Vers la réouverture des frontières de la Guinée avec le Sénégal : non-dits et bizarreries des motivations de la fermeture.

Bientôt, le blocus imposé depuis le mois de septembre 2020 au Sénégal sera un mauvais souvenir. Les autorités des deux pays limitrophes ont signé un accord de coopération militaire, le samedi 19 juin à l’occasion de la 59ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).


Les autorités sénégalo-guinéennes ont convenu de patrouilles le long de leurs frontières respectives longues de 330 kilomètres pour parer à toute éventualité dans un contexte de menace terroriste dans la sous-région ouest africaine.

 

À l’orée de la signature du mémorandum, samedi dernier par le ministre de la Défense guinéen Mohamed Diané et de son homologue sénégalais des armées, Me Sidibi Kaba, le président en exercice de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, Nana Akufo Addo, a déclaré que c’est pour des raisons sécuritaires que la Guinée a décidé de fermer ses frontières avec trois de ses voisins, notamment le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone.

 

Répondant à Umaro Sissoco Embalo qui a dénigré l’accord trouvé entre le Sénégal et la Guinée, le ministre d’État Tibou Kamara a rappelé à nos confrères d’Africaguinee.com, « que la Guinée a fermé ses frontières avec certains États, à cause de menaces et de risques liés à la sécurité nationale. » Des arguments qui ne semblent pas convaincre grand monde, en raison de l’absence du Mali dans cette catégorie de pays qui feraient peser sur la Guinée des risques réels d'insécurité. 

 

L’Absence intrigante du Mali de la liste rouge

 

Partageant au moins 858 km de frontières avec la Guinée Conakry, le Mali est l’un des pays ouest-africains les moins sûrs de ces dernières années. Depuis 2012, des groupes jihadistes ont  essaimé sur une grande partie de son territoire et ont aujourd’hui exporté cette terreur au-delà du territoire malien. Mais Conakry ne s’inquiète pas outre mesure de la sécurité de son nord-est exposé aujourd’hui à une infiltration djihadiste en raison d’activités périodiques de groupes liés aux islamistes radicaux. 

 

Le 30 mai dernier, une attaque visant le poste de contrôle au sud de Bougouni, dans le sud malien, loin de la frontière avec la Côte d’Ivoire et la Guinée, a fait au moins 5 morts dont un policier. Le Quai d’Orsay français déconseille « formellement » une partie de la frontière malo-guinéenne alors que tout le reste est « déconseillé sauf raison impérative ». Ce qui veut dire qu’aujourd’hui les frontières entre le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire ne sont pas plus sûres que celles que la Guinée partage avec le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone.

 

« Les raisons évoquées par les autorités guinéennes me laissent un peu perplexe », commente un journaliste guinéen qui préfère garder l’anonymat. Pour lui, il faut convoquer d’autres raisons officieuses pour « légitimer » cette décision unilatérale de Conakry contre trois sur ses six voisins.

Et si la Guinée n’avait jamais pardonné au Sénégal d’avoir fermé ses frontières lors de la première vague de l’épidémie à virus Ebola qui a fait plus de 3.000 morts entre 2014 et 2016 en territoire guinéen ? C’est un argument qui ne laisse pas indifférents certains observateurs même si d’autres trouvent que ce n’est pas une raison pour en vouloir à Dakar. 

 

« Les rapports entre le Mali et la Guinée ont toujours été meilleurs. Mais le fait que le Mali n’ait pas fermé ses frontières avec la Guinée lors de la crise sanitaire liée au virus Ebola peut être un facteur important au fait qu’il ne soit pas associé au Sénégal pour ce qui concerne le dernier blocus », tente de comprendre notre confrère.

 

Un autre observateur trouve pour sa part qu’en dehors des relations amicales qui ont toujours existé entre le Mali et la Guinée Conakry, fermer les frontières entre ces deux pays coûterait trop cher au second eu égard à ce que représente Bamako pour l’économie guinéenne. Donc, si en plus du Sénégal, de la Guinée Bissau et de la Sierra Leone, la Guinée doit se passer du Mali qui est le premier client du port de Conakry, son économie en prendrait un sacré coup.

 

Complot ourdi depuis les pays sanctionnés

 

Pour d’autres voix, Alpha Condé voulait punir des pays auxquels il reprochait de parrainer ses opposants, surtout que cette décision a été prise à la veille de la présidentielle à laquelle sa participation a été décriée. Il est difficile de ne pas les écouter quand le président guinéen lui-même, lors d’une sortie au mois de mars à Tormélin, s’attaque frontalement au Sénégal et à son président. « Moi, je ne me querelle avec personne, pas un seul jour depuis que j’ai été élu président, aucun opposant n’est venu à Conakry pour diffamer le gouvernement. Ça, je ne l’accepte pas. Mais tout le monde sait, tous ceux qui nous insultent, tous ces cris de «  la Guinée va brûler », tout se fait à Dakar. Tout le monde le sait, mais Dieu est là », a littéralement dit Alpha Condé en langue soussou. 

 

Dakar n’a pas commenté ces propos, certainement pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. Un feu sur le point d’être maîtrisé, mais ce sera sans la Guinée Bissau dont le président a assuré qu’il ne signerait jamais d’accord de coopération avec son voisin de l’est...

Lundi 21 Juin 2021




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