfa tel qu’il existe, ne se justifie pas. Pourquoi ? Parce que les grandes Nations, dans leur Constitution, il est bien stipulé que le pays a l’exclusivité de battre monnaie. C’est-à-dire de créer la monnaie, de la diriger, de la piloter et de décider de son sort. Malheureusement pour nous autres Africains, ce n’est pas le cas. D’abord, parce que quand on bat monnaie, on la gère comme on le veut. Il y a deux écoles. Il y a une école où la gestion de la monnaie est politique. Ce qui est un peu le cas de la France où c’est le président de la République, le gouvernement qui nomment le gouverneur de la Banque centrale et les responsables de cette banque centrale. Et par voie de fait, ils peuvent le cas échéant sur des bases quelquefois politiques, décider de la manière de gérer cette monnaie c’est-à-dire ce que l’on peut appeler vulgairement la manipulation de la monnaie, utiliser la planche à billets. Je vais encore faire une écorchure à notre ancien président de la République que je ne nommerai pas (ndlr : Président Wade) mais, je pense qu’avec quelqu’un comme lui à la tête de ce pays, si le Sénégal avait sa monnaie nationale, il serait capable de dire : «On va faire marcher la planche à billets, émettre des billets sénégalais en quantité» et ça, c’est dangereux parce que s’il y a trop de billets, ces derniers n’auront plus de valeur et c’est ce qu’on appelle l’inflation galopante. Quand c’est le cas, ce sont les populations les plus démunies qui en font les frais parce que les autres gagnent des milliards, ils en gagneront plus et s’en sortiront toujours. Donc, voilà un peu les avantages de pouvoir battre monnaie. Le gouvernement peut de manière judicieuse décider aussi d’une gestion qui permette de créer des déficits mais des déficits contrôlés pour pouvoir dégager des fonds pour investir pour le développement du pays. Ce sont là les avantages d’avoir sa monnaie nationale. Maintenant, dans l’autre volet, vous avez par exemple le système allemand où le gouverneur de la banque centrale (la Bundesbank) et ses collaborateurs ne sont pas nommés par le pouvoir politique. Ce sont les Etats allemands, les länder, comme on les appelle, qui choisissent le gouverneur de la banque centrale et ses collaborateurs sur une base purement technique pour ne pas dire technocratique. Ce gouverneur de banque centrale et ses collaborateurs ont à partir de ce moment une indépendance totale(…) C’est devenu la règle dans l’Union européenne parce que l’Euro, c’est une continuation du Deutschemark. On ne le dit jamais assez ou on ne le sait pas, mais, un Euro vaut exactement 2 anciens Deutschemark, ce qui veut dire que l’Allemagne a pesé lourdement sur la création de l’Euro. Maintenant, vous prenez le cas des pays africains qui ont pu battre leur monnaie. C’est le cas de la Mauritanie avec l’Ouguiya, la Guinée avec le Franc guinéen aujourd’hui, la Gambie avec le Dallasi, la Guinée Bissau qui avait le Peso, etc. A la vérité, il faut reconnaître que presque tous ces pays ont fait faillite dans la gestion de leur monnaie parce que quand on compare la valeur de ces monnaies avec le franc Cfa, dans la durée, ces monnaies se sont dépréciées de manière grave. Et pour le Sénégal ? Pour qu’une monnaie sénégalaise -puisqu’on parle du Sénégal- puisse exister et être valable, il faudrait que sur la durée (pas en cinq ans), nous ayons un président de la République sérieux, responsable, un ministre des Finances sérieux et responsable, des responsables politiques en général sérieux et responsables qui gèrent le pays, font marcher l’économie sans jamais imaginer devoir dire au gouverneur de la Banque centrale du Sénégal qui serait créée qu’il faut émettre des billets parce qu’on a besoin de l’argent pour payer les fonctionnaires ou pour verser des subventions. Nous pouvons avoir un président de la République, aujourd’hui Macky Sall, qui remplisse ces conditions-là. Il va le faire pendant cinq ans, mais cinq ans plus tard qui sait qui viendra ? Qu’est-ce qu’il fera ? Vous ne pouvez pas penser avoir une monnaie et la gérer de manière sérieuse sur une durée de cinq ans. C’est sur des décennies voire des siècles que cela est possible. Voulez-vous dire que les Africains ne sont pas encore en mesure d’avoir une monnaie viable ? (Il hausse le ton) Jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment sérieux, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de coups d’Etat, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de présidents fous comme on en a eu ici, jusqu’à ce qu’on n’ait plus de présidents irresponsables. Donc, vous préconisez le statu quo ? Le statu quo mais dans le mouvement. C’est-à-dire qu’on peut aménager des règles. (…) Comme on ne sait ne pas lire dans l’avenir, mieux vaut prendre des garanties sûres. De ce point de vue, le franc Cfa est une garantie pour nous parce que d’abord entre nous, nous mettons ensemble nos réserves et si le Sénégal va mal, la Côte d’Ivoire avec son cacao, son pétrole, ses bananes peut lui venir en aide. Maintenant, on peut continuer à négocier avec la France pour diminuer encore le taux de nos réserves qui sont logées au Trésor français. Mais, la vérité définitive, c’est que pour notre souveraineté, si nous devons battre monnaie, que cela soit inscrit non pas dans la Constitution mais dans toutes les mosquées et les églises du Sénégal et que le président de la République qui viendrait n’oserait pas toucher à ça. Mais, tant qu’il sera possible à un président de faire ces genres de manipulations comme on l’a vu il n’y a pas longtemps dans notre pays, nous ne serons pas à l’abri et je vous assure qu’au-delà des questions idéologiques, de la fierté nationale, il y aura alors dans la rue des gens qui seront misérables parce que lorsqu’il faudra acheter une boîte de lait à 50.000f comme c’est le cas dans des pays comme le Zimbabwe, cela veut dire que l’argent n’aura plus de valeur. Et alors, où sera le salut ? Notre souveraineté, notre dignité voudraient que nous ayons notre monnaie sénégalaise ou à la limite, dans le cadre de l’Uemoa ou africain mais, il faut que les Africains arrêtent de rêver. Tant qu’on ne peut pas dans un pays faire cette gestion rigoureuse de la monnaie, comment peut-on imaginer le faire dans un futur proche à l’échelle du continent africain ?
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