Transition au Tchad : les recommandations de la mission d’enquête de l’UA.


Le 19 avril dernier, le maréchal Idriss Déby Itno a trouvé la mort dans le nord, alors qu’il dirigeait l’armée contre l’offensive des rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT). 

 

Le lendemain, la nouvelle est annoncée en même temps que l’installation d’un Conseil militaire de transition dirigé par son fils, par ailleurs général dans l’armée. La communauté internationale a diversement apprécié ce qui était vu comme un « coup d’État » par une bonne partie de l’opinion publique tchadienne. 

Mais la réaction qui était la plus attendue, était celle de l’Union africaine qui s’est montrée intransigeante avec les putschs et n’a pas hésité dans le passé, à suspendre de l’organisation les pays qui se sont amusés à changer de régime de manière anticonstitutionnelle. Elle était attendue sur ce terrain par les puristes. 

 

Seulement, pour le cas du Tchad, l’UA a été « méconnaissable » et a préféré jouer la carte de la prudence. En lieu et place d’une décision hâtive, l’Union africaine, par le biais de son Conseil de paix et de sécurité a opté pour l’envoi d’une mission d’enquête qui a séjourné du 29 avril au 5 mai à N’Djamena. 

Durant son séjour, la mission a rencontré les différentes parties, dont le président du CMT, le Général Mahamat Idriss Déby, le Président de l’Assemblée nationale, le Président de la Cour suprême, les leaders des partis de l’opposition, de la Société civile. 

 

Au bout de leur enquête, les émissaires de l’UA ont constaté que les circonstances du décès du président Idriss Déby Itno doivent faire l’objet d’une enquête plus approfondie. Ils ont aussi remarqué que les dispositions relatives à la vacance du pouvoir n’ont pas été suivies après le décès du président. « En effet, l’Assemblée nationale ne s’est pas réunie pour demander à la Cour suprême de déclarer la vacance de la présidence (article 82 et 240 de la Constitution). Il n’y a donc, pas de décision de la Cour suprême déclarant la vacance du poste. Il faut noter que la décision a été prise uniquement par le président de la Cour suprême, le président de l’Assemblée nationale et les militaires, sur la base de l’invasion imminente des rebelles/combattants étrangers venant du nord du pays », fait noter la mission d’enquête. Qui relève cependant que ses échanges avec le président de l’Assemblée nationale ont confirmé l’indisponibilité de ce dernier à assurer l’intérim, conformément aux dispositions de la Constitution. 

 

« Lorsqu’elle est mise en contexte, sur la base de l’ensemble des circonstances de ce qui s’est passé, la question de savoir si la situation au Tchad peut être qualifiée de changement anticonstitutionnel de gouvernement, au sens de la Déclaration de Lomé, peut être débattue », relativise la mission d’enquête.

 

Compte tenu de la spécificité du contexte tchadien, les émissaires de l’UA écartent pour le moment la suspension du pays et proposent des voies alternatives de résolution de la crise.

Selon la mission d’enquête, le Conseil de paix et de sécurité doit examiner en session le Plan de transition conduit par les militaires pendant que l’UA supervisera leur engagement par l’intermédiaire d’un envoyé spécial. 

 

La mission a également proposé de soutenir le Plan de transition dirigé par les militaires, tout en faisant pression pour le partage équilibré du pouvoir entre militaires et gouvernement civil, étant donné les menaces sécuritaires qui pèsent sur le Tchad. Les enquêteurs s’attendent à ce que le CPS veille à la nomination d’un président civil avec un vice-président militaire.

 

Compte tenu de la situation qui prévaut au Tchad, poursuit la mission d'enquête dans son rapport rendu le 12 mai, un haut représentant doit être nommé pour s'engager dans la transition jusqu’à sa conclusion logique. Cet envoyé spécial « assistera et suivra la situation avec le mandat d’engager les parties prenantes, en vue d’assurer que les jalons de la transition soient jetés (dialogue inclusif, réconciliation nationale, rédaction d’une nouvelle constitution, aboutissant à des élections libres, justes et crédibles) ».

 

Pour les enquêteurs de l’UA, la transition doit être constamment surveillée et les principaux acteurs doivent être tenus pour responsables, en particulier l’engagement explicite du président du CMT, selon lequel les membres du CMT ne seront pas candidats aux élections à la fin des 18 mois de la période de transition.

 

Outre cette exigence, l’impératif de rédiger une Constitution viable et universellement acceptable pour le Tchad à même de donner confiance aux jeunes, aux femmes, aux personnes handicapées de la société et à leur rôle dans la politique, doit être respecté.

De même, il est important d’après la mission d’enquête que le gouvernement de transition, dirigé par le Premier ministre, élabore dans les semaines à venir une feuille de route détaillée de la Transition, permettant de produire une nouvelle Constitution et des élections libres, justes et crédibles.

 

Dans ses recommandations, la mission d’enquête n’omet pas l’obligation pour les combattants étrangers et mercenaires de quitter le territoire tchadien. Quant aux rebelles du FACT, ils sont invités à rejoindre la plateforme de Dialogue et de Réconciliation nationale.

Il est en outre important, selon les enquêteurs, d’accélérer la Réforme du Secteur de sécurité (RSS) et le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR), des « ingrédients nécessaires à la construction d’une armée véritablement nationale et d’un dispositif de sécurité nationale que tous les Tchadiens soutiendront et auxquels ils s’identifieront ».

 

A la communauté internationale, il est demandé d’apporter une réponse à l’attaque terroriste, des milices et des mercenaires contre le Tchad et la Région du Sahel.

Mercredi 12 Mai 2021




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