Imam Boubacar Dianko : “Les raisons de mon séjour à Gao, auprès de l'émir du Mujao”


À la suite de l'élève Saër Kébé qui a été jugé pour actes de terrorisme et apologie du terrorisme, l'Imam Boubacar Dianko a fait face à la chambre criminelle ce mercredi 27 mars pour ses supposés liens avec l'émir du Mujao, Hamada Ould Mohamed Heirou. En réalité, il est poursuivi pour actes de terrorisme par association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l'État en relation avec une entreprise terroriste. Devant le prétoire, l'accusé a nié les faits. “Je n'ai jamais fait partie d'une entité terroriste”, s'est lavé l'Imam Dianko.
Ses liens avec le jihadiste mauritanien ont occupé ses premiers échanges avec le juge. Il est ainsi interpellé sur les circonstances de sa première rencontre avec Hamada Ould Mohamed Heirou. Il renseignera à ce propos qu'il a eu à faire la connaissance de cet individu qui se révélera comme l'un des principaux chefs jihadistes du Nord Mali, en Mauritanie, “vers 2003”. “Je devais emmener des talibés dans une école coranique. Mais comme cette école ne disposait plus de place, on m'a orienté vers celle de Hamada où j'ai pu placer deux écoliers”, ajoute-t-il, non sans préciser qu'il n'a jamais été un élève du mauritanien. L'enquête soutient le contraire. 
Suite à cet épisode, l'Imam Dianko rentre au Sénégal, mais aura la visite de Hamada Ould Mohamed Heirou, à Thiaroye où il résidait. En ce moment, l'islamiste mauritanien s'était évadé d'une prison mauritanienne après avoir été écroué suite à des incidents dans une mosquée. Il reprochait aux fidèles de ne pas pratiquer le “vrai islam”. Mais ça, Boubacar Dianko semble l'ignorer. Il soutient devant la barre que c'est son frère qui l'a alerté sur l'évasion d'un islamiste mauritanien. “J'en ai parlé à mon invité, mais il n'a rien répondu. Il s'est ensuite volatilisé à mon insu”, déclare Dianko qui subitement retrouve la mémoire pour révéler qu'en vérité, son hôte se rendait à Ziguinchor. 
Le contact sera noué à nouveau après que l'Imam sénégalais ait déménagé de sa maison sise à Thiaroye. “Quelqu'un m'a remis son numéro. Je l'ai appelé et il m'a rappelé, mais c'était pour me demander de le rejoindre”, avoue l'Imam qui nie cependant avoir été informé du lieu où se trouvait le chef jihadiste. 
À l'époque, Hamada Ould Mohamed Heiri était passé chef du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). En bisbille avec les leaders pour des questions liées au ledearship algérien, des membres d'Aqmi prennent leurs distances avec cette organisation et créent le Mujao. C'est ainsi que le mauritanien est intronisé Émir. Il prend activement part à l'attaque puis au contrôle du Nord-Mali en 2012. Le Mujao, Ansar Dine et Aqmi contrôlent Tombouctou, Kidal et Gao jusqu'à ce que l'armée française à la faveur de l'opération Serval les en déloge. 
Mais l'Imam Dianko dit ne rien savoir des activités de Hamada qui lui a pourtant envoyé 200 000 FCFA pour payer le ticket du voyage. “Je ne savais même pas que je devais le rejoindre au Mali. Il m'a parlé du Burkina Faso”, se contente de dire l'accusé. Pourtant, il a tenté d'utiliser des stratégies pour brouiller les pistes sur sa destination. En effet, il a confié à ses proches qu'il se rendait en Mauritanie. “C'était dans le but de me préserver des mauvaises langues”, argue l'Imam Dianko qui affiche une sérénité déconcertante en dépit des accusations très graves portées contre lui. 
C'est une fois au Burkina Faso que l'Imam Dianko dit avoir été mis dans un bus pour une destination inconnue. En réalité, il a atterri avec son neveu Ahmadou Bamba à Gao, dans le nord du Mali. Hamada Ould Mohamed Heirou qui était à la tête du Mujao et qui est déclaré mort suite à un raid en Libye où il s'était réfugié après la débâcle des jihadistes dans le nord-malien, devait le financer, a-t-il servi comme explication de ce déplacement. “Une fois sur place, j'ai réalisé que je parlais à un jihadiste”, semble regretter l'Imam. “J'étais très à l'étroit, mais comme je n'avais plus de quoi payer le ticket du retour, je devais me conformer à leur desiderata. C'est ce qui explique que j'ai accepté de jouer le jeu et de visiter des camps militaires”, sert l'Imam. Selon qui, la vidéo de jihadistes qui a été retrouvée sur son téléphone a été filmé par un certain Mouhamed Assane Maïga présenté comme un formateur militaire jihadiste. 
Poursuivant, l'accusé a affirmé que son neveu qu'il a présenté à Hamada Ould Mouhamed Heirou pour prouver qu'il méritait les fonds a failli être tué par un bombardement de l'armée française. Appelé devant la barre à titre de renseignement, Ahmadou Bamba lui-même a avoué avoir échappé de peu à la mort. “La chambre que j'occupais a été réduite en cendres quelques secondes après mon départ”, tremble encore l'élève de Dianko. 
Devant la chambre criminelle, il soutient avoir persuadé son oncle de rentrer après cet incident. “J'étais traumatisé après ce que j'ai vu. J'ai dit à mon oncle qu'on devait rentrer. C'est sur le chemin qu'il m'a montré la vidéo d'enfants qui jouaient avec des armes. Je lui ai fait savoir que tout ça n'était pas bien”, détaille le neveu de l'accusé. Or, ce dernier soutenait quelques minutes plus tôt que c'est lui-même qui a montré les images à son filleul tout en les fustigeant. Sur le chemin du retour, ils sont arrêtés par les services sénégalais après signalement de leurs homologues maliens. 
Mercredi 27 Mars 2019




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