Evadé ou enlevé ? L'extraction samedi de prison de Moussa Dadis Camara est un soubresaut de plus dans la trajectoire extravagante du petit capitaine devenu dictateur associé à l'une des pages les plus sombres de l'histoire de la Guinée.
Moussa Dadis Camara, 58 ans, détenu à Conakry depuis septembre 2022, a été emmené par un commando armé, sans qu'apparaisse clairement s'il s'est évadé ou a été extrait de force.
Le capitaine Dadis Camara, 58 ans, était emprisonné depuis l'ouverture du procès historique d'un massacre commis en 2009 sous sa présidence. Il y répondait avec dix co-accusés de cette tuerie sans laquelle son éphémère passage au pouvoir serait resté dans les mémoires pour les prestations télévisées saugrenues où il humiliait des faire-valoir.
Un retour de cette destinée qu'il invoque constamment, qui a fait d'un obscur officier un chef d'Etat incongru, et d'un chef d'Etat un criminel présumé.
Il était président ce 28 septembre 2009 et les jours suivants quand les Bérets rouges de sa garde, des soldats, des policiers et des miliciens ont assassiné dans un stade de Conakry et alentour des dizaines de personnes réunies pour le dissuader de se présenter à la présidentielle prévue en janvier 2010. Des dizaines de femmes y ont été violées.
Le capitaine Camara et un groupe d'officiers s'étaient emparés du pouvoir le 23 décembre 2008 après l'annonce de la mort du président Lansana Conté. "Sans effusion de sang", insiste-t-il.
Le lendemain, il s'autoproclamait président. Aucun civil ne pouvait gérer ce pays gangréné par la corruption et dirigé depuis l'indépendance par des autocrates, justifiera-t-il ensuite.
- Le "Dadis Show" -
Le capitaine Camara était alors un inconnu, un Guerzé, ethnie de Guinée forestière, très loin de Conakry. Son père, analphabète selon lui, était paysan. "Moi, je suis un homme du peuple (...) je suis né dans une case", martèle-t-il une fois au sommet.
Après des études universitaires insignifiantes, il est entré en 1990 dans cette institution primordiale qu'est l'armée, où il a fait carrière dans l'intendance.
C'est son engagement en 2007 et 2008 dans des mutineries pour des questions de soldes qui lui a valu le ralliement d'un certain nombre de camarades, disent ces derniers.
"Je suis le père de la Nation, c'est ce que le destin aussi a voulu", lance-t-il en 2009.
Au début, son discours pour le peuple lui vaut l'adhésion de nombreux Guinéens. Il fait au président et voisin sénégalais Abdoulaye Wade l'impression d'un "jeune pur qui veut bien faire".
Invariablement ceint de sa tenue de camouflage, béret rouge sur la tête, il met en scène son autorité devant les foules et les caméras. Vociférant ou plaisantant, le regard intense, il traite devant tout le monde un homme d'affaires russe de voleur, fait la leçon aux diplomates étrangers, suspend en direct le directeur général des douanes. C'est le "Dadis Show", exalté et confus.
Rapidement, la multiplication des arrestations et le flou entretenu par le capitaine Camara sur ses intentions en vue de la présidentielle sèment la division. Sa santé mentale est mise en doute.
- Napoléon à la rescousse -
Le 28 septembre 2009, l'incongru tourne au tragique. Lui dit avoir été "débordé" par des hommes hors de contrôle. Il continue à parler à la troisième personne et assure que "le président Dadis était dans son bureau", celui où il travaille au milieu de portraits de lui-même, dans le camp militaire Alpha Yaya Diallo.
Le 3 décembre, son aide de camp lui tire dans la tête parce qu'il aurait tenté de faire peser toutes les charges sur lui. Il est évacué vers le Maroc puis le Burkina Faso où, en janvier 2010, sur médiation ouest-africaine, il renonce à gouverner.
En exil, forcé à l'abstinence politique, il se convertit au christianisme. Il annonce sa candidature à la présidentielle de 2015 mais est rattrapé la même année par le 28-Septembre, inculpé et empêché de se présenter.
Il rentre en septembre 2022 pour le procès. Il entend "dire (sa) part de vérité". Il connaît l'avanie d'être incarcéré.
En décembre, dix semaines après l'ouverture du procès, le "petit capitaine devenu président par le biais du destin" selon ses mots passés est appelé à déposer. En boubou sombre, son éternelle gourmette au poignet, il se répand en obséquiosités devant ce juge qu'il aurait sans doute démis sous les yeux de la Guinée entière autrefois.
Mais il retrouve sa superbe au fil du procès suivi par le pays fasciné. Il nie toute responsabilité, crie au complot et refuse de demander pardon. Il convoque les philosophes Héraclite et Emmanuel Kant, les pharaons égyptiens et Napoléon et le souvenir de son père.
"Beaucoup peuvent penser: +Ah ! Dadis Camara est fou+. Dadis Camara n'est pas fou, Dadis Camara est généreux parce que Dadis Camara reconnaît ses ancêtres".
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