Politique : L’Onu invitée à organiser une mission au Sénégal pour mettre fin aux graves atteintes au droit de réunion pacifique


Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association a été saisi d’une correspondance par la Société civile sénégalaise. Une saisine du Rapporteur Spécial pour l’inviter « à agir et surtout à organiser une mission au Sénégal pour prendre connaissance et mettre fin aux graves atteintes au droit de réunion pacifique ».
Un droit bien « garanti par l’article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par l’article 21 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques », ont indiqué lesdites organisations de la Société civile signataires de cette saisine. Il s'agit de Afrikajom Center ; Agissons Ensemble ; Article19 Afrique de l’Ouest ; Amnesty International Sénégal ; Cosce ; Gradec ; Imagine Africa ; Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme ; Pacte ; Raddho ; Y en a marre.
Celles-ci ont rappelé, au Rapporteur spécial, que « la liberté d’expression est inséparable de la liberté de réunion pacifique. Et qu’elle constitue une liberté fondamentale reconnue par les articles 8 et 10 de la Constitution du Sénégal. En effet, la manifestation du 17 juin 2022, organisée par la Coalition Yewwi Askan Wi a été interdite par le Préfet de Dakar. L’interdiction a été entérinée par le juge des référés, renseigne la Société civile qui signale que c’est cela qui a « donné lieu à des manifestations populaires qui ont été violemment réprimées. Le bilan des violences des forces de sécurité fait état de quatre (4) morts, d’un nombre indéterminé de blessés et de plus de 250 détenus dont deux maires et trois députés détenus arbitrairement en dépit de la protection que leur confère leur immunité parlementaire ».
Les Nations Unies informées du bilan macabre enregistré des suites d’une manifestation interdite
Dans ladite saisine, il est mis en exergue l’article 14 de la loi n°78-02 du 29 janvier 1978 relative aux réunions. Celle-ci dispose que « l’autorité administrative ne peut interdire une manifestation publique que si deux conditions cumulatives sont réunies, d’une part, qu’il existe une menace réelle de troubles à l’ordre public, d’autre part, que l’autorité ne dispose pas de forces de sécurité nécessaires pour protéger les personnes et les biens ». Et que, le Préfet ne peut recourir à ses pouvoirs de police administrative qu'en cas de risques avérés - et non simplement hypothétiques - de troubles à l'ordre public et d’indisponibilité avérée des forces de l’ordre (deux éléments cumulatifs et suffisants, et non alternatifs, exigés par la loi et la jurisprudence constante de la Cour suprême).
Malgré cela, un arrêté du Préfet de Dakar n°193/P/D/DK du 15 juin 2022 portant interdiction de la manifestation du 17 juin, en son article 1er, a visé uniquement des « Menaces de troubles à l’ordre public ». Ce, alors que, la jurisprudence constante de la Cour suprême sanctionne d’illégalité manifeste tout arrêté du Préfet qui interdit un rassemblement pacifique en invoquant ou en se fondant sur la seule condition de « Menaces de troubles à l’ordre public ».
Au rapporteur spécial des Nations Unies, il est rappelé que depuis sa constitutionnalisation en 2001, la force de la dimension constitutionnelle que revêt la liberté de manifestation n’est plus à démontrer. La reconnaissance d'un régime déclaratif de la manifestation relève de l'évidence, ce qui dispense de toute autorisation préalable au libre exercice d’un tel droit. C’est pourquoi l’article 10 de la Constitution du 22 janvier 2001 dispose : « chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public ».
En définitif, indiquent les organisations de la Société civile citées plus haut, le droit de réunion pacifique, et la liberté de manifestation publique « sont donc des droits incontestables fondés sur une obligation de l'État ». Et que cela n’est « ni plus ni moins, qu'une question de droits et libertés fondamentaux ».
 
Mercredi 22 Juin 2022
Dakar actu




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