Parcours d’un explorateur des temps modernes, du prestigieux Prytanée militaire de Saint-Louis au plus haut sommet d’Afrique, le Kilimandjaro ! (Entretien avec Mohamed Tounkara)


Parcours d’un explorateur des temps modernes, du prestigieux Prytanée militaire de Saint-Louis au plus haut sommet d’Afrique, le Kilimandjaro ! (Entretien avec Mohamed Tounkara)
À 31 ans, le parcours de Mohamed Tounkara est loin d’être anodin. Pour cet ambassadeur du pays de la Teranga qui se plaît à hisser le drapeau national sur les plus hauts sommets du monde, dont récemment le Kilimandjaro (5895m), chaque jour est un défi. Il faut dire que l’ancien enfant de troupe du Prytanée militaire de Saint-Louis a toujours eu une âme d’explorateur doublé d’un “Jambar.” Son diplôme d’ingénieur informatique en poche, le natif de Guédiawaye qui vit désormais en France, est pourtant devenu un redoutable alpiniste qui brave les dangers de la montagne, le drapeau vert, jaune et rouge en bandoulière. Dans cet entretien accordé à dakaractu, quelques jours après avoir réussi l’ascension du plus haut sommet d’Afrique, le Kilimandjaro (après le Mont Blanc), Rassoul évoque ses rêves, ambitions, son cursus tout espérant plus de soutien de l’Etat du Sénégal.

En tant que sénégalais, vous venez de gravir le Kilimandjaro (5895m) la plus haute montagne d’Afrique, est-ce que vous réalisez la portée de cet exploit ? 

Je réalise que c’est un défi sportif qui demande d’énormes potentialités physiques et mentales. Il est également très «challengeant» et représentatif. Car ce n’est pas tous les jours que le drapeau sénégalais flotte sur le toit de l’Afrique, brandi par un sénégalais.

 Quelle a été votre première pensée une fois au sommet ? 

 J’ai eu un sentiment de plénitude, de satisfaction et de soulagement. Après six heures de marche en altitude avec des températures qui descendent à -15 degré. Ensuite, j’ai pensé à moi, quand j’avais huit (8) ans, à cet enfant qui voulait gravir le Kilimandjaro un jour, motivé par les récits d’aventure de son papa, et là j’ai eu un sentiment de fierté.

Parcours d’un explorateur des temps modernes, du prestigieux Prytanée militaire de Saint-Louis au plus haut sommet d’Afrique, le Kilimandjaro ! (Entretien avec Mohamed Tounkara)
C’était important pour vous de hisser le drapeau sénégalais sur le toit de l’Afrique ? 

Oui, c’était très important. Le Sénégal m’a vu naître et a beaucoup investi sur ma formation avec surtout un passage au Prytanée militaire de Saint-Louis, pour que je devienne ce que je suis aujourd’hui. C’est avec une profonde détermination que je compte brandir le drapeau sénégalais sur les plus hauts sommets de tous les continents et dans des endroits très insolites de la planète. Il est important que le Sénégal soit représenté dans les sports et pratiques qui étaient jusque-là réservés à l’élite occidentale.

 Combien de jours cela vous a pris au total…

 Cela nous a pris six jours avec l’équipe pour terminer l’expédition, ce qui a rendu l’ascension beaucoup plus dure, car en général les gens le font en sept (7) jours.

Avant même la préparation physique, comment faites-vous pour vous préparer mentalement ? 

En montagne c’est le mental qui est le plus important même si la force physique est aussi très importante. On est très souvent exposé au danger de mort, à des blessures graves. Dans certaines situations on est obligé d’avancer et c’est à ce moment que le mental intervient. Quand on a épuisé toutes nos énergies et qu’il nous en faut encore pour avancer, c’est là que l’on met vraiment notre mental à l’épreuve. Pour me préparer mentalement, je fais beaucoup de séances de méditation consciente, je fais aussi de la visualisation ce qui m’aide énormément. Je fais aussi de la prière, car je remets tout ce que je ne contrôle pas, entre les mains de Dieu…

La montagne c’est un faible taux d’oxygène, le froid entre autres rigueur climatiques… Comment faites-vous pour vous acclimater avant votre trek ? 

Avant de partir en expédition j’ai toujours une alimentation spéciale pour prendre du bon gras afin de me protéger du froid et avoir des réserves énergétiques. Je fais aussi une « pré acclimatation » en utilisant une machine d’hypoxie qui me permet de m'entraîner à de très hautes altitudes tout en restant dans mon appartement. Cela me permet de développer assez de globules rouges et ne pas souffrir du mal de montagne. »

On a du mal à imaginer un natif de Saint-Louis, (ville de pêcheurs) être aussi à l’aise sur les montagnes… D’où vient cette passion pour l’alpinisme ? 

Précision! je ne suis pas né à Dakar mais à Guédiawaye, sur les dunes de Guédiawaye (rires.) Comme j’ai l’habitude de dire, cette passion vient de mon trait de caractère consistant à toujours vouloir me surpasser, de sortir des sentiers battus pour aller vers l’inconnu. Depuis tout petit, j’ai toujours été comme ça. Maintenant quand j’ai commencé à fréquenter des montagnes pour la première fois avec du ski, vraiment ils m’ont fasciné, j’étais subjugué par leur beauté. Finalement descendre les pistes en ski ne me suffisait plus, je me suis lancé dans les expéditions…

Vous êtes un enfant de troupe, un produit du Prytanée militaire de Saint-Louis mais il paraît que vous avez une formation de « commando » ? 

Je n’ai pas été dans le corps des commandos, mais j’ai reçu une formation militaire au Prytanée militaire de Saint-Louis qui a semé la graine de l’aventurier en moi. On y faisait plein de choses insolites pour les enfants que nous étions : sauter au parachute, des exercices de tirs, savoir se repérer en forêt etc pratiquement tout ce que les militaires font.

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Est-ce à dire que Rassoul aime le danger et les gros défis…

Disons que j’aime le dépassement de soi, mais pas forcément le danger. Je n’aime pas l’inactivité, aussi bien physique qu'intellectuelle. Étant ingénieur informaticien, je cherche toujours à faire de nouvelles certifications pour être plus performant dans mon travail. Je n’aime pas du tout rester dans l’acquis, et cela se ressent dans mon quotidien. Comme j’ai l’habitude de le dire, c'est l’eau stagnante qui pourrie. 

Votre famille vous soutient-elle dans cette aventure ?

Mon père et ma mère sont de tout cœur avec moi ainsi que mes frères et sœurs. Sans leur soutien les choses seraient beaucoup plus compliquées. J’ai vraiment de la chance sur ce plan.

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On entend pas mal d’anecdotes sur les montagnes, avez-vous déjà été victime d’une mystérieuse apparition ou quelque chose du genre ? 

Non pas vraiment ! pour moi il n’y pas sur la montagne ce qu’il n’y a pas dans la vallée. Dans les années 1800, en France il y avait des légendes comme quoi il y avait des dragons et de génies sur le Mont Blanc. J’ai été sommet du Mont Blanc et je n’ai rien vu de tel… 

Vous êtes ingénieur informaticien de formation, est-ce que votre emploi vous permet de vous préparer correctement (Voyages, hébergement, nourriture, prise en charge médicale) ? 

Oui mon emploi pour le moment, me permet d’assurer le minimum. Mais il faut dire que les expéditions sont parfois très coûteuses et demandent beaucoup de moyens. 

Sans sponsors ni soutien les étapes suivantes ne risquent-elles d’être compliquées ? 

J’ai des projets très ambitieux pour moi et pour mon pays le Sénégal. Cela nécessite des investissements lourds. Donc sans sponsors ni appui de l’Etat, effectivement cela risque d’être un peu plus compliqué à réaliser. C’est pour cela que je lance un appel à tous ceux qui veulent et sont dans les dispositions pour m’accompagner sur mes prochaines expéditions. 

Si vous pouviez rencontrer le Président Macky Sall ou le ministre des sports, quelles seraient vos doléances ? 

Ce serait surtout d’avoir un soutien moral et financier afin que je puisse mener à bien les projets que j’ai pour le sénégalais. 

Au-delà de gravir les plus hauts du monde, c’est quoi le rêve ultime de Rassoul ? 

Avant d’être un explorateur, je suis aussi papa d’une magnifique petite fille (rires) qui m’a entraînée dans la plus grande aventure de ma vie. Mon rêve ultime c’est de la voir grandir et devenir une femme accomplie et heureuse ! 

Rendez-vous sur quel sommet ? 

 Rendez-vous dans l’Himalaya au mois de septembre prochain. Au sommet du «Manaslu» qui est l’un des toits du monde, culminant à 8167 mètres d’altitude. Ce sera une expédition qui va durer deux mois…

Samedi 25 Février 2023




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