Reportage / Transport de masse, le TER contre la pollution et les embouteillages à Dakar.


Ce samedi en début de soirée, contrairement à ses habitudes, Abdou a pris le TER à la gare de Colobane pour rentrer chez lui dans sa banlieue de Yeumbeul. Confortablement installé, il loue le confort mais surtout le temps réduit pour arriver à destination. En effet, le train express régional lancé pour moderniser les transports, est censé mettre fin aux bouchons monstres que connait la capitale sénégalaise. Il doit relier en une vingtaine de minutes les 36 kilomètres séparant Dakar de la ville de Diamniadio, un tronçon sur lequel les usagers perdent habituellement des heures en voiture. Ce transport moderne qui contribue à la réduction du gaz à effet de serre est pris d'assaut après son inauguration par une population qui avait l'habitude de prendre les cars rapides et autres Ndiaga Ndiaye souvent source de pollution de l’air. C’est le sentiment d’Abdou qui aujourd’hui trouve dans le Ter une alternative aux problèmes de pollution et d’embouteillage.

Financé par l’État du Sénégal à hauteur de 780 milliards de francs CFA, le Ter vise à désengorger Dakar. Ce transport de masse qui peut rouler à une vitesse de pointe de 160 km/h, peut transporter 115 000 personnes par jour, de 5 heures à 22 heures, constitue une aubaine et une fierté pour ses utilisateurs.

’Je quitte tous les jours Rufisque à 5h du matin pour venir travailler en ville à la Place de l’Indépendance. Je dépensais en temps, en argent et en énergie pour accéder à mon lieu de travail. J’arrivais souvent fatigué,  avant même de commencer le travail, mais depuis l’inauguration du Ter, je suis peinard », raconte Souleymane qui évolue dans l’assurance.

Le TER, un pan du Plan Sénégal émergent, a un partenaire comme la Banque africaine de développement qui a financé à hauteur de 120 milliards de fcfa. Elle contribue à changer le visage de l’agglomération dakaroise, en incitant à adopter des modes de transport efficaces, non-polluants et accessibles au plus grand nombre. Le Ter va aider à améliorer les conditions de vie des populations, mais aussi l’industrialisation.

Aussi, le Ter vise à désengorger Dakar, qui concentre sur 0,3 % du territoire, le cinquième des 17 millions de Sénégalais et la quasi-totalité des activités économiques du pays. Une des solutions aux embouteillages qui coûtent officiellement 152 millions d’euros par an. Et pourtant ce projet ne fait pas que des heureux…

Le Ter traverse la banlieue dakaroise qui capitalise les populations les plus défavorisées et les plus démunies de Dakar. Et depuis que les travaux avaient commencé, celles qui habitent Route de Boune, Mbed Fass, Comico Yeumbeul, étaient souvent confrontées aux problèmes du transport. Ils parcouraient un long chemin pour rallier l’autre côté ou effectuer le trajet inverse à cause des travaux.

Aujourd’hui si leur calvaire appartient au passé, ce n’est pas le cas pour les populations impactées par le Ter. Selon la Banque africaine de développement , « Le tracé du TER se situe dans les zones des communes dites “de la banlieue de Dakar”, où vivent les populations les plus défavorisées et les plus démunies de la région de Dakar (où) les habitats spontanés (bidonvilles et taudis) sont légion ».

Le lieu indiqué à Thiaroye pour accueillir les expropriés fait état d’un cadre sinistre. Des échoppes inachevées, d’où pendent jusque par terre des fils électriques, occupent une étendue d’herbes sauvages. Ce chantier qui devait être livré depuis avril 2018 devra accueillir à terme plus de 2 000 commerçants déguerpis, nous informe leur porte-parole Ngagne Amar.

Des sites de recasement sont aussi prévus, pour des ménages et des commerçants notamment, mais aucun n’a été aménagé, se plaint toujours Ngagne Amar. Des voix en rogne qui se mêlent à nos échanges pour demander réparation…

Les indemnisations en question…

On dénombre 98,8 % des personnes affectées par le projet qui ont été indemnisées, soit un total de 15 780 personnes physiques et morales. Un statistique avancé à l’AFP par le chargé de la libération des emprises à l’Apix, Yatma Dièye. Plusieurs dizaines de millions de francs CFA decaissé alors par l’État et qui travaille toujours sur le recasement des commerçants et des ménages. Pourtant des personnes impactées par le Ter, en février, « ont porté plainte contre l’État du Sénégal. »

Les expropriés en mode plainte…

Le collectif en conférence de presse a crié haut et fort que le Ter les a appauvris. Un projet qui a produit des "morts-vivants", selon Amina Bayo, une responsable du Collectif des impactés du Ter. « Les expropriés dont certains sont rentrés au village, ont déposé des plaintes à l’Apix. » Ils disent à l’agence publique qui a assuré la maîtrise d’ouvrage du projet, « nous réclamons 50 milliards de francs CFA à l’État pour préjudices causés. Des dégâts causés par des pertes de parcelles d’habitation, de terres agricoles, de bâtiments, d’équipements et de revenus. » 

« Jusqu'à présent nous avons constaté qu'il y a des impactés qui n'ont toujours pas été dédommagés. Mieux encore, les montants alloués à certains impactés ne correspondent pas aux montants arrêtés par les experts. Alors que les victimes continuent de souffrir, sous le silence complice du gouvernement sénégalais », déclare Fatou Dione, la coordinatrice des impactés du Ter dans le département de Dakar.

Pour l’heure dans cette première phase d’exploitation, l’entrée en service du Ter reste modeste, mais le jeu en vaut la chandelle pour ceux qui le testent comme Abdou. Le résultat dépasse son attente. Il profitent des rames ultramodernes, silencieuses et confortables du Ter qui le mène à bon port vers sa destination de Yeumbeul...
Dimanche 15 Mai 2022




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