PORTRAIT / Madia Diop Sané, un activiste en émergence qui s’impose à Ziguinchor.

Pourtant, il est dans l’échiquier de l’activisme citoyen au service de la population depuis 2011. Mais son nom a émergé depuis son implication dans le dossier du litige foncier de la commune de Niaguiss qui a réveillé la colère des populations des villages de Mandina Mancagne, Kantène. Mais il s’est investi avec hargne en mettant sa vie en jeu dans l’activisme. Un jeune qui n’est pas sorti du néant. Son nom, Madia Diop Sané qui a pour homonyme le grand défenseur des droits des travailleurs, le syndicaliste Madia Diop. Le syndicalisme dans le sang, l’activisme en bandoulière, Madia est devenu incontournable dans la lutte des populations qui réclament pour certains leur identité, pour d’autres leurs biens... Dakaractu fait le portrait de cet homme engagé, pionnier de l’activisme à Ziguinchor alors que rien ne présageait un succès retentissant dans la mission qu’il s’est assignée avec des potes.


Enfant terrible et élève têtu et leader,

 

Né le 18 septembre 1982 à Ziguinchor, Madia Diop Sané, selon son compagnon de fortune, Simon Pierre Diédhiou, était un enfant bagarreur, terrible et très têtu, qui ne se laissait jamais dominer. Il a aussi eu une enfance gâtée car son père tenait beaucoup à lui. Laborantin et grand ami au SG de la CNTS, son père feu Lamine Sané lui a donné le nom de son grand ami Madia Diop de la CNTS. Se rappelant du temps de l’école élémentaire, son compagnon de lutte au sein de la structure « Vision Citoyenne » se souvient. « Je me rappelle aussi qu'à l'école primaire précisément en classe de CM2, il fut l'acteur principal de la troupe théâtrale, il ne craignait pas le public. Il était dans toutes les sauces. » Il a fréquenté l’école primaire Daouda Sané à Ziguinchor. Il a fréquenté le collège d’enseignement moyen technique (CEMT) Amilcar Cabral de Ziguinchor. Mais il a décroché son Bfem au collège Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké de Diourbel.

 

Quand il montait à l'écran, les professeurs et l'administration ne pouvaient  s'empêcher de louer son éloquence

 

C’est en 2007 que l’enfant chéri de son père, homonyme du syndicaliste, décroche son premier sésame universitaire en série L2 en 2007 alors qu’il était élève au Lycée privé d’Excellence Saint Charles Lwanga de Ziguinchor. Il se voit orienté au département de philosophie à l’Ucad et au même moment au département de Sociologie à Ziguinchor. Mais Madia a choisi l’université Assane Seck de Ziguinchor pour poursuivre ses études universitaires au département de Sociologie. Dans le temple du savoir, il s’est imposé pour représenter ses camarades dans le mouvement syndical. Il a été de toutes les luttes dans ce nouveau centre universitaire régional (CUR) devenu université après de longue lutte dont il était l’un des acteurs principaux avec Ibrahima Baldé (Brems, NDLR) devenu politicien membre de l’UCS d'Abdoulaye Baldé.

 

Il a côtoyé l’homme jusqu’à l’université. Simon raconte le militantisme universitaire de son frère. « Madia s'est illustré dès sa première année à la fac (première génération de Sociologie) de par son éloquence, sa rigueur, son sang-froid, son courage, sa disponibilité. Il était délégué de sa classe et Président de l'amicale de l'Ufr des Sciences Economiques et Sociales qui était la plus grande Ufr de l'université. D'ailleurs c’est de là qu'est né son syndicalisme, il fut un leader étudiant incontestable qui avait toutes les qualités si on peut le dire ainsi. Je me rappelle encore quand il montait à l'écran pour parler, les professeurs et l'administration ne pouvaient  s'empêcher une certaine curiosité. Il attirait l'attention, très respecté… Il galvanise les élèves aussi bien que les étudiants quand on descendait au front, si bien d’ailleurs, qu'il arrivait à regrouper tout le monde autour de l'essentiel », raconte encore Simon au bout du fil.

 

Il a goûté à la prison en 2009 étant étudiant

 

Comme tout syndicaliste très engagé, Madia faisait partie de ces syndicalistes mis en prison en 2009. « Nous avons fait de la prison en 2009 à cause de notre engagement estudiantin et en ces temps nous faisions la une des médias locaux et nationaux avec ce terme "Madia Diop et compagnie. Bref Madia et ses amis se sont beaucoup investis pour cette jeune institution, autant de sacrifices vraiment », se souvient Simon qui ajoute qu’ « il parle avec éloquence et fougue selon la teneur du dossier qu'il défend. Il est un champion, un vrai leader et un vainqueur. Pour improviser, il est un champion. Il a mené plusieurs combats : dans la paix,  le problème de l'hôpital régional, des actions citoyennes à Ziguinchor avec des 'set-setal' et d'autres en cours dans la médiation du foncière », cite notre interlocuteur.

 

Rigoureux, exigeant, taquin, réfractaire  à l’injustice,

 

La licence en Socio en poche, il a mûri l’envie de servir la population dans un activisme radical, intelligent et citoyen. Il a un « caractère rigoureux et d'homme exigeant ». Il est aussi « très taquin car il aime faire rire les gens », avec un « tempérament nerveux face à l'injustice. » « Madia s'est investi dans l'activisme pour être la voix des sans voix. La franchise est naturelle chez lui. Cet engagement reste consubstantiel à sa nature humaine, car il aime dire la vérité. Je crois qu'il mourra défenseur des hommes », nous confie Simon.

 

 « Vision Citoyenne » pour la défense et la restauration de la dignité humaine

 

Ayant le syndicalisme dans le sang après le passage à l’université, il met en place avec des amis comme Simon Pierre Diédhiou, la plateforme de lutte « Vision Citoyenne » à Ziguinchor en 2011 qui sera reconnue administrativement en octobre 2012. Les raisons de la mise en place sont entre autres : « constatant ces nombreuses injustices, cette crise Casamançaise et aussi ces hommes et femmes qui souffrent en silence, nous avons décidé de nous lancer pour la défense et la restauration de la dignité humaine. En Casamance, personne ne parlait et nous nous sommes décidés à mettre fin à cela. Les seules voix qu’on pouvait entendre étaient celles des politiques », explique Simon Pierre Diédhiou. 

 

Militant de la justice, de la démocratie, de l'équité sociale, de l'équilibre social, il a mis en place « Vision Citoyenne » après une très longue réflexion avec ses amis de fortune. « On a commencé d'abord dans nos familles, puis nos proches et des rencontres dans le quartier. Nous avions sollicité des audiences auprès des responsables religieux, coutumiers et certaines autorités surtout locales », explique Simon. C’est après la bénédiction reçue, qu'ils ont appelé une très grande rencontre au quartier puis au lycée Djignabo Bassène de Ziguinchor. Une mobilisation très importante qui a vu la participation de plusieurs jeunes. 

 

« Nous avions fait une évaluation de tout cela avant que nous commencions les démarches administratives pour avoir une reconnaissance juridique sous le format d'association car le format de mouvement n'est pas trop connu. Mais nous sommes un mouvement de jeunes révolutionnaires qui croient qu'un autre Sénégal est possible, une autre Afrique est possible.  »

 

À l’image de « Y’en à marre », « Frapp France dégage », … « Vision Citoyenne bien qu'étant à Ziguinchor, loin de la capitale sénégalaise, a comme credo « l'unité notre raison, l'emploi notre souci, le développement notre affaire. » Sa mission principale est la contestation, la conscientisation, la dénonciation, le social et l'éveil de conscience.

 

Le professeur de philosophie est sur plusieurs fronts de lutte. Présentement, c’est la question du litige foncier dans la commune de Niaguiss qui polarise l'attention de l’activiste. Les populations des villages de Kantène et de Mandina Mancagne luttent contre un lotissement effectué par la mairie…

Dimanche 16 Mai 2021




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