Entretien : Abdoulaye Diouf Sarr annonce « de nouvelles lois visant à criminaliser le trafic de faux médicaments »

Sept chefs d'État africains dont le président Macky Sall ont pris part le samedi 18 janvier à Lomé (Togo) au sommet consacré à la lutte contre le trafic de faux médicaments. Ce sont les officiels du Togo, du Congo-Brazzaville, de l’Ouganda, du Niger, du Sénégal, du Ghana et de la Gambie. Une rencontre pour signer ce qu’il est convenu d’appeler ‘’L’initiative de Lomé’’ qui constitue un accord international pour criminaliser le trafic de faux médicaments. Du nombre des officiels qui avaient participé à ce Sommet, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr a accordé un entretien à Dakaractu. Dans ces lignes qui suivent, il a annoncé des mesures qui vont lourdement impacter sur la vente de médicaments à Keur Serigne Bi et éliminer les pharmacies irrégulières implantées à Touba et ailleurs.
Entretien...


Mr le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, vous revenez d'une rencontre en compagnie du président de la République, Macky Sall, à Lomé où il était question de la lutte contre les faux médicaments. À l’issue de cette rencontre, 7 chefs d’État dont le nôtre se sont engagés à coordonner la lutte. Pouvez-vous nous relever les points essentiels de cette déclaration politique ?
 
Effectivement, j’ai pris part, en compagnie du Chef de l’Etat, au Sommet de lancement de « l’Initiative de Lomé », qui est une initiative africaine pour lutter contre le trafic des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. C’est un Accord intergouvernemental qui s’appuie sur 7 Chefs d’Etat qui s’engagent personnellement dans ce processus à renforcer et coordonner la lutte contre le trafic de médicaments et autres produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. On peut retenir essentiellement de cette déclaration, une forte dimension politique assumée et affichée par les Chefs d’Etat à travers : l’introduction dans nos juridictions respectives, des lois et sanctions pénales pour criminaliser ce trafic ; la coopération entre États pour assurer le respect de ces lois et leur application rigoureuse ; la mise en place de mécanismes nécessaires pour garantir la mise en œuvre de cette initiative.
 
L’idée était-elle donc de sanctionner davantage ce trafic ?
 
Oui, car en réalité, il faut dire qu’en Afrique ce trafic n’est pas sanctionné à la hauteur de sa gravité. On note une sorte de clémence dans la répression, voire une absence ou des difficultés de pénalisation de ce trafic.
 
Il est connu que c’est un problème qui touche tous les États au monde. Pourquoi donc, l’Afrique est-elle particulièrement concernée par ce trafic ?
 
Le trafic de faux médicaments est un enjeu sanitaire mondial certes, mais l’Afrique paie le plus lourd tribut avec un taux de 60 % dans certaines régions et 122 000 enfants de moins de cinq ans tués par an.
 
On a vu que ces derniers temps des trafiquants, très puissants financièrement, utilisent des moyens sophistiqués pour déjouer ceux mis en place par les laboratoires pour sécuriser leurs conditionnements. Est-ce que cet aspect est pris en compte par les autorités ?
 
Absolument, car ‘’l’Initiative de Lomé’’ s’inscrit dans la continuité des efforts consentis ces dernières années par la communauté internationale notamment la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon de produits médicaux appelée Convention Médicrime dont le Sénégal a démarré le processus de ratification. Il en est également le cas pour le traité portant Etablissement de l’Agence africaine du Médicament (Ama) adopté par la 32e Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine, tenue le 11 février 2019 à Addis-Abeba. Lequel est une réponse face aux faibles systèmes de règlementation des pays qui ont eu pour conséquence la circulation de produits médicaux et de techniques sanitaires non conformes aux normes et contrefaits. 
 
Mais il est relevé plusieurs autres facteurs qui entrent également en jeu dont la faible sensibilisation des populations au risque sanitaire présenté par la consommation de faux médicaments ? Que compte faire le ministère de la Santé à ce niveau ?
 
Je crois que la sensibilisation sur la menace grandissante de ce fléau constitue un maillon faible sur lequel nous devons beaucoup insister. Nous devons insister sur la sensibilisation pour faire comprendre aux populations les risques sanitaires multiples et économiques liés à ce trafic.
 
Il existe aussi l’absence d’une harmonisation systématique entre les cadres législatifs ou réglementaires des États. Cela, couplé avec le manque de coopération entre les États, sera-t-il bien pris en compte dans la feuille de route de Lomé ?
 
La feuille de route se déroulera sur 36 mois et comporte deux phases. Une première phase consacrée à l’audit des législations existantes, la proposition de nouvelles lois et dispositions réglementaires, l’adoption de celles-ci et enfin une coopération accrue entre les parties. La deuxième phase, quant à elle, est intimement liée à la première avec l’application des résultats de la Phase I, le renforcement de la coopération transfrontalière et la sensibilisation de la population.
 

Au sortir de ce sommet tenu à Lomé qui a enregistré la présence des 7 chefs d’Etatquelles sont les actions mises en place par l’Etat sénégalais pour gagner la lutte contre les trafiquants de faux médicaments ?
 
Il existe un Comité interministériel de lutte contre les faux médicaments qui a eu à mener des actions d’envergure ayant permis de sécuriser le circuit d’approvisionnement. Je salue, à cet égard, l’étroite collaboration entre les services du Ministère de la Santé et la Douane, le Commerce, la Police, la Gendarmerie, etc. Le Sénégal a participé également aux opérations Porc-épic en 2016 et Hera en 2018 qui ont connu un franc succès et porté un coup dur au trafic de faux médicaments. Il convient, à mon sens, de multiplier ce genre d’initiatives qui favorise l’échange d’expériences.
 
Justement ces derniers temps, il y a eu des saisies de faux médicaments. Est-ce que, pour vous, c’est un signe que la répression s’accentue ?
 
Évidemment grâce au dispositif mis en place et la détermination de l’Etat à mettre un terme à ce carnage, la répression va s’accentuer et aucun répit ne sera accordé à ces criminels. 
 
 
Ce n'est plus un secret qu'au niveau de ‘’Keur Serigne Bi’’, comme dans certaines officines irrégulières à Touba, sont vendus illégalement des médicaments. Est-ce que des mesures pourraient être envisagées contre ceux qui s'activent dans ce trafic ?
 
Si ! De nouvelles législations visant à criminaliser le trafic de manière harmonisée sont adoptées, elles seront générales et impersonnelles et donc vont s’appliquer aussi à ces trafiquants. Des mécanismes seront mis en place pour assurer une application rigoureuse de cette nouvelle législation.
 

    
Lundi 20 Janvier 2020




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