Dans une déclaration conjointe d’ARTICLE 19, des organisations de la société civile ont tenu à exprimer leurs préoccupations par rapport aux convocations tout azimut de journalistes et de leaders d'opinion. " À l'approche des élections législatives prévues pour le 17 novembre 2024, nous, organisations de la société civile sénégalaise, de défense des droits humains et des médias, exprimons notre profonde préoccupation face aux convocations systématiques d'acteurs politiques et de journalistes, ainsi qu'aux poursuites judiciaires engagées à leur encontre pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation au Sénégal.
Depuis l'accession des nouvelles autorités au pouvoir à l'issue de l'élection présidentielle de mars 2024, nos organisations ont documenté six cas de politiques, journalistes et activistes poursuivis pour des délits d'opinion à la suite de propos tenus sur des sujets d'intérêt public. Dans la plupart des cas, il s'est agi de poursuites engagées par auto-saisine du procureur, et non par les victimes des allégations de diffamation.
La judiciarisation des opinions par l'État sur des sujets d'intérêt public soulève de graves inquiétudes légitimes concernant le respect de la liberté d'expression, l'intégrité du débat public et l'engagement du nouveau gouvernement à restaurer l'espace civique et la pluralité des opinions dans l'espace politique et public. Ces incidents rappellent en effet les pratiques répressives que nous avons dénoncées sous les régimes précédents, pratiques qui ont conduit à l'arrestation et à l'emprisonnement injustes de plusieurs membres du parti au pouvoir. Leur pérennisation ne cadre nullement avec la voie de rupture et de transparence à laquelle les nouvelles autorités se sont engagées", a-t-on mentionné.
Ainsi, ces organisations de revenir sur les dernières interpellations. " Mercredi 02 octobre, Bougane Gueye Dani, leader du mouvement Geum Sa Bopp, poursuivi pour les délits susmentionnés a été placé en garde à vue après audition à la Division de la lutte contre la cybercriminalité. Les accusations portées contre lui proviennent de déclarations qu’il aurait faites lors d’une récente intervention publique.
Le mardi 1er octobre, c'était au tour de Cheikh Yérim Seck, journaliste et acteur politique, d'être placé en garde à vue à la suite de propos tenus lors d'une émission avec la journaliste Maïmouna Ndour Faye sur la chaîne de télévision 7TV. M. Seck avait remis en cause les chiffres avancés par le Premier ministre, Ousmane Sonko, lors d'une conférence de presse tenue à Dakar le jeudi 26 septembre sur l'état des finances publiques. Kader Dia, chroniqueur sur la chaîne de télévision SenTV, a également été placé en garde à vue pour diffusion de fausses nouvelles. Ses propos, tenus lors de l'émission "Grandes Gueules" sur la même chaîne, portaient sur la découverte de migrants morts dans une pirogue au large de Dakar, ainsi que sur sa demande d'enquête concernant un supposé cas de corruption au sein d'une structure de la police nationale. Pour rappel, en juin 2024, l'imam Cheikh Tidiane Ndao a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois mois ferme, assortie d'une amende de 100 000 francs CFA pour diffusion de fausses nouvelles, à la suite de propos jugés outrageants à l'encontre du Premier ministre Ousmane Sonko. Toujours dans cette même période, l'activiste Bah Diakhaté a été condamné pour diffusion de fausses nouvelles après avoir accusé, dans une publication sur le réseau social Facebook (Meta), le Premier ministre Ousmane Sonko et d'autres personnalités de soutenir la cause des homosexuels. Le 9 septembre, l'ancien commissaire de police Cheikhna Keïta a également été emprisonné pour diffusion de fausses nouvelles. Ameth Suzanne Camara, responsable de l'Alliance pour la République (APR), a été placée sous mandat de dépôt pour offense ou discrédit envers les hautes autorités de l'État, à la suite de propos tenus dans l'émission "Ultimatum" de Seneweb". Et d'ajouter " les médias, déjà sous pression fiscale et judiciaire, doivent aussi faire face à la violence. Dans la foulée de l'audition d'un homme politique le mercredi 2 octobre à la brigade de cybercriminalité, deux journalistes, Ngoné Saliou Diop et Maty Sarr Niang, ont été violemment attaquées alors qu'elles exerçaient leur métier en toute légitimité. Maty Sarr Niang a été même blessée au front. Nos organisations appellent le gouvernement sénégalais à libérer les journalistes et les activistes encore en détention pour des faits d'opinion et à privilégier des mesures positives pour faire face aux fausses nouvelles, à la diffamation et aux délits de presse lorsqu'ils sont avérés. Ces mesures incluent notamment le recours à des mécanismes d'autorégulation et de régulation des contenus de presse, l'éducation continue à l'information et à la déontologie pour les producteurs, la divulgation proactive de l'information et la facilitation de l'accès aux sources publiques. Lorsque cela est strictement nécessaire et que le dommage est avéré, des réparations civiles raisonnables devraient être préférées, afin de ne pas porter atteinte au journalisme et à la continuité du service public d'information".
" Nous invitons également les acteurs du débat public et les personnalités médiatiques à faire preuve de responsabilité dans leur prise de parole. Il y va de la sérénité et de la richesse des discussions ainsi que de la paix et de la cohésion sociale. En effet, bien que la liberté d'expression ne soit pas un droit absolu, les restrictions imposées par les États signataires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), y compris le Sénégal, doivent se conformer aux critères de l'Article 19(3) du PIDCP, respectant ainsi le droit international. Le rapport de 2021 du Rapporteur spécial des Nations Unies souligne que les réponses à la désinformation doivent respecter les principes de légalité, légitimité, nécessité et proportionnalité. Cependant, les lois récentes sur les "fausses nouvelles" ne répondent souvent pas à ces exigences, manquant de définitions claires et permettant des abus, ce qui restreint la liberté d'expression. C’est bien le cas de l’article 255 du code pénal sénégalais sur base desquels des journalistes et des activistes sont souvent poursuivis pour diffusion de fausse nouvelle. Il ne définit pas clairement la fausse nouvelle pour permettre aux citoyens de savoir à l’avance ce qui est interdit, laissant ainsi un grand champ d’interprétation à l’organe de la loi. Pourtant, la déclaration conjointe des Nations Unies de 2017 met en évidence la nécessité d'éviter les interdictions générales sur la diffusion d'informations basées sur des notions vagues, comme les "fausses nouvelles". Elle appelle également à l'abolition des lois de diffamation pénale trop restrictives, qui peuvent servir d'outils de censure, notamment dans le contexte journalistique. Le Principe 22.2 de la Déclaration de principe sur la liberté d'expression en Afrique appelle à l'abrogation des lois qui criminalisent la sédition et la publication de fausses nouvelles, souvent utilisées pour réprimer la dissidence et restreindre la liberté des médias. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de la CEDEAO ont fermement condamné l'emprisonnement de journalistes pour diffamation, affirmant que de telles mesures violent les normes internationales. Le gouvernement doit aussi mettre fin à l'impunité de la violence récurrente contre les journalistes et les médias. Une enquête doit être ouverte sur les violences contre Maty Sarr Niang et Ngoné Saliou Diop pour identifier les responsables et les traduire en justice", a-t-on ajouté.
Ces organisations d'interpeller l'État.
" À l'approche des prochaines législatives, nous appelons à une vigilance accrue afin de garantir la liberté d'expression et l'accès à une information objective, des principes fondamentaux qui doivent guider ce processus démocratique, sans reproduire les dérives observées sous le régime précédent. De plus, nous appelons l'État du Sénégal à : - Abroger l'article 255 du code pénal qui criminalise la publication de fausses nouvelles et l’article 80 pour les aligner avec les normes internationales.
-Réexaminer toutes les mesures punitives, y compris les restrictions pénales à la diffamation, l’injure, l’offense ou à la publication de fausses informations, et s'assurer qu'elles sont nécessaires, proportionnées, justifiables et compatibles avec les normes internationales en matière de droits de l'homme. -Respecter les engagements internationaux en matière de droits humains, notamment ceux découlant de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Sénégal est partie".
Depuis l'accession des nouvelles autorités au pouvoir à l'issue de l'élection présidentielle de mars 2024, nos organisations ont documenté six cas de politiques, journalistes et activistes poursuivis pour des délits d'opinion à la suite de propos tenus sur des sujets d'intérêt public. Dans la plupart des cas, il s'est agi de poursuites engagées par auto-saisine du procureur, et non par les victimes des allégations de diffamation.
La judiciarisation des opinions par l'État sur des sujets d'intérêt public soulève de graves inquiétudes légitimes concernant le respect de la liberté d'expression, l'intégrité du débat public et l'engagement du nouveau gouvernement à restaurer l'espace civique et la pluralité des opinions dans l'espace politique et public. Ces incidents rappellent en effet les pratiques répressives que nous avons dénoncées sous les régimes précédents, pratiques qui ont conduit à l'arrestation et à l'emprisonnement injustes de plusieurs membres du parti au pouvoir. Leur pérennisation ne cadre nullement avec la voie de rupture et de transparence à laquelle les nouvelles autorités se sont engagées", a-t-on mentionné.
Ainsi, ces organisations de revenir sur les dernières interpellations. " Mercredi 02 octobre, Bougane Gueye Dani, leader du mouvement Geum Sa Bopp, poursuivi pour les délits susmentionnés a été placé en garde à vue après audition à la Division de la lutte contre la cybercriminalité. Les accusations portées contre lui proviennent de déclarations qu’il aurait faites lors d’une récente intervention publique.
Le mardi 1er octobre, c'était au tour de Cheikh Yérim Seck, journaliste et acteur politique, d'être placé en garde à vue à la suite de propos tenus lors d'une émission avec la journaliste Maïmouna Ndour Faye sur la chaîne de télévision 7TV. M. Seck avait remis en cause les chiffres avancés par le Premier ministre, Ousmane Sonko, lors d'une conférence de presse tenue à Dakar le jeudi 26 septembre sur l'état des finances publiques. Kader Dia, chroniqueur sur la chaîne de télévision SenTV, a également été placé en garde à vue pour diffusion de fausses nouvelles. Ses propos, tenus lors de l'émission "Grandes Gueules" sur la même chaîne, portaient sur la découverte de migrants morts dans une pirogue au large de Dakar, ainsi que sur sa demande d'enquête concernant un supposé cas de corruption au sein d'une structure de la police nationale. Pour rappel, en juin 2024, l'imam Cheikh Tidiane Ndao a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois mois ferme, assortie d'une amende de 100 000 francs CFA pour diffusion de fausses nouvelles, à la suite de propos jugés outrageants à l'encontre du Premier ministre Ousmane Sonko. Toujours dans cette même période, l'activiste Bah Diakhaté a été condamné pour diffusion de fausses nouvelles après avoir accusé, dans une publication sur le réseau social Facebook (Meta), le Premier ministre Ousmane Sonko et d'autres personnalités de soutenir la cause des homosexuels. Le 9 septembre, l'ancien commissaire de police Cheikhna Keïta a également été emprisonné pour diffusion de fausses nouvelles. Ameth Suzanne Camara, responsable de l'Alliance pour la République (APR), a été placée sous mandat de dépôt pour offense ou discrédit envers les hautes autorités de l'État, à la suite de propos tenus dans l'émission "Ultimatum" de Seneweb". Et d'ajouter " les médias, déjà sous pression fiscale et judiciaire, doivent aussi faire face à la violence. Dans la foulée de l'audition d'un homme politique le mercredi 2 octobre à la brigade de cybercriminalité, deux journalistes, Ngoné Saliou Diop et Maty Sarr Niang, ont été violemment attaquées alors qu'elles exerçaient leur métier en toute légitimité. Maty Sarr Niang a été même blessée au front. Nos organisations appellent le gouvernement sénégalais à libérer les journalistes et les activistes encore en détention pour des faits d'opinion et à privilégier des mesures positives pour faire face aux fausses nouvelles, à la diffamation et aux délits de presse lorsqu'ils sont avérés. Ces mesures incluent notamment le recours à des mécanismes d'autorégulation et de régulation des contenus de presse, l'éducation continue à l'information et à la déontologie pour les producteurs, la divulgation proactive de l'information et la facilitation de l'accès aux sources publiques. Lorsque cela est strictement nécessaire et que le dommage est avéré, des réparations civiles raisonnables devraient être préférées, afin de ne pas porter atteinte au journalisme et à la continuité du service public d'information".
" Nous invitons également les acteurs du débat public et les personnalités médiatiques à faire preuve de responsabilité dans leur prise de parole. Il y va de la sérénité et de la richesse des discussions ainsi que de la paix et de la cohésion sociale. En effet, bien que la liberté d'expression ne soit pas un droit absolu, les restrictions imposées par les États signataires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), y compris le Sénégal, doivent se conformer aux critères de l'Article 19(3) du PIDCP, respectant ainsi le droit international. Le rapport de 2021 du Rapporteur spécial des Nations Unies souligne que les réponses à la désinformation doivent respecter les principes de légalité, légitimité, nécessité et proportionnalité. Cependant, les lois récentes sur les "fausses nouvelles" ne répondent souvent pas à ces exigences, manquant de définitions claires et permettant des abus, ce qui restreint la liberté d'expression. C’est bien le cas de l’article 255 du code pénal sénégalais sur base desquels des journalistes et des activistes sont souvent poursuivis pour diffusion de fausse nouvelle. Il ne définit pas clairement la fausse nouvelle pour permettre aux citoyens de savoir à l’avance ce qui est interdit, laissant ainsi un grand champ d’interprétation à l’organe de la loi. Pourtant, la déclaration conjointe des Nations Unies de 2017 met en évidence la nécessité d'éviter les interdictions générales sur la diffusion d'informations basées sur des notions vagues, comme les "fausses nouvelles". Elle appelle également à l'abolition des lois de diffamation pénale trop restrictives, qui peuvent servir d'outils de censure, notamment dans le contexte journalistique. Le Principe 22.2 de la Déclaration de principe sur la liberté d'expression en Afrique appelle à l'abrogation des lois qui criminalisent la sédition et la publication de fausses nouvelles, souvent utilisées pour réprimer la dissidence et restreindre la liberté des médias. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de la CEDEAO ont fermement condamné l'emprisonnement de journalistes pour diffamation, affirmant que de telles mesures violent les normes internationales. Le gouvernement doit aussi mettre fin à l'impunité de la violence récurrente contre les journalistes et les médias. Une enquête doit être ouverte sur les violences contre Maty Sarr Niang et Ngoné Saliou Diop pour identifier les responsables et les traduire en justice", a-t-on ajouté.
Ces organisations d'interpeller l'État.
" À l'approche des prochaines législatives, nous appelons à une vigilance accrue afin de garantir la liberté d'expression et l'accès à une information objective, des principes fondamentaux qui doivent guider ce processus démocratique, sans reproduire les dérives observées sous le régime précédent. De plus, nous appelons l'État du Sénégal à : - Abroger l'article 255 du code pénal qui criminalise la publication de fausses nouvelles et l’article 80 pour les aligner avec les normes internationales.
-Réexaminer toutes les mesures punitives, y compris les restrictions pénales à la diffamation, l’injure, l’offense ou à la publication de fausses informations, et s'assurer qu'elles sont nécessaires, proportionnées, justifiables et compatibles avec les normes internationales en matière de droits de l'homme. -Respecter les engagements internationaux en matière de droits humains, notamment ceux découlant de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Sénégal est partie".
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