Procès de l’attentat de l’hôtel Radisson Blu à Bamako : Satisfactions et regrets de l’avocat de la famille de la victime sénégalaise.

Ouvert le mardi 27 octobre à Bamako, le procès qui se voulait historique, des attentats commis par les Groupes armés djihadistes Almourabitoune et Aqmi dans la capitale malienne entre mars et novembre 2015, a connu son épilogue le mercredi 28 octobre. Du moins la première manche.


La cour d’assises antiterroriste a rendu son verdict en condamnant les accusés Fawaz Ould Ahmed, Saadou Chaka et Abdoulbaki Maiga à la peine capitale. Ils ont été reconnus coupable des faits à eux reprochés, à savoir associations de malfaiteurs, assassinat, blessures volontaires, détention d’armes et d’explosifs en lien avec une entreprise terroriste et financement du terrorisme. Une issue qui adhère aux attentes des parties civiles.

 

Les satisfactions et les regrets d’une robe noire

 

Avocat de la famille de la victime sénégalaise de l’attaque du Radisson Blu dont le superviseur n’est personne d’autre que le mauritanien Fawaz Ould Ahmed, Me Alassane Diop fait savoir que « c’est une grande victoire pour la justice malienne ». « Une victoire de la stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme définie en assemblée générale par les États membres des Nations Unies en septembre 2006, une victoire de la lumière sur les ténèbres du terrorisme », ajoute la robe noire constituée par la famille Sall dans ce dossier. Pour lui, « les auteurs ont été retrouvés, traduits en justice et condamnés à la peine capitale. On ne peut raisonnablement demander mieux ». 

 

La satisfaction de l’avocat qui s’est confié à Dakaractu au lendemain du verdict est d’autant plus grande que « Fawaz a regretté et présenté ses excuses aux familles maliennes et aux musulmans touchés par ces attaques, démontrant ainsi que même le terroriste peut avoir un cœur».

 

La seule tache noire, selon Me Diop du cabinet Diop et Associés, c’est l’absence de « commisération pour les victimes occidentales ». « Il (Fawaz) a affirmé continuer avec la guerre sainte tant que les occidentaux continuent avec les caricatures », ce que regrette la robe noire qui trouve ce discours « inquiétant ». 

 

Pour lui, « un accusé qui hiérarchise les vies humaines est dangereux pour la société humaine tout entière. Il regrette le crime pour certains et se dit prêt à en commettre d’autres pour telle ou telle raison doit nous interpeller collectivement sur notre façon de concevoir le vivre ensemble dans un avenir proche et lointain ».

 

Dommages et intérêts reportés

 

S’agissant des dommages et intérêts réclamés par la famille sénégalaise, l’avocat précise que son heure n’est pas encore arrivée. « Pour le moment, la cour d’assise a rendu un verdict uniquement sur l’action pénale. Concernant les dommages intérêts, il y a plusieurs victimes de plusieurs nationalités. Moi mon dossier est au complet. J’ai obtenu de la famille Sall tous les documents nécessaires au dossier, notamment le jugement d’hérédité, les procurations et mandats, les certificats de travail et bulletins de salaire pour l’évaluation du préjudice. Mais pour la plupart des victimes Maliennes et d’autres nationalités, les dossiers n’étaient pas prêts, certains n’avaient même pas d’avocats. En outre, certaines victimes ont pensé que tous les terroristes (plus de 200) avaient été libérés et ne se sont même pas présentés à l’audience. Alors la Cour a jugé nécessaire de renvoyer sa décision sur les intérêts civils à la prochaine session de la cour d’assises en 2021 pour permettre au collectif des victimes de produire ensemble les justificatifs pour se prononcer », renseigne Me Alassane Diop.

 

En séjour à Bamako, Assane Sall qui travaillait à Vivo Energy comme Directeur Commercial a été exécuté par les terroristes alors qu’il revenait de la prière de l’aube, selon un récit de son père paru dans l’Observateur.

 

Libération de prisonniers djihadistes par Bamako

 

Le procès s’est tenu dans un contexte 

particulier et nombreux sont ceux qui croyaient que le principal suspect, Fawaz Ould Ahmed ne se présenterait pas. Des informations le mettaient dans le lot des djihadistes libérés par Bamako en échange de l’homme politique Soumaila Cissé, de l’humanitaire française et de deux ressortissants italiens pris en otage par le groupe de Soutien à l’Islam et aux musulmans –GSIM affilié à AQMI. Me Diop révèle que les américains et les Israéliens se sont opposés à la libération de Fawaz dit Ibrahim 10. Un citoyen américain et un Israélien en plus de 12 autres étrangers ont été tués dans l’attaque de l’hôtel Radisson Blu.

 

Si Fawaz et Saadou Chaka n’ont pas été libérés, ce n’est pas le cas pour le troisième larron, Abdoulbaki Maiga. Son nom figure sur la liste soumise par le GSIM aux autorités maliennes et tout porte à croire qu’il a été extrait des cellules de la DGSE maliennes et remis aux djihadistes. « Quand un criminel aussi dangereux est ainsi soustrait à la justice sans le consentement des parties civiles. Il y a 2 poids, 2 mesures. Ce serait la version contemporaine du dicton de Jean de la fontaine : quand on est terroristes et détenteurs d’otages, tu seras jugé ou pas du tout », commente Me Diop. Il se résigne du fait que « l’échange de prisonniers fait partie des pratiques des États, même au plan international ». 

 

« Les motivation qui les sous-tendent sont saines. Il faut sauver les innocents, Voltaire l’a dit dans une longue tirade lors du procès de la Calas, il vaut mieux 100 coupables dehors qu’un seul innocent injustement détenu », excuse-t-il.

 

Cependant, le conseil de la famille Sall met l’Etat devant ses responsabilités. « À partir du moment où l’État, sujet de droit, fait échec à la mise en œuvre de la loi qu’il a lui-même sécrétée, il doit faire face à ses obligations et indemniser toutes les victimes. N’oublions pas, l’État a déjà payé des milliards aux terroristes à titre de rançon en plus des échanges de prisonniers. Alors qu’on applique la même solidarité aux vraies victimes de cette tragédie », exige-t-il.

 

Jeudi 29 Octobre 2020




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