L'année 2023 a été une année exceptionnelle pour la justice sénégalaise. Elle a été marquée par des événements majeurs, notamment avec les affaires Ousmane Sonko - Mame Mbaye Niang et Adji Sarr – Ousmane Sonko qui ont tenu en haleine tout le pays.
L'arrestation de Ousmane Sonko
Pour comprendre ce feuilleton judiciaire, il faut commencer par l’arrestation du leader de l’ex Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), Ousmane Sonko, le vendredi 28 juillet à son domicile sis à la Cité Keur Gorgui pour "vol de téléphone portable" et "appel à l’insurrection". Sur ce, il a été transféré à la Brigade des affaires générales du tribunal de Grande Instance de Dakar. Il a été interpellé à son retour de la prière du vendredi après 55 jours de résidence surveillée forcée. Sur sa page Facebook, le leader de l’ex Pastef affirmait avoir arraché le téléphone portable d’une dame gendarme qui était en train de le filmer avant de lui demander de supprimer ses vidéos. Le procureur l’accuse de vol de portable et autres chefs d’inculpation.
Par un communiqué de presse, le procureur de la République a confirmé l’arrestation de Ousmane Sonko, mais également, il est revenu sur les détails de cette interpellation. Le maire de Ziguinchor est accusé de vol de téléphone portable, mais également d’autres chefs d’accusation. Le procureur avait instruit les éléments de la sûreté urbaine d’ouvrir une enquête sur divers chefs de délits et crimes à l'encontre de l’ancien inspecteur des impôts et domaines ainsi que toutes les personnes impliquées dans cette affaire.
Les lourdes charges qui pèsent sur Sonko.
Au lendemain de l’arrestation de l’opposant, le procureur de la République Abdoul Karim Diop, avait tenu une conférence de presse pour charger encore Ousmane Sonko de nouvelles inculpations. Il s’agit d’appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, mais également de vol. Selon le maître des poursuites, le vol du téléphone portable de la gendarme n’est qu’un élément déclencheur de son arrestation que les autorités judiciaires avaient prévu depuis longtemps.
Le début du commencement
Les démêlés judiciaires de Ousmane Sonko ont un début et un commencement.
En février 2021, la jeune masseuse du salon Sweet Beauté, Adji Raby Sarr, avait porté plainte pour viols contre le leader de l’ex Pastef. Une situation qui avait tenu en haleine bon nombre de Sénégalais pendant deux longues années. Mais également, la plainte introduite par l’ancien ministre du Tourisme Mame Mbaye Kane Niang pour diffamation.
L'affaire des 29 milliards du Prodac
Le maire de Ziguinchor Ousmane Sonko avait accusé M. Niang d’avoir été épinglé par un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE) pour sa gestion d’un fonds de 29 milliards de francs Cfa du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac). Son procès s’est ouvert le 02 février 2023, mais il s’est tenu après plusieurs renvois. Finalement, Ousmane Sonko a été condamné à deux mois de prison assorti de sursis et 200 millions de francs Cfa de dommages et intérêts. Une décision qui avait surpris beaucoup de Sénégalais qui attendaient une peine beaucoup plus lourde. Insatisfait de la décision rendue par le tribunal de première instance de Dakar, le parquet qui avait requis 3 ans de prison ferme, a interjeté appel devant la Cour d’appel de Dakar ainsi que la partie civile, Mame Mbaye Kane Niang. La juridiction avait condamné le lundi 8 mai 2023 à six mois de prison avec sursis le maire de Ziguinchor pour diffamation et injure publique. Il est également condamné à verser 200 millions de nos francs à Mame Mbaye Niang pour dommages et intérêts. Ses avocats ont saisi la Cour suprême pour se pourvoir en cassation. Et l’audience a été fixée le 04 janvier 2024. Mais jusqu’ici, l'opposant et ses sympathisants dénoncent une "instrumentalisation" de la justice.
Le procès Adji Sarr-Ousmane Sonko
Le procès du 23 mai 2023 sur les faits de viols et de menaces de mort opposant Adji Sarr et Ousmane Sonko s’est tenu devant la chambre criminelle de Dakar. Avant la tenue de cette audience, des émeutes se sont déclenchées dans les quartiers de Dakar et ceux de Ziguinchor, notamment à « Néma Kadior ». En effet, les partisans du maire avaient barricadé toutes les issues qui menaient vers le domicile du maire de Ziguinchor. Ceci pour empêcher les forces de l’ordre d' y accéder. Ces affrontements ont malheureusement coûté la vie à au moins quatre jeunes au niveau de Ziguinchor.
Mais cette situation n’a nullement empêché la tenue du procès. Devant la barre, l’ex masseuse de Sweet-Beauty, Adji Sarr avait maintenu ses accusations de viols à l'encontre d'Ousmane Sonko. Elle a par ailleurs révélé à la Chambre, les types de massage qui existaient au niveau de l’institut. Des déclarations réfutées par la dame Ndèye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de beauté et employeur de la masseuse.
Ousmane Sonko condamné pour le délit de corruption de la jeunesse
En rendant son verdict, le 01 juin 2023, le juge a disqualifié les accusations de viol et de menaces de mort contre Ousmane Sonko, avant de le condamner par contumace à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse. Quant à Ndèye Khady Ndiaye, elle a été acquittée du chef de complicité de viol et de diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, mais a été reconnue coupable d’incitation à la débauche et a été condamnée aussi à 2 ans de prison ferme avant d’ordonner la fermeture de son salon Sweet Beauté. La Chambre a également alloué la somme de 20 millions francs Cfa à Adji Sarr pour dommages et intérêts que les deux accusés vont payer solidairement. Le juge avait ordonné l’exécution provisoire, fixé la durée de la contrainte par corps au maximum et mis les dépens à la charge des condamnés. Une semaine après la dame Adji Sarr et Ndèye Khady Ndiaye ont interjeté appel. Et cela signifie que cette procédure peut être réouverte à tout moment. La condamnation de l’opposant sur cette affaire a déclenché des manifestations dans toute l’étendue du territoire national jusque dans la diaspora et au moins neuf (9) morts ont été enregistrés lors de ces malheureux événements.
55 jours de barricade
Après la tenue de son procès auquel il n’a pas pris part, le leader de l’ex Pastef avait annoncé son retour à Dakar. Il avait débuté dans le sud du pays, une marche de retour vers la capitale pour faire une démonstration de force qu’il avait dénommé « Tiokki fin (le combat final) ». Mais les forces de défense et de sécurité ne lui ont pas permis de continuer sa caravane. Il a été interpellé au niveau du département de Kolda. Pour justifier son arrestation, les autorités notamment le ministre de l’Intérieur de l’époque, Antoine Félix Abdoulaye Diome ont invoqué des heurts. Il a été acheminé de force par les forces de défense et de sécurité jusqu’à son domicile. Depuis ce jour, Ousmane Sonko avait été mis en résidence surveillée pendant 55 jours jusqu’à son arrestation à son domicile à la Cité Keur Gorgui le 28 juillet 2023 pour vol de téléphone portable dans un premier temps. L’opposant est actuellement incarcéré à la prison du Cap manuel.
Présidentielle 2024 : entre radiation et réintégration de Ousmane Sonko
Malgré sa détention depuis le mois de juillet dernier, la saga politico judiciaire continue de s'abattre sur le leader de Pastef. L’État du Sénégal avait pris la décision de radier Ousmane Sonko des listes électorales. Suite à cette décision, les mandataires de Ousmane Sonko se sont vu refuser les fiches de parrainage. Cest ainsi que ses avocats avaient saisi la Cour d'appel de Ziguinchor pour annuler cette décision. Sur ce, le juge de Ziguinchor Sabassy Faye a annulé le jeudi 12 octobre sa radiation des listes électorales du Sénégal en ordonnant sa réinsertion des listes électorales. À cet effet, l'agent judiciaire de l'État avait brandi un communiqué déclarant que l'État du Sénégal allait introduire un recours contre la décision du juge devant la Cour suprême. Et la Cour a cassé, le 17 novembre 2023, le jugement rendu par le magistrat Sabassy Faye en renvoyant l’affaire devant le tribunal de grande Instance hors classe de Dakar. Et cette juridiction a procédé le 12 décembre dernier à examiner la réintégration ou non sur les listes électorales pour la présidentielle de 2024. Et là encore, le juge Racine Thior a donné acte à Ousmane Sonko en annulant sa radiation. Les avocats de l'État ainsi que l'agent judiciaire ont décidé de se pourvoir en cassation...
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