Nervis et politique au Sénégal : « Ces gros gaillards qui sèment la terreur ont de l’histoire avec les politiciens ». (Commissaire à la retraite)


« Les nervis et la politique ». Des liens qui se sont constitués depuis le régime de l’ancien président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Ces hommes souvent de corpulence sont fréquemment engagés par des hommes ou camps politiques en particulier en situation d’instabilité, pour se protéger ou intervenir en cas de rivalités violentes. Ainsi la situation s’est une fois de plus reproduite lors des manifestations des partisans du parti Pastef-les patriotes. Suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko des individus ont assiégé les rues pour protester contre l'arrestation de leur leader.
 
Pour ramener l’ordre et disperser les foules, des hommes armés de bâton, barres de fer ont été aperçus en train de houspiller des manifestants et des gamins revenant d’école.
 
Dans un entretien avec Dakaractu, le commissaire Cheikhna Keïta, ancien policier à la retraite, de faire savoir que le recours aux « gros bras » armés par les hommes politiques a toujours existé dans la scène politique du Sénégal. Mais la non qualification ou le manque de formation de ces derniers ont couramment porté atteinte à la vie et à la sécurité des populations. Le commissaire Cheikhna Keïta de préciser que ces personnes « ne sont pas des agents assermentés », avant d’élucider que ce sont des partisans ou engagés par un camp politique.
 
« Des camps politiques qui engagent des nervis, ça existe depuis qu’on était enfant. Depuis le temps de Senghor il y a toujours eu des camps politiques qui utilisent des gros bras pour faire des interventions de tous ordres pour se protéger pour intervenir sur le terrain politique, pour intervenir en cas de rivalités violentes. Il y’a eu toujours ça », a rappelé l’ex Directeur de l’Office central de Répression du Trafic des Stupéfiants (Ocrtis).
 
Lors des manifestations survenues le 3 mars 2021, des hommes armés ont été aperçus à bord d’un pick-up appartenant au MEN.  Une information que le ministère a démentie d’ailleurs. Le commissaire à la retraite a tenu à souligner que l’institution « État » n'embrigade pas des personnes hormis les agents assermentés pour veiller à l’ordre public. « Il faut souligner que l'État ne recrute pas de nervis. Un État qui recrute des nervis, ça n'existe pas. Il faut qu’on comprenne que l’État est une chose sacrée qui ne peut pas se comporter n’importe comment. Et si l’État se met à recruter des nervis, on le saurait de manière claire car ces derniers diront que c'est untel qui m’a recruté pour faire telle ou telle chose quand la paix reviendra »,  a-t-il précisé.
 
L’ancien DG de Ocrtis de préciser qu’on n’est pas « dans une situation particulière où on s’achemine vers des régimes comparables aux régimes haïtiens avec Macoute, des régimes d’ailleurs où il y’a eu des milices populaires, des milices de partis politiques, ça on n’en est pas encore là. Il ne faut pas faire la confusion, l’administration ne recrute pas de nervis », dira-t-il.
 
Présentement, la protection des hommes politiques est fortement assimilée au recrutement des privés pour assurer leurs derrières. Mais depuis un certain temps le rôle de ces personnes est complément converti. La politique a fait de ces hommes de véritables boucliers et des fois d’espions. C’est en tout cas l’avis du commissaire Keïta qui a servi pendant des années dans la police sénégalaise. Selon lui, « dans ce cas de schéma précis, ces nervis peuvent appartenir à tous les camps parce que le phénomène est politisé. Par exemple, dans l’affaire de Sonko, il ne s’agit plus d’un citoyen qui va répondre tranquillement à la convocation d’un juge, mais il s’agit d’une affaire dans laquelle un citoyen qui est interpellé fait appel à ses troupes politiques pour vraiment créer une manifestation autour de son déplacement. Cela veut dire créer des attroupements autour de son déplacement. Ceux-là peuvent en même temps orchestrer des manipulations en se faisant infiltrer eux mêmes par leurs propres nervis. Mais le camp qu’ils ont en face peut aussi lever des groupes de nervis pour essayer de saboter leurs manifestations. Ça a toujours existé, ce n’est rien de nouveau » a-t-il livré.
 
Malgré tout, cette situation qui sévit au Sénégal depuis quelques jours de par les actes de vandalisme et de pillage de certains magasins, ne satisfait pas l’interlocuteur de Dakaractu. Keïta perçoit que « c’est toujours déplorable qu’on arrive à vouloir régler par la rue ce qu’on aurait pu régler en respectant la loi. La rue ne règle rien dans un pays. On ne peut pas gouverner un pays à partir de points de vue dispersés. On règle le pays par des actes de gouvernance qui sont logés quelque part de manière régulière. Il faut que force reste à la loi », a conclu le commissaire divisionnaire...
 
Jeudi 4 Mars 2021




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