Noyades à Dakar : Déjà 42 morts: qui pourra stopper l’hécatombe ?

Fin juillet 2012. Selon le Groupement national des sapeurs pompiers (GNSP), 42 personnes sont mortes noyées et 7 personnes repêchées vivantes en 52 jours. Les cas de noyades sont fréquents sur les plages interdites. Malgré l’interdiction qui les frappe, certaines plages ne désemplissent toujours pas. En cette période de forte canicule, elles sont prises d’assaut par les baigneurs à la recherche de fraicheur et de détente. La privatisation ou l’insuffisance des espaces de loisirs qui poussent à cette importante fréquentation ne sont pourtant pas sans risque au vu des cas de noyades dénombrés dans la région de Dakar.


Noyades à Dakar : Déjà 42 morts: qui pourra stopper l’hécatombe ?
Bien que conscients des dangers de la baignade sur les plages interdites nombre de jeunes continuent à fréquenter les plages en cette période de canicule. Vu le problème d’espace posé à Dakar, ils les prennent d’assaut pour profiter de la brise de mer. D’où le nombre croissant de cas de noyades enregistrés à Dakar.

Il est 16 heures, et la plage de Bceao grouille de monde : enfants, jeunes et adultes s’agitent sur la plage. Les filles en maillots de deux ou trois pièces, les hommes en shorts. Des écoliers en sortie récréative mêlés à d’autres qui font l’école buissonnière. Des baigneurs, à perte de vue, ne se soucient pas du danger de cette plage fichée parmi celles non autorisées. Ça s’amuse, et se baigne. La mer est pourtant en furie. Sur la plage les sportifs s’en donnent à cœur joie : lutte traditionnelle, foot, beach-volley, entre autres. Les plus petits, souvent moins de 10 ans, jouent au ballon et s’amusent sur le sable. D’autres sont sous les cabanons pour marquer une pause.

Les vendeurs de poissons grillés et autres fruits de la mer, de boissons, de jus, de café et de glace se frottent les mains. Les maîtres-nageurs et les sauveteurs veillent au grain. Le coup de sifflet qui retentit tout d’un coup rappelle aux baigneurs imprudents les dangers qui les guettent en ces lieux.

Ndèye Marème, vêtue d’un ensemble lin, la chevelure bien nouée, prêche la prudence :«je suis venue me baigner en compagnie de mes sœurs. Je nage dans la zone acceptable et je respecte les consignes des maîtres-nageurs et sauveteurs. Pour éviter les cas de noyades en période de vacances, tous les baigneurs doivent respecter cela. J’en profite pour lancer un message aux parents afin qu’ils accompagnent leurs enfants et veillent sur eux. La mer est dangereuse ».
La solution ? Selon Pape, 20 ans, il faut sévir, punir les contrevenants :«les autorités doivent prendre des mesures strictes contre ceux qui fréquentent les plages interdites. En cette période de canicule, les jeunes sont toujours sur les plages interdites. S’ils condamnent certains à payer une amende ça réglerait le problème.

La région de Dakar est une presqu’île. La mer est un véritable danger pour les baigneurs même si on sait nager». Pour d’autres, «never mind», la plage permet de se reposer et décompresser sous la pression sociale. Pathé, quelque peu philosophe et fataliste : «on peut venir à la plage sans se baigner. Si c’est notre destin, nous allons mourir ici, nous venons de Dieu et nous retournons à Lui. On n’y peut rien. Nous fréquentons la plage pour nous reposer et décompresser face aux problèmes».

Avec cette forte canicule, les baigneurs restent au bord de l’eau jusqu’à des heures tardives. Ousmane est en compagnie de ses amis, assis autour d’une table encombrée de bouteilles d’eau et de limonades. Ils sirotent leurs verres en attendant la commande de poisson grillé. Leur avis sur la question est tranché : «nous venons prendre l’air avec les amis. Les baignades nocturnes doivent être interdites. Les autorités prennent des mesures en collaborant avec la police pour la sécurité des riverains. Se baigner le jour suffit largement ; ceux qui viennent la nuit sont là pour d’autres motifs que se baigner ; ce sont généralement des personnes mal intentionnées. C’est le rôle de la police ou de la gendarmerie d’y veiller».

Autre plage. De l’avis des maîtres-nageurs et sauveteurs trouvés sur la plage de «Terrou bi», qui témoignent sous le sceau de l’anonymat, «les autorités doivent renforcer le personnel, former les jeunes pour assurer la relève, mettre l’accent sur la sensibilisation. Les tableaux d’indication ne signifient rien pour les baigneurs. Ils sont conscients du danger lié à la baignade mais les usagers sont têtus».

Masse a du mal à contenir son indignation… Vêtu d’un body vert blanc assorti d’un jean bleu et casquet vert, des lunettes de soleil, un écouteur placé à l’oreille gauche, il estime que «les cas de noyades augmentant ces temps ci ont pour cause l’absence d’air de jeux à Dakar plus précisément à la Médina, Gueule Tapée, Rebeuss, etc. La plupart des plages sont privatisées. Terrou bi, Magic Land, La Voile d’Or, Monaco Plage entre autres ;d’autres sont polluées à causes des déchets des industries. Que pouvons-nous faire alors ? On se contente de ce qui reste. Nous n’avons plus d’espace pour jouer, même si on ne se baigne pas. Les jeunes n’ont plus d’espace pour jouer, nous le réclamons. Nous avons besoin de la douceur de la brise de mer en cette période de forte canicule, c’est ce qui nous pousse à fréquenter les plages. Nous sommes très conscient du danger».

Abdoul vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un short multicolores, sacoche en bandoulière, ballon à la main, renchérit : «Nous n’habitons pas loin d’ici. Nous fréquentons souvent cette plage pour nous reposer. La plage n’est pas seulement un lieu de baignade mais aussi un lieu de rencontre, de décompression et d’échanges. Il n’y a pas seulement le problème des noyages mais aussi l’insalubrité et l’éclairage sont aussi un autre problème. Nous lançons un appel aux nouvelles autorités pour penser à la jeunesse… Qu’elles prévoient des espaces de jeux. Tous ces bâtiments (Magic Lang, Terrou-bi, Tirou-bi (ancien champ de tire de l’armée française), Plongeoir (cour de Cassation, ndlr) ont été construits sous l’ère du président Abdoulaye Wade».

Le maître-nageur, la quarantaine, ventre plat, plutôt svelte, teint noir, short rouge et noir, lunettes sur le nez, s’exaspère de l’inconscience des baigneurs : « les jeunes ne respectent pas les consignes de sécurité arrêtées. Nous avons d’énormes difficultés avec eux. Ils ne savent pas que nous sommes ici pour leur sécurité. Dés fois nous échangeons des propos blasphématoires. Nous leur interdisons des objets flottants dont les bouteilles de 10 litres et les bols. Ils les utilisent pour nager. C’est ce qui amène souvent des victimes de noyade sur les plages. Il est formellement interdit aux baigneurs de se baigner après les repas ; et ils doivent éviter de plonger depuis les rochers. C’est ce genre de morts par noyade que nous enregistrons souvent. Dieu, merci nous n’avons que deux cas. Nous souhaitons que les mesures sincères soient prises». Et de conclure sa tirade par un appel :«Nous devons disposer de matériel dont un appareil réanimation pour faciliter le déclenchement du cœur et faciliter la circulation du sang».

Pour certains, les parents doivent redoubler d’efforts pour surveiller leur progéniture. Une dame d’une trentaine d’années s’en désole : «les enfants sont en période de vacances, il fait chaud. C’est une occasion pour fréquenter les plages. Médina, Gueule-Tapée, Soumbédioune. Ils vont à la plage à l’insu de leurs parents. Nous faisons tout pour les en empêcher mais nous n’y pouvons rien. Ils sont inscrits à l’école coranique pendant ces vacances. Quand ils ont l’occasion de s’y rendre, ils n’hésitent pas. Dieu les protège».

Les chiffres macabres des plages

(Statistiques des noyades selon le Groupement nationaldes sapeurs pompiers)

Du 1er juin et 22 juillet, 49 cas de noyade sont enregistrés dont 42 décès et 7 rescapés.
En 2011, 152 victimes repêchées sans vie sont enregistrées et 9 victimes repêchées vivants,
En 2010, 148 victimes repêchées sans vie sont enregistrées et 21 victimes repêchées vivants,
En 2009, 195 victimes repêchées sans vie sont enregistrées et 81 victimes repêchées vivants
Lundi 27 Août 2012
sudonline




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