Le 14 décembre 2025, en marge de la 68e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement à Abuja, le Sénégal s’est vu confier la présidence de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cinquante ans après la création de l’organisation sous-régionale en 1975, Dakar accède enfin au sommet de l’institution ouest-africaine, dans un contexte particulièrement tendu.
Une victoire diplomatique saluée
Pour le Dr Bakary Sambe, président de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies et enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis interrogé par Le Soleil, cette nomination représente « indéniablement une victoire diplomatique majeure pour Dakar ». Elle témoigne, selon lui, de la confiance renouvelée que les États membres accordent au Sénégal comme pilier de stabilité dans un contexte ouest-africain marqué par des turbulences politiques et sécuritaires. « Cette élection, obtenue par consensus lors d’une session extraordinaire dédiée à la réforme institutionnelle, consacre le leadership du président Bassirou Diomaye Faye élu en 2024 et représentant une nouvelle génération de dirigeants africains axée sur l’innovation, la jeunesse et l’inclusion », analyse le spécialiste des questions diplomatiques.
Aldiouma Sow, ministre conseiller du président de la République chargé de coordonner le Pôle « politique, société civile et syndicats », partage cet enthousiasme. « L’accession du Sénégal à la tête de la Commission de la CEDEAO pour un mandat de quatre ans, après 50 ans de présence, est un succès diplomatique et politique majeur, soulignant ainsi le retour du pays au cœur du pouvoir décisionnel régional », affirme le membre du Bureau politique de Pastef.
Un contexte régional explosif
Cette présidence intervient à un moment critique pour l’organisation sous-régionale. En janvier 2025, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont officialisé leur retrait de la CEDEAO pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), créant une fracture sans précédent au sein de l’espace ouest-africain.
Face à cette fragmentation, le Sénégal hérite d’un défi de taille : maintenir la cohésion régionale tout en tentant de reconstruire les ponts avec les pays dissidents. « Cette présidence arrive à point nommé pour repositionner la CEDEAO comme un espace de dialogue inclusif, plutôt que de confrontation », estime Bakary Sambe.
Les recettes de la diplomatie sénégalaise
Pour réussir ce mandat complexe, le chercheur préconise de s’appuyer sur les orientations cardinales de la diplomatie sénégalaise : la modération, la recherche de solutions pacifiques et le dialogue inclusif. « Ces principes, ancrés dans la tradition sénégalaise depuis l’ère Senghor et qui pourraient être renforcés par le leadership jeune et dynamique du président Faye, positionnent Dakar comme un médiateur légitime capable de transcender les clivages », explique-t-il.
Le spécialiste recommande une approche pragmatique fondée sur la dépolitisation des enjeux sécuritaires. « Le Sénégal devrait prioriser une approche pragmatique et dépolitisée des enjeux sécuritaires en découplant les questions militaires des différends diplomatiques », précise-t-il.
Concrètement, Bakary Sambe propose d’initier, dès le premier semestre 2026, « des canaux techniques exclusifs entre les états-majors de la région pour le partage de renseignements et les opérations transfrontalières, inspirés des modèles réussis ». Une stratégie qui permettrait de maintenir la coopération sécuritaire malgré les tensions politiques, alors que la menace terroriste continue de peser lourdement sur le Sahel.
Un test pour la nouvelle génération
« Ce succès n’est pas fortuit, mais la résultante d’efforts diplomatiques intenses déployés par le chef de l’État dès son arrivée à la magistrature suprême pour la stabilité et la prospérité sous-régionale », souligne Aldiouma Sow.
Le président Bassirou Diomaye Faye, élu en 2024, incarne une nouvelle génération de dirigeants africains. Sa présidence de la CEDEAO sera un test grandeur nature de sa capacité à conjuguer innovation et pragmatisme pour naviguer dans les eaux troubles de la géopolitique ouest-africaine.
Les quatre prochaines années diront si le Sénégal parviendra à restaurer l’unité régionale et à redonner à la CEDEAO son rôle central dans la stabilisation de l’Afrique de l’Ouest. Un défi immense, mais que Dakar semble déterminé à relever avec les armes de sa diplomatie traditionnelle : le dialogue, la patience et la modération.
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