Arrivé à Tenerife par la mer : Khadim Diop, ou la vie d'un mineur sénégalais en rétention

Des mineurs originaires du Sénégal, sont de plus en plus nombreux à arriver à Tenerife, en Espagne, par la mer. C'est le cas de Khadim Diop, 16 ans et demi.
Le natif de Kayar, une ville située sur la Petite côte du Sénégal, a réussi à gagner la plus grande Île de l’archipel des Canaries, en passant par le détroit de Gibraltar.


Ce fut un parcours qui relève de l’improbable. À bord d'une pirogue, avec 250 autres candidats à l'immigration clandestine, il a accosté sur les côtes dans une embarcation de fortune, avant de débarquer en Espagne. C'était au mois de juillet dernier. Les tracasseries se multiplient, mettant entre parenthèses son rêve. 

A l'issue d'un entretien d'un quart d'heure, le jeune Khadim s'est vu placé en rétention par la police espagnole, au Centre de rétention administrative (CRA) de Geneto, situé dans la municipalité de San Cristóbal de La Laguna, sur l'île de Tenerife-Canarias. Un lieu de privation de liberté, qui permet de retenir le mineur jusqu'à l'âge majeur, afin de procéder à sa naturalisation. Le fait de n'avoir "jamais travaillé dans son pays d'origine" a joué en sa faveur, tout comme une "mauvaise maîtrise de la langue française".  Cela permet pour l’instant de conserver intact son rêve. 

Une batterie de tests : osseux, une radio de la main pour déterminer l'âge...
 
Après le tête-à-tête avec la police espagnole, le jeune sénégalais a passé une  évaluation de la minorité avec le service de la Croix-Rouge. Il a été soumis à une batterie de tests osseux. Une radio de la main a permis de déterminer son âge. Tâche d'autant plus délicate que l'âge estimé pour le migrant mineur ne devrait pas prendre en compte l'apparence physique de Khadim Diop, un garçon d'allure imposante. "Il était difficile de déterminer l'âge de Khadim, qui plus est étranger, sans papiers d'identité. Les expertises présentent une marge d'erreur de plusieurs mois", a indiqué Pablo Morales, chef de service au Centre de rétention administrative (CRA) de Geneto. "Mais, son comportement semblait correspondre à l'âge prétendu", a-t-il expliqué. 
 
Les migrants mineurs tombent sous la responsabilité des autorités de protection de l'enfance

Le jeune Sénégalais, en situation irrégulière, est placé en rétention dans l’attente de l'âge légal pour sa reconduite ou non aux frontières. Il bénéficie de la protection de la loi : En Espagne, la loi est claire. Elle interdit le renvoi des mineurs sans famille. "Étrangers ou non, les mineurs non accompagnés tombent sous la responsabilité des autorités de protection de l'enfance", nous apprend encore le chef du service de garde du CRA de Geneto.

Le Centre de rétention administrative est presque un bunker. Derrière les portes d'ordinaire infranchissables pour un cameraman, on voit des couloirs carrelés, un grand réfectoire et des chambres collectives impersonnelles à deux ou quatre lits. La propreté y est impeccable et, dans les cuisines, les rations alimentaires sont entassées sur des chariots pour chaque retenu. 

C'est ici que défilent chaque année entre 15 et 20 étrangers mineurs en situation irrégulière. Vendredi 28 septembre dernier, ils étaient au total 10 (deux Sénégalais et huit marocains), qui en baskets, qui en tongs; tantôt le regard suppliant, tantôt fanfaronnant en présence de journalistes. Aucun d'entre eux, selon le directeur du centre, n'a subi une quelconque violence depuis son enfermement. "Pas de climat de révolte dans cette maison, ni de tension particulière parmi les retenus", a précisé le chef du service de garde du Centre de rétention administrative (CRA) de Geneto. Même si une grande tristesse se dégage des lieux. 

Une pension de 12 Euros par semaine...

L'endroit est adapté et pas du tout traumatisant pour le jeune  Diop. "La vie n’est pas dure dans ce centre de rétention. Ce n'est rien d'autre qu'une maison familiale qui ne dit pas son nom, où papa et maman ne sont pas là", dédramatise le maître des lieux, en rigolant. "Ici, nous sommes en famille. Khadim (Diop) s’est bien comporté depuis qu’il est là. C’est le plus discipliné", renchérit-il. Il tient à préciser que la prise en charge des migrants mineurs se fait avec humanité. "Ils ont le droit de voir des gens, de sortir à des heures indiquées. Nous sommes présents pour rassurer, sécuriser. Pour les papiers, cela ne dépend pas de nous. Ce sont les autorités qui décident. Ici, nous avons des personnes que l'autorité judiciaire a décidé de ne pas expulser et que le gouvernement a décidé de placer en rétention. L’idée est de garantir le droit d’asile et lutter contre l’immigration irrégulière", confie le directeur du centre. 
 
En tant que mineur, arrivé sur le territoire espagnol à moins de 18 ans sans représentant légal, a droit à une pension estimée à 12 Euros par semaine. Mieux, le responsable du centre fournit au jeune sénégalais un ensemble de biens, comme des vêtements et des produits d'hygiène. Aussi, le coût de ses soins est pris en charge par le CRA. Khadim Diop, immigré du Sénégal, raconte sa vie dans ce centre, les conditions de son voyage et surtout sa peur d'être expulsé. D’autres mineurs comme lui, vivent la même chose avec des fortunes diverses. Car, entre le rêve et le cauchemar, il y a juste un fil. Très ténu…  
Mercredi 10 Octobre 2018




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