Enquête au cœur du Grand capital : Comment Libanais et Français s’allient pour défendre leur pré-carré sénégalais

Les Libano-Sénégalais possèdent 60 % des Petites et moyennes entreprises et sont les plus gros employeurs, ainsi qu’en témoigne leur omniprésence dans les plus grandes organisations patronales. Alors que Chinois, Marocains et Turcs semblent marcher sur leurs plates-bandes, ils capitalisent sur leur coopération historique avec les Français pour endiguer toute rivalité. Le pays de Marianne, en retour, profite de ce système de vases communicants à l’effet de défendre son « pré-carré ». Enquête.


Au lendemain de la reprise, sous le magistère de Me Abdoulaye Wade, des relations diplomatiques entre Dakar et Pékin, de nombreux ressortissants de l’Empire du Milieu ont investi les marchés sénégalais, au point de changer le visage du commerce local. Les Chinois ont été précédés sur les lieux par les Marocains dont les affaires ont connu un boom florissant dans les années 2 000. Derniers venus : les Turcs.

D’aucuns ont pensé que cette diversification allait menacer les intérêts des entreprises françaises, qui ont longtemps régné en terrain conquis au Sénégal.

Cependant, la France, pour contenir la concurrence de ces entreprises, a une botte secrète.  Il s’agit pour les Toubabs de s’allier avec la communauté libanaise aux fins de consolider les acquis, sous le mode opératoire par lequel les deux évoluaient avant la nationalisation du commerce de l’arachide dans la foulée des indépendances.

C’est ainsi que le groupe Kirène représente, depuis 2005, la marque commerciale française Candia. C’est ce lait qui était distribué aux écoliers de la ville de Dakar durant le premier mandat de Khalifa Sall. L’amitié, pour ne pas dire la complicité, entre Assane Farès et le maire de la capitale, est un secret de Polichinelle.

Au niveau de la grande consommation de boissons alcoolisées au Sénégal, la famille Attal distribue « Le Vieux ». C’est cette famille qui a racheté le Café de Rome, naguère propriété d’un Français, et le Casino du Cap vert. Pour consolider son monopole dans le secteur, la famille Attal a la haute main sur la salle de jeux Red bowl, logée au SEA PLAZA.  

Ce métissage entre Français et Libanais est illustré par la réussite de Adnan Houdrouge, homme d'affaires monégasque d'origine libano-sénégalaise. Sa société Mercure international of Monaco (MIM) est mère de City Sports.

Autre Franco-sénégalais d’origine libanaise : Abas Jaber. On se rappelle que le tycoon, en acceptant de rétrocéder la Suneor à l’Etat du Sénégal en 2015, avait défendu la candidature de l’huilier français Avril pour le rachat de cette entreprise. D’ailleurs, le gouvernement, qui héritera plus tard du fromage, avait bloqué un protocole signé entre Advens et Avril.

Ayant vu le jour en 1992, la SATREC (Société Africaine de Transformation et de Reconditionnement), spécialisée dans la fabrication et le reconditionnement de produits laitiers, est une grande importatrice qui offre aux entreprises françaises des débouchés.

 Fondée en 1979 par la famille Choubassy, la Sénégalaise d’embouteillage et de boissons (SEBO), approvisionnant un réseau de grossistes à travers tout le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest, commercialise du vin d’origine française.

C’est à cette même famille qu’appartient Sofiex, leader dans la distribution de produits agro-alimentaires. Sofiex revend des produits fabriqués en France comme Pierval, Pactis France, Evian, Beurre Président…

A ce rayon toujours, le Marocain Foafric a manqué de décrocher le Graal, quand l’américain Seaboard Corporation a racheté les Grands Moulins de Dakar. Le rachat des GMD allait être un adjuvant décisif pour le royaume chérifien soucieux de pénétrer le marché de l’agro-alimentaire sénégalais, bastion des Libanais.

Discover, qui revend des meubles et accessoires, notamment pour l’équipement d’entreprise, a des partenaires de part et d’autre de la Seine. Un autre originaire du pays des Cèdres dans le secteur de l’ameublement : Orca. Il représente le label Demeyere. Il faut préciser, sous ce rapport, que Doğanlar Investment Holding, l’une des plus grandes entreprises turques dans le domaine du mobilier, voudrait marcher sur les plates-bandes des Français au Sénégal.

En somme, dans la plupart des cas, les Libanais distribuent les produits fabriqués en France. Et les deux communautés, comme si elles préservaient leur chasse gardée, n’hésitent pas à signer une sorte de clause de préférence au nom de cette alliance quand il est question de céder une entreprise, qui pourrait se retrouver entre les mains des nouveaux venus. 
Jeudi 1 Février 2018




Dans la même rubrique :