PROPOS DE MERCREDI : Désastre financier et désordre politique


PROPOS DE MERCREDI : Désastre financier et désordre politique
Les leviers lâchent, les armes s’enrayent, les trois axes de la gouvernance Sall dysfonctionnent. La répression brutale, la mystification médiatique et la corruption perdent leur efficacité devant la détermination des étudiants mécontents de la gestion du meurtre de Fallou Sène. Hier, la police a abandonné la rue aux étudiants de Dakar. Signe des temps.
Déjà, la grève et les marches des enseignants et des élèves avaient mis en lumière les signes avant-coureurs d’une transformation des rapports entre gouvernants et gouvernés. Aujourd’hui, toutes les universités sont en grève illimitée, Et de nouvelles marches sont prévues pour demain.
La stratégie du pouvoir vise à casser la dynamique de jonction des luttes sociales et démocratiques en agitant l’épouvantail de la « politisation ». Mais elle ne saurait prospérer longtemps car, au-delà de leurs particularités sectorielles, les mobilisations actuelles s’alimentent toutes d’une racine unique : les plus de 800 milliards d’arriérés de paiement accumulés par l’Etat au détriment de la banque ayant avancé l’argent des bourses étudiantes, des universités privées accueillant des étudiants du public, des enseignants qui attendent encore les primes de correction du Bac 2017, des centres de santé et hôpitaux sevrés depuis plus de deux ans, des entrepreneurs ayant préfinancé les chantiers du Pudc, …
Cette déconfiture financière de l’Etat, de plus en plus ouvertement reconnue, « politise » forcément les résistances populaires et les magouilles médiatiques n’y pourront pas grand-chose. Le désastre financier entraîne et entretient le désordre politique et social d’autant que d’autres conflits causés par la dette intérieure sont en gestation, même dans les secteurs les plus inattendus.
On apprend par exemple que les chefs de village, auxquels le pouvoir a promis la restitution des salaires octroyés par Wade et supprimés par Sall, vivent présentement un calvaire. La raison ? Le pouvoir en mal d’argent pour respecter sa promesse a conditionné le paiement des salaires par la récupération à 100% de la taxe rurale.
Fin juin, seuls les chefs de village ayant atteint cet objectif peu banal seront payés. Les paysans déjà victimes de l’échec de la commercialisation arachidière, pour cause d’incapacité de l’Etat à mobiliser les fonds nécessaires, sont ainsi pressurés sans pitié, tout comme les consommateurs qui devront encore se serrer la ceinture avec les taxes douanières nouvellement instituées.
La « politisation » a donc de beaux jours devant elle, avec un gouvernement qui se retrouve dans le rôle de la cigale de la fable, fort dépourvue quand la dynamique sociale lui présente la facture de ses carences et de ses paresses.
 
23/05/2018
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien député
Secrétaire général du Mps/Selal
Mercredi 23 Mai 2018




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