Reportage : Le dur labeur des ressortissants sénégalais à Rome (Italie)


Des battisses impressionnantes, des édifices antiques, c'est ainsi qu'on reconnaît la ville touristique de Rome; sous l’égide de l'Organisation internationale pour les Migrations et la Charte de Rome, la capitale de l'Italie a reçu du 09 au 15 février des journalistes du Nigeria, de la Tunisie, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal venus s’enquérir du traitement de la migration par la presse italienne. Un séjour que nous avons mis à profit pour aller à la rencontre des ressortissants sénégalais.
Troisième économie de la zone euro, l’Italie est l'une des destinations des migrants d'origine sénégalaise. Tous les moyens étaient bons pour y entrer. Les uns privilégiaient la voie aérienne tandis que les autres bravaient les dangers de la mer pour fouler le sol de ce pays de l’espace Schengen inatteignable ces dernieres années.
Fallou Faye est originaire de Diourbel. Il y a 14 ans, il a tenté l’aventure. Trouvé près de la Gare-termini de Rome, précisément rue Gioberti, ce ressortissant sénégalais profite des petites minutes de répit que lui donne les carabinieri pour écouler quelques bonnets qu’il cède à 3 euros pièces (2000 CFA) aux passants en cette période de froid. De ce commerce de rue, il vit et fait vivre.
Les sénégalais représentent la 13e communauté étrangère dans ce pays de l’Union européenne avec un total de 110 242 ressortissants, selon l’institut italien des statiques (Istat). La majorité est concentrée en Lombardie où on compte 33 983 Sénégalais. Ils sont 3 114 à Rome qui est la capitale régionale du Lathium.
Nous croisons l’un d’eux à la Fontana di Treivi (la fontaine de Trevi). Cette place mythique plantée au cœur de la capitale italienne est le lieu d’affluence de milliers de personnes par jour. La légende veut qu’elle exauce les vœux de ses visiteurs à la recherche de l’amour. Il suffit de tourner le dos à la Fontaine et de jeter quelques pièces. Ce qui fait de ce haut lieu du tourisme italien une cible de choix pour les vendeurs à la sauvette d’origine sénégalaise. Une dizaine de bracelets accrochés aux doigts, il opte pour l’offensive. Tel un professionnel de la vente, il accroche ces deux potentiels acheteurs et parvient à vendre deux bracelets pour 10 euros, soit 7000 francs CFA.
Après deux échecs, il est arrivé en Italie en 2017 par pirogue. Comme des milliers d’Africains, il a vécu l’enfer libyen dont il ne veut même pas se souvenir. 
Le modou-modou qui a accepté de parler à condition que son visage soit caché, est d’autant plus amer qu’il réalise que l’Europe n’est pas le paradis terrestre pour migrant sans papier et sans qualification. Les temps sont durs, renchérit Fallou Faye
Si les choses étaient déjà difficiles, le bref passage de l’Extrême droite au pouvoir n’a pas contribué à les rendre plus faciles. Les conditions d’entrée  en Italie ont été durcies par les politiques anti migratoires de l’ancien vice président du Conseil et ministre de l’Intérieur Matteo Salvini. En 2017, les arrivées étaient de l’ordre de 119 369 selon la Charte de Rome, une association de journalistes italiens luttant contre la désinformation sur la migration, en 2018 elles ont chuté à 23 370 toutes origines confondues. Au 31 décembre 2019, elles étaient à 11 471. C’est à peine si l’Italie n’a pas fermé ses portes aux migrants. 
Le Porte parole du bureau de l’OIM Italie chargé de la Méditerranée, Flavio Di Giacomo l’explique en partie par les difficultés qu’éprouvent les migrants pour quitter la Libye.
Le nouveau gouvernement veut redorer l’image de l’Italie. La nouvelle ministre de l’Intérieur a présenté un nouveau projet au gouvernement pour casser les fameux décrets sécurité qui consistait sous Salvini à abolir la protection humanitaire apportée aux demandeurs d’asile, à frapper d’amende les bateaux de sauvetage et à menacer de prison les capitaines de navire récalcitrants. Pour ceux qui sont en situation irrégulière en Italie, le bout du tunnel est hypothétique. Les patrouilles de la police étant régulières, ils suffit d’une minute d’inattention pour se faire arrêter. Avec la police, c’est au chat et à la souris.
Ce sort, il ne le souhaite à personne. À ceux qui veulent venir et qui remplissent les conditions, il leur balise la voie. Quant aux autres, il leur conseille de rester au Sénégal.
Pour Fallou Faye, investir dans leur pays d’origine est la meilleure option qui s’offre aux candidats à la migration irrégulière.
Même son de cloche chez cette sénégalaise arrivée en Italie en 2007. Elle décourage les aspirants qui seraient dans la possibilité de démarrer une activité stable au Sénégal.
Établi à Rome depuis 18 ans, c’est aux autorités sénégalaises que Cheikh Ngom s’adresse. Il leur demande de faire des efforts pour baisser le coût des denrées de première nécessité et de l'électricité.
Cet appel, son compatriote Fallou Faye le reprend mais c’est pour demander un allègement des conditions d’entrée des véhicules en provenance d’Europe.
Une demande légitime de ces fils éloignés du pays dont le rêve de revenir se heurte souvent à la persistance des raisons qui les ont décidés à prendre le large…
Mercredi 4 Mars 2020




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