À Buenos Aires, l’adieu à distance au pape argentin qui “connaissait nos souffrances”


“Il connaissait nos souffrances...” A l’image d’Esteban Trabuco, ramasseur de cartons, plusieurs milliers d’Argentins, en une messe d’adieu à distance puis un rassemblement tour à tour recueilli et festif, ont salué samedi à Buenos Aires le pape des exclus, “leur” pape.

Sur l’emblématique place de Mai, au pied de la cathédrale qui fut le fief de Jorge Bergoglio lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, son successeur Jorge Garcia Cuerva a renouvelé l’injonction si souvent faite par François: être une Église catholique qui “sort d’elle-même”

 

Une Église “turbulente et ouverte”

“Soyons l’Église ouverte que François nous a toujours proposée, une Église turbulente, qui se mobilise, qui ne reste pas dans son coin”, a-t-il appelé dans son sermon lors d’une messe en plein air, écho des funérailles au Vatican cinq heures plus tôt. “Soyons des chrétiens en chemin, qui ne vivent pas leur foi entre quatre murs”.

“Va au ciel, et mets la pagaille depuis là-bas”, a lancé l’archevêque, la voix brisée par l’émotion, en s’adressant au pape défunt à l’issue de l’office. Référence a l’appel resté célèbre de François aux jeunes, lors des Journées mondiales de la jeunesse en 2013: “Mettez la pagaille !”

Derrière des dignitaires sur des rangées de chaises, la foule derrière des barrières suivait la messe, sur écrans géants pour ceux débordant dans les avenues adjacentes parcourues de vendeurs de foulards à l’effigie de François à 4.000 pesos (3 euros) ou de tee-shirts à 15.000 (11,30 euros).

Un peu partout, des portraits de François, brandis à bout de bras, avec l’inscription “Église pauvre pour les pauvres”, autre expression fétiche de Jorge Bergoglio. Et nombre de mouvements sociaux d’obédience péroniste (centre-gauche), avec leurs banderoles, grosses caisses allègres, pétards, donnaient au rassemblement un air militant, en un hommage voulu à un pape à la fibre sociale toujours assumée.

Une “Église pauvre pour les pauvres”

“Il était avec nous les va-nu-pieds, dans les bidonvilles, entre les cartons. Il connaissait nos souffrances. Comment aurions-nous pu ne pas venir aujourd’hui lui dire au revoir?”, a lancé Esteban Trabuco, 27 ans, “cartonero” (ramasseur-recycleur de cartons) venu de la banlieue populaire de La Matanza.

“Ici, les pauvres l’aimaient. Il a laissé derrière lui beaucoup de choses, notamment l’idée de servir les autres dans ce que l’on fait”, méditait Agustina Renfiges, infirmière de 46 ans. “J’avais l’espoir qu’il reviendrait un jour”, a-t-elle glissé, les larmes aux yeux.

Archevêque de Buenos Aires de 1998 à 2013, Jorge Bergoglio quitta “sa” cathédrale en février 2013 pour le Vatican, avec une petite valise et “ce qu’il portait sur lui”, selon des proches, convaincu de revenir une semaine plus tard à l’issue du synode. “On se voit à mon retour”, lança-t-il à son recteur. Élu pape, il ne revint jamais.

À l’issue de la messe samedi, une procession, derrière un portrait du pape, a fait dans un joyeux désordre le tour de la place de Mai, “comme une accolade symbolique depuis Buenos Aires à notre cher pape”, a souhaité Jorge Garcia Cuerva.

À intervalles réguliers, un haut-parleur diffusait des messages du pape, ponctués d’applaudissements. Puis de plus en plus entrecoupés de chants, d’airs de cumbia, dansés par marcheurs ou spectateurs, des religieuses comprises, parfois avec des paroles adaptées en référence au pape: “François passe par ici / et quand il passe tout se transforme / la joie vient / la tristesse s’en va”...

Vendredi, une veillée nocturne devant la cathédrale, déjà au parfum de militantisme social, avait commencé à accompagner à distance les funérailles au Vatican, à 11.000 km de là.

Dimanche 27 Avril 2025
7sur7.be



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