Ce n’est pas un secret de polichinelle. C’est une habitude en Casamance, surtout dans la région de Ziguinchor. A l’occasion de chaque de vacances, on note une grande ruée de lycéennes et collégiennes vers les grands centres du pays à la recherche d’un emploi de domestique, juste pour les vacances. Avec l’argent amassé après un dur labeur ces vacancières achètent des habits, des fournitures et divers articles. Mais cependant, ce séjour de ces filles, surtout à Dakar, tourne au vinaigre, pour ne pas dire au cauchemar. L’écrasante majorité de ces dernières reviennent au bercail avec une grossesse, d’après la Scofi. Et cela, selon des sources académiques concordantes de Ziguinchor, accroit le taux de déperdition scolaire sur toute l’étendue du territoire régional. « C’est le constat général. Des lycéennes et collégiennes qui vont passer leurs vacances à Dakar, nous reviennent souvent avec des grossesses. Et, dans cette situation, une fois de retour, bon nombre d’entre elles suspendent leurs études, en attendant d’accoucher pour pouvoir reprendre le chemin de l’école. D’autres par contre abandonnent tout bonnement les études », informe cet enseignant muté à l’inspection d’académie de Ziguinchor. Et le pédagogue d’attirer l’attention des parents d’élèves sur la question. « Il faut que les parents d’élèves trouvent une solution pouvant mettre un terme à ce phénomène qui prend de l’ampleur dans la région », suggère-t-il. Mariama S., une mère de famille dont l’une des filles, en classe de seconde, a été victime d’une grossesse l’année dernière à Dakar, explique son amertume. « Je ne sais pas comment je vais expliquer cela. Ma fille m’a trahie. Je comptais beaucoup sur elle, car elle est ma seule fille parmi les cinq, qui a accepté d’étudier. Et par conséquent, je misais beaucoup sur elle. Comme si je le savais, je ne voulais pas la libérer pour aller passer ses vacances à Dakar et être employée comme bonne. Mais, devant son insistance, j’ai fini par accepter. Et, voila, qu’elle me revient avec une grossesse », articule avec peine cette maman. A la question de savoir si sa fille continue d’étudier, cette mère de famille, apparemment abattue, voire dépassée, répond : « elle est restée un an sans étudier. Je n’ai pas le temps de garder son nourrisson. Car, j’exerce mon petit commerce pour la nourrir avec ses sœurs ». Et de confier, que c’est un coup dur pour elle. Au quartier de Lyndiane, véritable pourvoyeur de bonnes pour Dakar, M.D, une fille mère, s’est confessée. « Je ne conseillerai jamais mes sœurs de faire cette aventure. C’est un chemin parsemé de pièges. Soit on est malmenée comme une esclave dans la famille d’accueil, soit on est exploitée sexuellement par le fils du patron », explique la pauvre fille, qui regrette à jamais ce qui lui est arrivé lors des vacances de 2010. « Je suis partie à Dakar pour travailler dans le seul but d’aider ma mère. Comme c’était ma première fois de fouler le sol de la capitale, j’étais fascinée par la ville. Chaque soir, c’est le fils de mon employeur qui me déposait. Du coup, il y a eu de la sympathie entre nous. Pour moi, c’était de la gentillesse que ce dernier nourrissait en vers ma personne, en me choyant de petits cadeaux et de gâteaux, les samedis soir. Mais, au finish, j’ai cédé devant ses avances. Et je suis tombée enceinte », se souvient-t-elle, les yeux embués de larmes. Notre interlocutrice garde une haine profonde à l’endroit de son ami, en effet ce dernier a refusé de reconnaitre la paternité de l’enfant. « C’est un garçon qui m’a surprise. Elle a refusé catégoriquement de reconnaitre la paternité de l’enfant, avec la complicité de ses parents. Ces derniers, lui ont sommé de ne pas reconnaitre l’enfant. Au terme de la semaine que j’ai constaté que j’étais enceinte, ses parents m’ont tout simplement remerciée. Et, voila, mon enfant n’a jamais vu son père. Et je pense qu’il ne le verra jamais », avoue cette fille-mère, les larmes aux yeux. Toujours dans ce même quartier de Lyndiane, Aminata, (nom d’emprunt), revient sur sa mésaventure lors des vacances de l’année dernière. « C’est la plus grande erreur que j’ai commise dans ma vie. C’est de tomber enceinte lors de mes vacances à Dakar, ce qui a chamboulé mes études », se souvient elle. Cependant, sa « chance » est d’avoir été engrossée par un jeune de son village. « L’auteur de ma grossesse a reconnu la paternité de sa fille. Ce qui est rare pour les jeunes lycéennes et collégiennes qui tombent enceintes lors de leurs vacances », dit-elle. Beaucoup de filles qui travaillent comme bonnes reviennent avec une grande déception. Elles sont souvent maltraitées, malmenées, voire considérées comme des esclaves. Alors, que leur seul tort, est de tenter de gagner leur vie à la sueur de leur front. C’est le cas de Coumba, une élève en classe de terminale. « J’ai eu la malchance de tomber sur une mégère, qui m’a usée, traitée de tous les noms d’oiseaux. Elle m’a même accusée de vol, à quelques jours de mon départ, pour ne pas me payer. L’affaire a atterri à la police avec l’aide de mes frères. C’est par la suite que je suis rentrée dans mes fonds. Ce sont des vacances que je ne vais pas oublier de si tôt », se souvient t elle. Léontine, ressortissante du département d’Oussouye, a des formes généreuses à damner un saint. Elle ne passe pas inaperçue à cause de son physique callipyge. Depuis cinq ans, elle rallie la capitale sénégalaise pour y travailler. Elle raconte les avances qu’elle a reçues de son employeur. « Je recevais des cadeaux, d’argent, des parures de mon patron. Un jour, alors je rentrais à Grand Yoff, il a fait exprès de sortir pour m’attendre au rond-point Liberté 6. A proximité de la station d’essence, il m’a appelée et m’a avoué sa flamme, en m’entrainant vers un restaurant des environs. Voulant vaille que vaille satisfaire sa libido, il m’a proposée le mariage ». Notre interlocutrice s’est arrêtée là, refusant de terminer le film de son aventure avec son patron. Toutefois, Tida, quant elle, se souvient de l’attitude de sa patronne. « Je passais la nuit dans une chambrette, avec des ustensiles de cuisine. J’étais la première à me lever et la dernière à rejoindre le lit. Je n’avais aucun répit. Je travaillais tout le temps, sans me reposer, c’était dur. Mais, j’ai pris cette situation avec philosophie, car je me disais que je suis venue pour un but et qu’un jour, cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Et je le raconterai à mes enfants un jour », se souvient notre interlocutrice qui fait une formation en gestion et comptabilité. La Casamance est par excellence un vivier de bonnes, des jeunes filles qui à l’occasion des grandes vacances monnaient leurs forces dans les concessions des grandes villes du pays. Comme d’habitude, ces dernières, pour l’écrasante majorité, rentrent avec un souvenir amer, qu’elles n’oublieront pas de sitôt. Beaucoup d’entre elles déplorent l’attitude de certaines de leurs patronnes, qu’elles considèrent comme des mégères. Autre fait marquant, ces jeunes filles sont souvent abusées sexuellement par leurs employeurs. Et, de cette relation, découle souvent une grossesse, que le présumé auteur refuse de reconnaitre. Il n’est pas rare de voir des enfants à Ziguinchor et ses environs qui n’ont jamais connu leurs pères et qu’ils ne les verront jamais.
Amine Sagna - Loffice
Amine Sagna - Loffice
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