Exploitation illégale de l’or / Destruction de la Falémé : qui protège les chinois à Kédougou ?


Affluent principal du fleuve Sénégal qui traverse le Sénégal, la Guinée et le Mali, la Falémé est plus que jamais menacée de disparition. Le joyau naturel qui arrose toute la bannière frontalière du Mali et du Sénégal subit des agressions multiples et multiformes, que rien ne semble pouvoir freiner. De Kayes à Kédougou en passant par Kéniéba, la Falémé longue de 650 km arbore les stigmates d’une mort silencieuse provoquée par l’absence d’une politique de surveillance appropriée face à des individus sans conscience. Coupé en plusieurs petits lacs par des tas de gravats accumulés par les dragues qui pullulent dans son lit, son parcours est à l’arrêt total. Le visiteur peut traverser à pied pour se rendre de l’autre côté de la rive. Autrefois, la frontière entre le Sénégal et le Mali était source de vie. La Falémé, approvisionnait en eau et poisson les villages le long de ses rives. En saison des pluies, les populations pratiquaient le maraîchage et l’agriculture. Pendant les mois de sécheresse, elles se tournaient vers l’orpaillage artisanal à petite échelle, munies de bassines et de calebasses. Sur la partie de l’affluent qui relie la région de Kédougou, qui donne sur le Mali, le niveau de détérioration de la qualité de l’eau est préoccupant. Cette eau de couleur rougeâtre qui servait aux populations riveraines d’eau de boisson, est imbuvable. Les cas de maladies dermatologiques sont de plus en plus fréquents dans cette zone. L’écosystème des espèces animales naguère riche et attractif est blessé à mort. « Il n’y a plus de poisson dans cette eau. L’effet du dragage et des produits chimiques qui y sont déversés tuent les espèces. »
La pratique de l’orpaillage via un dragage sauvage des cours d’eau, le rejet pernicieux des eaux usées de certaines par l’orpaillage semi-mécanisé dans les rivières, les déversions de produits chimiques et toxiques sont autant de comportements et d’écarts qui compromettent la qualité de l’eau, tuent les poissons et les autres espèces aquatiques. Un désastre écologique tout au long du fleuve, la navigation est impossible par endroits. L’eau semble avoir disparu. La Falémé est cernée. On aperçoit un foisonnement d’orpailleurs outillés de petits dispositifs individuels et une activité intense de dragage. Le dragage est fait depuis des pirogues comportant une bruyante machinerie à même d’aspirer la boue sous l’eau pour dénicher l’or.


Un désastre écologique qui se passe au vu et au su des élus, des forces de défense et de sécurité et aussi de l’administration.

Face à cette inaction des gouvernements à protéger la Falémé, les populations riveraines et la diaspora semblent prendre les choses en main à travers une association dénommée « Sauvons la Falémé ».  
C’est ainsi que l’idée de défendre et de protéger les eaux de la Falémé a vu le jour. Dans la journée du 22 Mars 2023, les choses ont pris une autre allure. En effet les membres de cette association qui étaient partis pour enlever les machines dans l’eau, ont échappé aux tirs des dragueurs maliens. Même si aucune perte en vie humaine n’a été signalée, les dégâts ont été énormes. Ils ont dénombré 12 blessés par balles lors de l’incident. Aussitôt alertées, les Forces de Défense et de Sécurité Sénégalaises sont venues les secourir. Un témoin, Seydou Danfakha de Sonkounkou, joint par téléphone, confirme que l’un des blessés graves par balle a été transféré à Kayes. Il réaffirme leur engagement à protéger les eaux de la Falémé au prix de leurs vies. Il lancera cependant un appel à l’endroit des autorités pour qu'elles prennent toutes leurs responsabilités face à ce carnage environnemental.

Des entreprises étrangères et une partie de la population aux bancs des accusés !

L’expansion de l’exploitation aurifère dans la région a chamboulé le quotidien des riverains. Dans la zone de Saraya, la ruée vers l’or commence au lever du soleil. Maliens, Guinéens, Burkinabé, Chinois…la région de Kédougou rassemble aujourd’hui plus de 20 nationalités. Et voit son environnement se dégrader. Les environnementalistes accusent des entreprises étrangères et une partie de la population locale de polluer le fleuve via un orpaillage irrespectueux de l’environnement. À moyen et court terme, si des mesures ne sont pas prises pour essayer de limiter les conséquences, la tendance va se renverser. Au lieu que l’orpaillage soit une opportunité, il va devenir un facteur de vulnérabilité pour ces communautés qui vivent dans les zones aurifères.
Menaces sur la santé
Plusieurs études ont déjà révélé la présence de métaux lourds dans les écosystèmes de la région de Kédougou, l’épicentre de l’orpaillage au Sénégal. Des analyses scientifiques menées autour de la mine de Bantaco en 2021 faisaient état d’une présence importante de mercure, plomb et cadmium dans les eaux de puits et de ville. « On a retrouvé des taux jusqu’à 300 fois supérieurs aux doses recommandées par l’OMS », explique le Dr Fodé Danfakha, qui était jusqu'à récemment, médecin chef de district à Kédougou. Il évoque aussi une présence dangereuse de métaux lourds dans l’organisme des 16 personnes et 21 moutons souffrant de troubles neurologiques et ayant fait l’objet de prélèvements.


« Désormais, c’est la tolérance zéro pour ces gens animés par la recherche du gain facile! » (Macky Sall )

La Falémé fait face à de multiples agressions qui font penser à sa disparition, ce qui serait un préjudice pour les populations environnantes qui profitent bien de ses avantages. La Falémé mérite bien une surveillance et une protection. Le chef de l’État veut bien se porter volontaire pour la préservation de cette source très visitée. 
Au cours du conseil présidentiel de développement territorial, tenu à Tambacounda, le chef de l’État, Macky Sall, a insisté sur la protection de l’écosystème. « Il faut que nous protégions la Falémé qui est en train d’être détruite par les déversements de mercure et de cyanure avec des utilisateurs véreux de ces produits toxiques dans le cadre de la recherche d’or. La surveillance doit être accrue », insiste le président Sall qui se dit désormais, sans état d’âme sur ces agissements regrettables sur l’écosystème. « Ce sera la tolérance zéro! On ne peut pas laisser mourir ce cours d’eau qui est vital pour les populations, pour le simple désir de personnes mues que par le gain facile », préviendra-t-il durant ses conclusions à la fin du conseil en présence du gouvernement qui a l’obligation de prendre en charge cette question de la Falémé qui est visiblement un point essentiel pour le chef de l’État.


Les FDS se disent impuissantes !

Les forces de défense et de sécurité sont naturellement chargées de prendre à bras le corps le problème de la Falémé. Mais, l’étendue de la zone frontalière, son manque d’accessibilité, et les nombreux autres problèmes de trafics dans la région seraient des obstacles à la concrétisation de ces mesures. « C’est une catastrophe écologique », déplore un commandant de gendarmerie. « On essaie de faire de la répression pour arrêter les gens qui sont en train de faire ces activités et les traduire en justice, mais ce n’est pas suffisant. Le problème est arrivé à un niveau où il faut des mesures très fortes pour nettoyer définitivement le fleuve et suivre avec des mesures de répression », poursuit-il. « L’autre aspect qui rend le travail difficile est que le fleuve est partagé entre le Sénégal et le Mali, donc si les gens exploitent au niveau du Mali, ça ne vaudra rien, l’eau n’a pas de frontière ».

Un activiste accuse la gendarmerie de complicité et est envoyé en prison ?

L'activiste, par ailleurs défenseur de l'environnement, Oudy Diallo, a été arrêté le samedi 1er juillet 2023. Cette arrestation fait suite à une de ses publications sur les réseaux sociaux, accusant le commandant de la Brigade de Saraya de complicité avec les chinois. En effet, selon lui, il aurait surpris le commandant de brigade assis sur une table à manger avec des chinois dans un hôtel de la place, afin de négocier des permis d'exploitation minière. Oudy Diallo affirme même avoir reçu des fichiers envoyés par ce dernier via WhatsApp pour lui prouver que ces chinois détenaient des permis d’exploitation, et qu’il aurait aussitôt sauvegardé avant que l'expéditeur ne les supprime. Une arrestation qui commence à prendre de l'ampleur dans la région de Kédougou.
Qui protège les chinois ?
L’arrestation de Oudy Diallo suscite moult commentaires et remet sur la table, la présence incontrôlée des chinois qui s’adonnent illégalement à l’exploitation de l’or. Les communautés, surtout riveraines de la Falémé, ont toujours affirmé que les chinois bénéficiaient bel et bien de complicité au sein de l’administration et des FDS. Si les permis d’exploitation dont ils disposent sont authentiques, comment et par qui l’ont-ils obtenu ? Mais une chose est certaine, les Chinois sont bien présents à Kédougou et s’adonnent à l’exploitation de l’or. Qui les protège ? En attendant, Oudy Diallo reste encore en prison. Son procès renvoyé au 20 juillet apportera très certainement des réponses aux nombreuses questions soulevées...
 

Exploitation illégale de l’or / Destruction de la Falémé : qui protège les chinois à Kédougou ?
Vendredi 7 Juillet 2023



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