(DOCUMENT) LE PROCUREUR GÉNÉRAL LANSANA DIABÉ SIBY AUX CONSEILS DE KHALIFA SALL : « La Cour de Justice de la CEDEAo n’a jamais mis en cause la régularité du mandat de dépôt en dehors de la période visée... »

Que dit le Procureur général Lassana Diabé Siby, dans la note de 10 pages, communiquée aux conseils de Khalifa Sall en guise de réponse à leurs conclusions et dans laquelle il s’oppose à toutes les demandes formulées par la défense ? Révélations exclusives...


C’est dans une note de 10 pages, en date du 16 juillet 2018, adressée à Me François Sarr du collectif des avocats de Khalifa Sall et autres, que le Procureur général, Lassana Diabé Siby, développe ses arguments pour en arriver à la conclusion qu’il « n’y a pas lieu de le libérer et que la demande en sens doit être rejetée ».
En effet, dans ses conclusions, la défense du maire de Dakar invoquant « le bénéfice de l’arrêt du 29 juin 2018 de la Cour de justice de la CEDEAO » exigeaient la libération d’office de leur client qui a été « arbitrairement détenu du 14 août 2017, date de son élection en qualité de député, au 25 novembre 2017, date de levée de son immunité parlementaire, en violation flagrante de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Et que plus décisivement le requérant soutient qu'aucun mandat de dépôt n’a été pris depuis le 25 novembre 2017 justifiant sa présente détention ».
Des sources ayant consulté le document rapportent que le parquet général a répondu : « Il est utile de rappeler qu’après avoir qualifié la détention de M. Khalifa Ababacar Sall pour la période du 14 août 2017 au 25 novembre 2017 arbitraire, la Cour de Justice s’est abstenue d'ordonner sa libération comme elle s’y est pourtant parfois autorisée.
A titre d'exemple, dans l’arrêt Tandja du 8 novembre 2010 cité par la Cour elle-même dans la présente décision invoquée pour faire cesser la détention arbitraire, la Cour de Justice avait ordonné sa libération par l’Etat du Niger. Pour le cas de M. Khalifa Ababacar Sall, la Cour n’a jamais mis en cause la régularité du mandat de dépôt en dehors de la période visée contrairement au cas Tanja précité. M. Khalifa Ababacar Sall a été régulièrement présenté à un juge qui a pris une mesure de privation de liberté à son encontre.
En se déterminant ainsi, la Cour de Justice a énoncé à contrario certes mais de façon non équivoque que la détention du sieur Sall, en dehors de la période incriminée, est tout à fait régulière.
Sur l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la défense de Khalifa Sall, Lassana Diaby ne lâche rien, selon toujours les mêmes interlocuteurs : « En demandant à la Cour d’appel de dire et juger que les dispositions susvisées sont contraires à la Constitution et aux instruments internationaux ratifiés et d’écarter leur application aux prévenus, les requérants ont semblé ignorer les règles qui gouvernent l’exception d’inconstitutionnalité qui implique, si elle est recevable, le sursis à statuer et la saisine du Conseil constitutionnel seul habilité à connaître du fond. Nous concluons par conséquent au rejet de ces exceptions d'inconstitutionnalité soulevées par les requérants ».
Même pour la réparation demandée, le Procureur général est resté sur sa même lancée.
Nos sources indiquent qu’il a écrit aux conseils de Khalifa Sall : « Le droit de la communauté prévoit, au titre de la réparation que l’arrêt rendu peut valoir un titre exécutoire mais il laisse le soin aux états membres de désigner l’autorité compétente pour exécuter l’arrêt. Cette exécution n’est pas, au principal, la préoccupation de notre juridiction. Il y a lieu de rejeter la demande (...)
Par ailleurs, l’arrêt de la Chambre d’accusation sur l’assistance d'un conseil a acquis l’autorité de la chose jugée et cette vérité juridique ne peut et n’a pas été remis en cause par la Cour de Justice de la CEDEAO.
Il n’est pas utile de rappeler l’arrêt du 27 septembre de la Cour de cassation française qui avait précisé que la dénonciation des conditions d’une garde à vue ne saurait être recevables alors que le caractère légal de cette mesure a été définitivement écarté par une décision devenue définitive de la chambre de l’instruction saisie d'une requête en annulation de cette mesure. Elle a affirmé dans obiterdictum qu’elle « n’a pas l’intention...de concurrencer les juridictions nationales sur leur propre terrain qui est celui de l’interprétation des textes nationaux précisément.
De manière plus claire, la Cour a laissé entendre que ‘’lorsqu’elle examine une affaire qui se rapporte à une procédure judiciaire en cours dans un Etat membre ses décisions n’ont pas vocation à interférer avec les décisions que les juridictions nationales seraient amenées à prendre, la Cour ne peut ordonner des mesures dont l’exécution viendrait à fragiliser ou anéantir l’autorité et l’indépendance du juge national dans la conduite des affaires dont il est saisi ».

Bras de fer en perspective

Ces conclusions entre les différents acteurs du procès, qui s’ouvre encore ce matin devant le deuxième chambre de la Cour d’appel sous la présidence du juge Demba Kandji, annoncent un bras de fer. En effet, dans leurs conclusions les avocats de Khalifa Sall estiment eux que ce dernier doit bénéficier d’une libération d’office à défaut, d’une liberté provisoire.
Comme le Procureur général, l’agent judiciaire et les conseils de l’Etat se sont opposés aux requêtes des conseils du maire de Dakar qui comptent batailler ferme ce jour. La balle est dans le camp de Demba Kandji qui, arrêt de la CEDEAO et arguments des différentes parties en main, a tous les éléments pour statuer. Ambiance garantie au Palais de Justice !

Mercredi 18 Juillet 2018




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