Sénégal : quand tout finit dans la violence ! (Blaise Guignane SENE)


Au nom de quoi la violence doit-elle être notre pain quotidien ?

C’est, en effet, un vain mot pour certains mais pas pour d’autres, plus soucieux de ses conséquences sur les populations. C’est un terme aux déhanchements nonchalants mais plus perfides que trompeurs. Pourtant la violence n’est pas l’apanage d’une quelconque culture. Elle n’est point dans les veines des uns et des autres. Elle ne s’hérite point. Elle ne se transmet point. Qu’une folie alors de la rattacher une culture ou à un peuple !
Nous ferions mieux de nous inquiéter à chaque fois que la violence gagne du terrain pour s’incorporer dans nos habitudes sociales. Malheureusement elle semble être le cadet des soucis des autorités qui sont d’ailleurs les garants de la quiétude des populations.
Si nous analysons la situation avec lucidité, nous pourrions relever quelques exemples pour attirer l’attention des uns et des autres sur la dangereuse pente que prend notre chère société.

QUAND L’ESPACE SCOLAIRE ET ACADEMIQUE DEVIENT UNE JUNGLE OU TOUS LES COUPS SONT PERMIS.

Entre agression, menaces et intimidations tout est en place pour transformer l’ordre en désordre, le savoir en sable mouvant et le respect en une architecture arachnéenne qui s’effrite même sous un regard. Des lycées, collèges ou universités ont été le théâtre d’une violence inouïe et inacceptable. Si les jeunes lycéens et collégiens en sont encore à l’étape pubertaire, il n’en est pas de même pour les pensionnaires des universités nationales. Pour celles-là, vous conviendrez qu’il faut une volonté politique ferme de l’Etat pour réguler et assainir la vie estudiantine. Elle est trempée jusqu’au talon dans la politique politicienne et influe péjorativement sur le volet pédagogique qui devrait primer sur tout autre aspect. Il est vrai que les franchises universitaires sont rationnelles et qu’il faille s’y conformer. Il n’en demeure pas moins qu’il faille aussi s’adapter aux défis mondiaux et élaguer toute paille qui empêche l’épanouissement intellectuel, la recherche scientifique. Bref, entre le professeur qui porte dans ses bras le bébé d’une étudiante durant un cours magistral et celui qui arrache le micro d’un professeur, il y a un grand fosset. La violence dans les écoles et les universités a pris des proportions inquiétantes. Nous observons et approuvons involontairement ces actes de défiance envers les éducateurs. Pourtant beaucoup de penseurs ont alerté sur les conséquences d’un esprit non éduqué, non instruit. Nous n’en voulons pour preuve que la superbe phrase de Platon dans La République :
"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie.
 
 QUELLES SOLUTIONS ?

Elles sont nombreuses, variées et adaptables en fonction du contexte. Puisque « éduquer » signifie « conduire vers », il urge de ramener les uns et les autres sur le chemin qu’il faut. Si cela nécessite l’impopularité, les risques sont permis. Mais le Sénégal ne peut plus s’allonger continuellement sur le lit d’une violence gratuite perpétrée dans les structures éducatives qui accueillent les futures élites.
D’abord la place des parents dans l’éducation de leurs enfants est primordiale. Il ne peut en être autrement. Les parents sont appelés à revenir aux principes qui fondent l’éducation de base : le respect de la personne âgée, de son prochain et de la vie humaine, la patience, le savoir-vivre, l’amour propre, la dignité, la solidarité, etc. Ces valeurs étaient inculquées à l’enfant dès le bas-âge. Il grandissait alors avec une éducation solide et la société ne pouvait pas le corrompre. Malheureusement comme le dit Jean-Jacques Rousseau « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt ».
Notre vie sociale joue un rôle déterminant dans l’éducation des personnes, des jeunes en particulier. La violence observée n’est, en réalité, que le fruit d’une fuite de responsabilité de certains parents qui préfèrent le « monde » à leurs progénitures. Quand, de défiance en défiance les jeunes dictent leurs lois dans les écoles et universités, il faut bien se demander comment ces derniers se comportent en famille.

Doit-on en arriver à transférer les sanctions aux parents dont les enfants jouent aux trouble-fêtes ? Cela pourrait peut-être les conscientiser.
S’agissant ensuite des universités, il est important d’arrêter provisoirement les élections de représentations des étudiants pour créer des mesures d’accompagnement idoines et efficaces : créer une vraie police universitaire, sanctionner rigoureusement les fauteurs de troubles et faire du statut d’étudiant une condition sine qua non pour participer à des échéances électorales estudiantines. Ce n’est en rien une surprise si l’on se rend compte de la présence de « non étudiants » dans cet espace. Toute cette batterie de mesures doit être encadrée par des arrêtés officiels voire des interdictions formelles de dérouler toutes activités politiques dans l’espace universitaire. Bien entendu certains diront que l’engagement politique trouve le plus souvent sa source dans l’espace universitaire mais si cela doit nuire à la carrière des pensionnaires des universités, il faut prendre les dispositions nécessaires.
En plus de cela, il faut revoir les systèmes de nominations dans les ministères stratégiques comme celui de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, etc. Elles sont teintées de politique et ces mêmes ministères engloutissent des milliards alors que le résultat escompté ne se pointe jamais.

QUAND LE SENEGAL SOUFFRE A CAUSE DE SES POLITIQUES ET QUAND LE CITOYEN LAMBDA CRAINT POUR SA VIE.
L’appel à violence, parfois ethnique, en politique (l’on se souvient d’un député de la majorité présidentielle qui appelait à violenter par des armes les détracteurs de son mentor), est un précédent dangereux pour notre pays. Les récents et regrettables événements de mars qui nous ont valu plus de dix morts, la présence de nervis dans les rassemblements politiques les ripostes et représailles des citoyens, les brutalités des forces de l’ordre…sont des graines de violence qui peuvent déborder de leur champ. Si des citoyens se permettent de détenir des milices armées, si des politiques défient nos forces de défense et de sécurité en se gavant d’hommes armés, il faut alors se questionner sur la pertinence d’avoir des institutions telles que le ministère de l’intérieur. Le mutisme des autorités sur ces cas est plus édifiant que l’assertion d’une certaine personnalité politique du pouvoir qui met à nu l’incapacité des forces de sécurité à prendre leurs responsabilités. Laxisme des uns et médiocrité des autres, il faut des sentinelles pour assurer le juste milieu…
D’ailleurs nous nous dirigeons vers des élections municipales et tous les appétits sont aiguisés au vu de leur probable impact sur celles présidentielles. On le sait, les campagnes et autres démonstrations politiques sont source de violence : il est donc nécessaire pour le ministère de l’intérieur de désarmer toutes les milices du pays. Il faudrait ensuite réguler le domaine de la sécurité : qui est garde du corps ? Qui est garde rapproché ? Qui est nervi ? Ce volet de la sécurité est en lambeau actuellement. Chacun y va de ses désirs et de ses moyens. Pendant ce temps, les honnêtes citoyens croupissent sous le poids d’une insécurité totale : agressions, viol, vol à l’arraché, meurtres, cambriolages de maisons, d’hôtels, braquages, etc…
Assurer la sécurité des politiques est une chose mais s’assurer que les citoyens sont en sécurité en est une autre. Cette dernière mérite une prise en charge immédiate et constante. En ce sens, un exemple de solution attire notre attention : les descentes inopinées des forces de sécurité dans zones criminogènes du pays. Elles devraient être constantes en cela qu’elles dissuadent et sèment la panique dans le camp des malfaiteurs. Il faut savoir que ces derniers ont une capacité de nuisance extrêmement cruelle puisque détenteurs d’armes, de drogues et autres stupéfiants.
In fine, cette violence multiforme et continuelle est devenue un des jeux favoris de certains citoyens qui n’hésitent pas enfouir leur dignité pour arriver à leurs fins. Entre une jeunesse en carence d’éducation, de considération et une génération adulte inconsciente et égoïste, nous avons au milieu des principes et des résolutions à sauvegarder d’une part et à prendre d’autre part.
 
Blaise Guignane SENE
seneblaise@yahoo.fr
 
 
 
 
 
 
 
Mercredi 23 Juin 2021
Dakar actu




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