NINÉFÉCHA / D'un hôpital de Niveau 1 à un poste de santé : Incursion au cœur d’un crime social.


Pour atteindre le village de Ninéfécha depuis Kédougou, chef-lieu de la région du même nom, il faut compter une heure de piste. Là, au beau milieu de la région, coincé entre les montagnes, se trouve Ninéfécha. Au centre du village, se trouve comme un nid d’oiseau au cœur d’une montagne, un hôpital, une école, un internat (et des champs de maraîchage). Le tout a été financé à hauteur de 600 millions de francs cfa (914 000 euros) en 2000 par le Conseil Général des Hauts-de-Seine, et a été réalisé deux ans plus tard sous la houlette de la fondation humanitaire de l’ex-Première dame sénégalaise Viviane Wade. Il sera inauguré le 06 Novembre 2006 par le Président Wade et M. Charles Pasqua, Président du conseil Général des Hauts de Seine qui en avait fait Don à la Fondation Agir pour l’Education et la Santé, de l’Ex-première dame.
L’hôpital de niveau 1 de Ninéfécha, établissement de santé privé à but non lucratif, doit alors couvrir un bassin de population de 30 000 personnes, comprenant, outre Ninéfécha, les trois villes de la région : Kédougou, Salémata et Saraya. Mais dès sa mise en service il recevait  aussi des patients venus de la sous-région et même de l’intérieur du pays.  Les soins qui y sont prodigués doivent  aussi faire baisser le taux de mortalité infantile et éviter le transfert systématique des malades les plus graves vers l’hôpital de Tambacounda, à 270 kilomètres vers la côte ouest.
Les nouveaux partenaires n’ont pas lésiné sur les moyens : l’hôpital de Ninéfécha dispose, dans deux bâtiments, d’une maternité, d’un bloc de chirurgie, d’une salle de radiographie et d’échographie, d’un laboratoire médical, de bureaux de consultation en médecine générale et gynécologie-obstétrique, et d’un 4X4-ambulance. Après la victoire de Macky Sall sur Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de mars 2012, Viviane Wade avait fait savoir que sa fondation,  ne paierait plus le personnel en charge de la restauration des élèves, de la surveillance des bâtiments et du nettoyage et en avait fait Don au Ministère de la Santé. La gestion de l’Hôpital de  Ninéfécha, a été transmise à la ministre sénégalaise de la santé,  Eva Marie Coll Seck. Celle-ci aurait donné instruction à ses conseillers de trouver des solutions pour assurer la pérennité des soins.
Devenu poste de Santé en 2014, Il n’y a pas âme qui vive dans la structure sanitaire. Aux salutations, répondent les crissements de feuilles mortes malmenées par le vent capricieux qui souffle sur l’allée principale de l’hôpital. Un son sinistre qui, au lieu de donner un semblant de vie, accentue davantage la vacuité des lieux.  À ce vide s’ajoute un état de délabrement avancé.
Une mort qui n’épargne aucune unité de l’établissement. Si de l’extérieur, les bâtisses ont encore fière allure, l’état des espaces verts jonchés de feuilles mortes et de débris de toutes sortes donne un aperçu de ce que doit être l’intérieur. Ce qui était jadis la salle de radiologie a des allures de dépotoir.
Sous une épaisse couche de poussière, des cartons contenant des dossiers, ainsi que des restes de médicaments sont éparpillés çà et là à travers la pièce. Ils sont empilés par terre, sur des étagères branlantes, et même sur une chaise roulante.
Dans quelques pièces, la peinture se détache en lambeaux, sous l’effet de l’humidité. L’unité néo-natale n’est pas mieux lotie, même si tout le matériel est encore en place. Cela donne un aperçu sur ce qu’était cette unité, à l’époque où l’hôpital marchait. Malgré la poussière et la moisissure visibles partout, ainsi que les toiles d’araignée, l’espace garde encore une certaine netteté. Sur une petite table, juste à l’entrée, le matériel nécessaire pour un accouchement est posé sur un petit plateau en nickel piqueté de taches de rouille. La table d’accouchement est entourée d’un petit paravent dont les tissus en lin, comme par miracle, gardent encore une certaine blancheur. Une odeur d’humidité flotte dans l’air chargé de poussière. Plus on avance dans un couloir sombre, plus elle s’accentue. Elle émane de la salle d’opération.
Un peu plus loin, dans un coin de la cour, une dizaine de  voitures composent le parc automobile. Elles sont en mauvais état. Les quelques touffes d’herbes sous leurs pneus indiquent qu’elles n’ont pas été utilisées depuis fort longtemps.
Il n’y a pas de doute. Ninéfécha est bien mort. L’ancienne ministre de la Santé et de l’Action sociale (2012-2017), avait pourtant juré en 2012, la main sur le cœur, que l'État du Sénégal allait prendre en charge l’hôpital. Jusqu’ici rien n’est fait. Ninéfécha est laissé à lui-même. Plus les années passent, plus l’espoir d’une prochaine réouverture s’amenuise. Aux habitants de Ninéfécha, il ne reste plus que des souvenirs de la belle époque. Une parenthèse de 10 ans qui s’est arrêtée avec la chute de l’ancien président Abdoulaye Wade en 2012.
C’est dommage !
 
 
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Jeudi 29 Novembre 2018




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