Mouhamed Rassoul Tounkara, originaire de Guédiawaye, est bien plus qu'un simple ingénieur en informatique. C'est un fervent escaladeur qui a réussi à contrecarrer les lois de la gravité et de la géographie pour conquérir les cimes les plus redoutées de la planète. Cet homme de 33 ans, partageant sa vie entre le Sénégal et la France, manifeste une combinaison précieuse de bravoure, de modestie et d'engagement envers sa patrie. Il assume une responsabilité qui dépasse largement l'enthousiasme personnel : celle de promouvoir un sport peu connu au Sénégal et de porter son héritage vers les sommets mondiaux.
Mouhamed a vu le jour à Guédiawaye, un quartier de Dakar où les montagnes ne sont que des légendes. C'est grâce à son père, un homme fervent d'aventures en montagne et de voyages, que la première étincelle de passion a été insufflée dans son esprit. Il garde en mémoire les récits de son père qui parlait d'escalades dans des déserts et des montagnes. Ces histoires ont marqué son enfance, et dès qu'il a eu la chance, il n'a pas hésité à se lancer à la conquête des sommets.
Pour Mouhamed, l'alpinisme ne se limite pas à l'escalade. Il perçoit cette passion comme une démarche personnelle, un moyen d'exploration de soi et de dépassement des limites. Son passage dans l'armée, en particulier au Prytanée militaire de Saint-Louis, a joué un rôle crucial dans son développement physique et psychologique. Il intègre le parachutisme, la plongée, le snowboard et même le marathon dans sa routine quotidienne. Cette combinaison d'activités extrêmes n'est pas le résultat du hasard, mais plutôt l'expression d'une volonté de se préparer à tout, de se surpasser en permanence.
Cependant, ce chemin n'a pas été facile du tout. Dans son entourage familial, beaucoup sont des érudits et la décision de Mouhamed d'opter pour une voie risquée afin de réaliser ses aspirations n'a pas toujours été bien perçue. Ses parents ont fréquemment craint pour lui, chaque nouvelle escapade représentant un défi inédit. Toutefois, au fil du temps, ils ont fini par accepter son engouement, réalisant qu'il ne s'engageait jamais sans une préparation minutieuse, observant toujours des normes de sécurité sévères. « À présent, ils ont confiance que je fais bien les choses, et ils prient pour moi », avoue-t-il.
L'escalade, en tant qu'activité sportive, est encore largement ignorée au Sénégal. Selon Mouhamed, les autorités n'ont pas encore apporté un soutien suffisant à ce secteur.
Néanmoins, des lieux tels que Kédougou et même les collines des Mamelles à Dakar présentent un potentiel considérable pour que le pays se transforme en un paradis pour les amateurs de montagne. Cependant, un véritable accompagnement est indispensable pour cela. Ses propos sont clairs : il faut promouvoir davantage l'alpinisme, notamment à travers la création d'infrastructures telles que des salles d'escalade pour initier les jeunes à cette discipline.
Au cours de ses exploits, Mouhamed a gravé des sommets renommés comme le Mont Blanc, l'Elbrouz en Russie ou le Toubkal au Maroc. Cependant, chaque ascension qu'il entreprend porte une empreinte singulière : celle de l'essence sénégalaise qu'il diffuse. Il est rare de voir un noir gravir des montagnes. Éprouvant même. Et c'est ce qui lui confère son caractère distinctif. Il se rappelle de personnes étrangères qui lui ont montré des gestes racistes, ou de celles qui étaient tout simplement admiratives. Dans chaque pic, il représente son pays avec honneur : danse sénégalaise, boubou africain et le drapeau, en hommage à ses origines. « C'était un challenge. » « J'ai réussi, et cela a étonné beaucoup de monde », confie-t-il.
Dans l'alpinisme, les risques, qu'ils soient objectifs ou naturels, sont constants. Pour Mouhamed cependant, chaque grimpe représente principalement une épreuve mentale. Il aborde la peur, une peur qu'il contrôle et qui se transforme en vecteur de réussite. « Je suis effrayé, effectivement, j'ai peur, mais c'est justement cette peur qui m'incite à progresser. »
Un récit touchant illustre parfaitement la détermination de Mouhamed : un jour, alors qu'il gravissait le Mont Blanc, il se retrouve dans une situation critique, épuisé après plus de 10 heures d'escalade, sans eau et accroché à une paroi glacée où toute chute serait mortelle. « À ce stade, j'étais prêt à mourir. » Cependant, j'avais en tête ma fille qui était encore dans le ventre de ma femme. Je ne pouvais pas abandonner. « Elle avait besoin de son père. » En raison de cette réflexion et d'une méthode qu'il a su mettre en œuvre, il a réussi à s'en sortir. « C'est ma fille qui m'a sauvé », a-t-il déclaré, visiblement ému.
Pour lui, les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) 2026 se profilent à l'horizon comme un nouveau défi : celui de représenter le Sénégal en tant qu'alpiniste, une discipline encore peu répandue sur le continent. Mouhamed envisage de transformer cet événement en une opportunité de valoriser l'alpinisme et d'inciter les responsables à soutenir les jeunes dans cette discipline. Il souligne cependant que, malgré la notoriété qu'il offre à son pays, l'État ne lui a jamais apporté de soutien financier.
« J'ai investi 3 millions pour mon ascension de l'Elbrouz, et je l'ai fait avec mes propres ressources financières, je le fais pour le Sénégal, parce que j'y crois. » Quel est son credo ? « Connaissance pour un meilleur service, je n'attends rien de personne. »
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