Afrique de l’Ouest: les organisations paysannes appellent à la reconnaissance officielle des systèmes alimentaires paysans comme socle des politiques agricoles et alimentaires


À l'occasion de la cérémonie de clôture de la 3e édition de l’Université Paysanne Mamadou Cissokho du ROPPA à Thiès, des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l'Afrique de l'Ouest, membres dudit réseau, ont tenu à rendre publique une résolution portant sur les systèmes alimentaires paysans. 
 
 
"Nous, leaders paysans, femmes, jeunes du Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), réunis à Thiès (Sénégal), du 15 au 18 décembre 2025, à l’occasion de la 3ᵉ édition de l’Université Paysanne Régionale (UPR) Mamadou Cissokho, constatant que, depuis plusieurs décennies, le monde s’est engagé dans un modèle dominant de systèmes alimentaires mondiaux, fondés sur des chaînes de valeur longues, concentrées et financiarisées, reposant sur l’industrialisation de l’agriculture, la spécialisation des territoires et la recherche de rendements maximaux basés sur une intensification chimique; constatant que, bien que ce modèle ait permis une augmentation globale de la production alimentaire, il induit et alimente de profondes limites structurelles, notamment : la persistance de la faim et de la malnutrition, l'aggravation des inégalités et des exclusions sociales et économiques, la dégradation accélérée des ressources naturelles, la multiplication des crises alimentaires, climatiques et géopolitiques ; constatant à travers les statistiques du Réseau de Prévention des Crises Alimentaires (RPCA) que l’Afrique de l’Ouest est passé de 4 personnes sur 100 souffrant de la faim et de la malnutrition en 2019 à environ 12% de nos jours; et que la facture des importations de denrées alimentaires, équivaut à plus de 100 milliards de USD par an ; convaincus que ces dysfonctionnements fragilisent les exploitations agricoles familiales, la souveraineté des États, accentuent la dépendance aux marchés internationaux et alimentent les tensions sociales et politiques; affirmons que les Systèmes Alimentaires Paysans (SAP) constituent une alternative crédible, éprouvée et structurante, partie intégrante des politiques agricoles. De par sa multifonctionnalité et multi dimensionnalité, les SAP : garantissent un accès de tous à une alimentation saine, nutritive et culturellement appropriée, promeuvent des modes de consommation durables et ancrés dans les territoires,
promeuvent une production respectueuse de l’environnement et fondée sur l’agroécologie, procurent des moyens de subsistance équitables et inclusifs,
renforcer la résilience des communautés rurales face aux chocs et vulnérabilités.
En effet, à l’opposé des logiques des systèmes alimentaires mondiaux, les systèmes alimentaires paysans reposent sur les exploitations agricoles familiales, qui sont dominants Afrique de l’Ouest où elles demeurent le principal moteur de l’alimentation. Ancrés dans les territoires, ils s’appuient sur la diversité des productions, les savoirs endogènes, l’agroécologie, les marchés territoriaux et la proximité entre producteurs et consommateurs. Les SAP privilégient une logique de sécurité et de souveraineté alimentaires territoriales, combinant autoconsommation, transformation locale et commercialisation de proximité, nationaux et régionaux", a-t-on lu dans ladite résolution.
 
En terme d'engagement, le réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l'Afrique de l'Ouest, " conscient que la transformation des systèmes alimentaires ne peut se faire sans les paysans, réaffirme son engagement à : produire et diffuser des évidences paysannes sur le financement de l’agriculture, la création de valeur et la contribution réelle des exploitations familiales aux économies nationales et régionales; renforcer les organisations économiques paysannes, en particulier celles portées par les femmes et les jeunes, afin d’en faire des acteurs économiques crédibles et durables des SAP, notamment par la mise en place de fond d’investissement paysan ; structurer et animer des alliances stratégiques avec les consommateurs, la société civile, les collectivités territoriales et les décideurs politiques; assurer une veille permanente sur les dynamiques territoriales des SAP, à travers l’OEF-ROPPA et ses dispositifs nationaux; renforcer davantage sa force d’influence politique reconnue, en portant des propositions paysannes cohérentes dans les politiques agricoles, alimentaires, foncières, nutritionnelles et climatiques ;
Soutenir l’innovation sociale et économique paysanne, notamment en matière d’agroécologie, de transformation locale, de marchés territoriaux, de mise en marché collective des produits, de consommation locale et de cohésion sociale, renforcer et accroître les centres et dispositifs de formations des PFN et faire de l’UPR un cadre dynamique, autonome, de formation et d’apprentissage paysan avec une plateforme virtuelle d’échanges et de partage d’innovations paysannes".
 
Appel aux États et aux organisations intergouvernementales
 
"Le ROPPA appelle les États de l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, l’UEMOA, ainsi que l’Union Africaine et leurs partenaires à :
reconnaître officiellement les systèmes alimentaires paysans comme socle des politiques agricoles et alimentaires ;
rééquilibrer les investissements publics notamment par des fonds de garantie pour booster les capacités d’investissements des territoires ruraux en faveur :
de la production familiale diversifiée ;
des marchés territoriaux ; des infrastructures locales de stockage, de transformation et de commercialisation ;
Soutenir les économies de proximité comme leviers de résilience, d’emploi et de cohésion sociale en considérant la promotion des économies social et solidaire. Placer les femmes et les jeunes au cœur de la formulation, de la mise en œuvre et du suivi des politiques de transformation des systèmes alimentaires, sans remettre en cause la cohésion familiale et en respectant les équilibres sociaux ; garantir des financements publics structurants et pérennes pour la transformation et la consolidation des SAP.
 
En somme, le réseau appelle l’ensemble des acteurs à changer de paradigme, fondé sur la reconnaissance du rôle économique, social et politique du monde paysan, et sur un investissement résolu dans des systèmes alimentaires. "L’heure est venue pour les paysans Ouest-africains d’être pleinement reconnus comme acteurs économiques, politiques et stratégiques de leur avenir alimentaire", a-t-on conclu.
Jeudi 18 Décembre 2025
Dakaractu



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