Licence (CAF-UEFA) : Entre déséquilibre et absence de réciprocité, une équation à résoudre par la CAF…


Depuis quelque temps, la Confédération Africaine de Football (CAF) cherche à révolutionner le monde du football africain. Et pour ce faire, elle va désormais vers un changement à travers la formation des entraîneurs et des préparateurs physiques.
En ce sens, l’instance dirigeante du football continental exige depuis un certain temps, la licence CAF A pour entraîner dans les divers championnats interclubs.

Ainsi, pour le Directeur du Développement de la CAF, Raul Chipenda, « Il s'agit d’élever le niveau des entraîneurs locaux afin qu’ils assurent des entraînements de meilleure qualité pour les clubs africains. Cette mesure devrait privilégier le choix des entraîneurs qualifiés pour assumer des responsabilités. Les présidents des clubs auront plus confiance en eux et il sera plus évident d’engager un technicien local plutôt que d’aller en chercher ailleurs » a-t-il déclaré sur le site officiel de la CAF. 

 

Néanmoins, cette mesure a tout de même connu des incompréhensions dans l’exécution du projet. Un manque de reconnaissance de certains diplômes africains restant le défi majeur à relever pour la confédération africaine de football. Malgré tout, beaucoup de journalistes sportifs, consultants ainsi que des nombreux entraîneurs, estiment tout de même, que cette mesure est conforme aux normes et à la physionomie du football mondial. Par contre, ils soulignent un manque de réciprocité au niveau de la formation et des diplômes.  

       

Au Sénégal, cette nouvelle mesure vient à point nommé 

 

Cette mesure de valoriser le football continental et de mettre à la disposition des clubs africains de bons managers est vue par la plupart des acteurs du football sénégalais comme pertinente. Le renforcement des potentialités des entraîneurs locaux est approuvé par le consultant à la radio BBC Afrique, Mohamed Gandhour  qui trouve cette initiative « pertinente si on reste dans l'objectif de renforcer les potentialités des entraîneurs déjà présents. Je pense que c'est une très bonne initiative et ça va obliger les entraîneurs officiant dans les pays de se réformer, d'être toujours au contact de tout ce qui peut faire évoluer le football d'abord du pays ensuite sur le continent », a constaté le spécialiste.   

 

L’idée « pertinente » de former les entraîneurs africains est aussi bien accueillie par les principaux concernés pour ne pas dire les entraîneurs des équipes du championnat sénégalais. En tout cas, l’entraineur principal de l’AS Pikine, Massamba Cissé n’en pense pas moins. « Il était temps! Si on veut organiser des formations pour permettre aux coaches d’obtenir la licence CAF A, c’est extraordinaire et c’est venu à son heure. Je trouve que c’est une très bonne chose et n’importe quel entraîneur doit magnifier cette initiative et que tous les entraîneurs doivent même faire la formation », a expliqué le coach de Pikine.

 

Le même avis est partagé par le journaliste sportif de l’Agence de presse sénégalaise (Aps), Salif Diallo. L’homme des médias ne comprend pas « pourquoi l'entraîneur africain diplômé ici en Afrique a du mal à trouver du travail avec ses diplômes africains » et pense que « les fédérations et les confédérations doivent se faire respecter d’où la nécessité de faire leurs propres diplômes pour les entraîneurs. » 

 

Cependant cette réorganisation du football africain  initiée par la Caf à travers une formation d’abord des managers, reste un défi de taille à relever par l’instance dirigeante du football continental.

 

Malgré ce pari assez risqué, le journaliste sportif trouve que « c’est une très bonne chose que les entraîneurs aillent à l’école chaque fois, aillent à la formation pour avoir les diplômes, pour pouvoir bien faire leur travail », a insisté Salif Diallo avant de souligner que « c’est parti d’une très bonne intention que les entraîneurs qui évoluent en Afrique, que les techniciens africains puissent avoir des diplômes pour pouvoir faire leur travail tranquillement. »

 

Bonne initiative, mais elle a déjà fait ses « victimes »

 

« Lors des matches de barrage de la ligue de champions, le coach du club guinéen Horoya AC, Lamine Ndiaye est chassé du banc lors de la double conformation contre le Racing Club d’Abidjan. Puisque ne disposant pas de licence A CAF lui permettant d’entraîner un club en campagne africaine »,  avait lu la rédaction de Dakaractu sur terrainafrik. Pour cette saison 2020-2021, la CAF exige la licence CAF A et ou la licence UEFA Pro pour que les entraîneurs principaux soient acceptés sur le banc. Alors que Lamine Ndiaye ne dispose que d’une licence française. Ainsi nombreux sont les gens qui trouvent des manquements dans cette nouvelle mesure prise par la commission technique et de développement de la CAF.

 

À ce propos, si l’on se réfère aux propos du consultant à la RTS1, Mohamed Gandhour, « ce n’est pas ce diplôme-là qui va nous renseigner sur les qualités du coach. Ils savent très bien que Lamine Ndiaye, je ne vais pas dire n'a pas besoin, mais il n'est pas en attente d'avoir ce type de diplôme pour pouvoir exercer. Je pense que sa compétence a été reconnue un peu partout sur le continent africain et au Sénégal aussi. C'est pour rendre peut-être uniforme cette profession qu'on aurait pu essayer de chercher une autre solution pour ces entraîneurs-là », a regretté Mohamed Gandhour.

 

La même saison, l’entraîneur de Teungueth FC, Youssouph Dabo, se voit remplacé sur son banc par son adjoint lors de la double confrontation historique de TFC face à la Gambia AFC. Pourtant le coach Dabo avait auparavant montré toute sa motivation à prendre part à cette compétition africaine. « Je n’ai jamais fait la coupe d’Afrique des clubs, cette année, j’ai l’opportunité d’y aller avec Teungueth FC », avait-il annoncé lors d’un entretien avec le quotidien sportif Stades. Mais les rêves du coach sont tombés à l’eau quand la CAF a décidé que le sélectionneur national des U20 du Sénégal n’est pas habilité à diriger son club pour les barrages de la ligue des champions

 

Cependant, malgré le fait que l'entraîneur de l’AS Pikine, Massamba Cissé trouve normal que « la CAF exige la licence CAF A aux entraîneurs pour pouvoir coacher au niveau des compétitions interclubs », Gandhour pour sa part se désole de voir les talents de Youssouph Dabo se heurter à cette nouvelle mesure de la CAF. « C'est quelqu'un qui est courant de toutes les nouvelles méthodes de coaching. C’est un des rares entraîneurs que je connaisse qui utilise le coaching mental. Malheureusement la non-obtention de ce diplôme là, le met un peu à l’écart. » 

 

Ces deux coups durs subis par ces entraîneurs sénégalais qui ont marqué de leurs empreintes le football national voire continental, dénote un manque d’information notoire entre les entraîneurs locaux africains et la CAF. Deux entraîneurs qui ont pu dans le passé coacher des sélections nationales sont sommés de ne pas voyager avec leur club pour des compétitions interclubs.

 

À l’instar de Gandhour, les journalistes sportifs ont aussi trouvé cette exigence à ce stade d’une compétition internationale insensée. Se prononçant sur cette affaire, le journaliste de l’APS, Salif Diallo pense qu’ « il est inconcevable que cette personne-là, qui évolue au très haut niveau sénégalais ne puisse pas disposer de ce diplôme. » Injustice ou manque d’information, cette nouvelle mesure que la Caf exige aux entraîneurs africains, leurs expériences pourraient tout de même être synonyme de laissez-passer pour ses entraîneurs afin qu'ils déposent leurs valises en dehors de nos territoires.    

 

La réciprocité entre licences « CAF » et « UEFA » : une équation à résoudre 

 

Cette décision de la Confédération Africaine de Football d’avoir la licence CAF A  pour être sur le banc de touche a pour objet d’élever le niveau des entraîneurs locaux et d’ajouter plus de professionnalisme pour promouvoir et fixer des repères en matière d'entraînement. Mais malgré tout, ce diplôme africain de prestige a du mal à s’imposer hors des sols africains.

 

Le schéma : Les détenteurs de la licence CAF A, ne peuvent pas exercer en Europe, alors que les diplômés de la licence UEFA B peuvent entraîner un club africain. Donc la « licence CAF A est l’équivalent de la licence UEFA B ».

Un schéma qui semble inconcevable pour certains acteurs du football africain. Il reste un problème même pour Gandhour, qui a soulevé un problème de réciprocité.

 

« Ce problème de réciprocité doit être résolu le plus rapidement possible. Aujourd’hui on est dans un schéma où les entraineurs européens titulaires de la licence UEFA B peuvent venir exercer en Afrique alors les entraîneurs africains titulaires de la licence CAF A, normalement l’équivalent de cette  licence UEFA B, ne peuvent pas exercer. C’est vrai qu’en matière d’infrastructure, en matière de formation les pays de l’autre côté sont beaucoup plus développés que nos pays africains. C’est vrai qu’ils sont en avance sur nous sur beaucoup de choses mais la plus importante c’est d’abord cette réciprocité qui ressemblera plutôt à un respect de la formation que nous faisons en Afrique, c’est une manière aussi de mettre au même niveau des entraîneurs, des managers qui ont reçu la même formation, de pouvoir exercer aussi bien dans les deux continents. Je pense que c’est sur cette réciprocité que le CAF devrait plutôt intervenir », se désole Gandhour.  

 

Pourtant, pour échapper à ce manque de reconnaissance, la CAF a signé les règles et procédures de la Convention des Entraîneurs de la CAF (Convention CAF Coaching) qui font partie d'une procédure mondiale de reconnaissance mutuelle des diplômes d'entraîneur entre confédérations. Malheureusement les fédérations des pays africains peinent à respecter ces mesures quand il s’agit d’organiser des ateliers de formation pour permettre aux coaches locaux de passer l’examen de licence CAF A.

 

D’ailleurs, la CAF avait même suspendu l’organisation des cours d'entraîneur en Afrique depuis 2017, en raison des irrégularités constatées dans la formation. Hormis cette convention des entraîneurs de la CAF, l’accord de partenariat entre CAF et UEFA, déjà dans un passé récent, s'est heurté  à des désaccords entre instances. Ce déséquilibre ou même « ce manque de respect de la formation que nous faisons en Afrique », a constaté Mohamed Gandhour, pousse la CAF à revoir ses rapports avec les dirigeants du football européen.

 

Cette volte-face africaine est confirmée par Salif Diallo. « La Confédération Africaine de Football a perçu depuis longtemps que l’UEFA ne respectait pas ces diplômes », a fait savoir le journaliste avant de révéler qu’ « il y avait même des échanges d’arbitres entre l'UEFA et la CAF. Des arbitres européens venaient siffler en Afrique lors des CAN et il n'y a jamais d’arbitres africains qui sifflent lors des Euros ». Par conséquent, la CAF a pris la décision d’arrêter ce genre de partenariat et de coopération »,  a-t-il poursuivi.

 

Toutefois, cette prise de conscience des acteurs du football africain, est plus qu’urgente. Ces nouvelles perspectives de donner une autre image au Football africain demandent plus de rigueur pour combler le retard, si on peut l’appeler ainsi, accusé par le foot local par rapport au football mondial.    

 

Les défis de la fédération : Passer à la formation de ces jeunes managers

 

L’initiative pertinente d’élever le niveau des entraineurs africains par d’abord la formation pour l’obtention de la licence CAF A, devrait tout de même commencer pour les démembrements de la CAF les plus proches des acteurs concernés, dont les associations sportives et fédérations. Ces instances sont au-devant de la scène quand il s’agit former des techniciens. Ainsi la Fédération Sénégalaise de Football ne passe pas inaperçue quand le débat des conditions d'obtention de la licence CAF A  est à l'honneur.

 

Donc, c’est depuis 2017 que la direction technique nationale n’a pas organisé des séminaires de formation. Dans ce cadre, Salif Diallo fait remarquer que la plupart des entraîneurs détenteurs de la licence CAF A « sont tous des anciens entraîneurs et ils n’ont pas de club, c’est vraiment des vieux de la vielle. Ils sont tous à la retraite ou ils n’ont pas de club ou ils ont des jobs de sénateurs ».

 

Ainsi, pour répondre aux exigences de la Confédération Africaine de Football, la responsabilité de doter à l'Afrique des techniciens capables de managers incombe aux personnes en charge de la défense des intérêts du football africain. Il est donc primordial que les fédérations, surtout les directeurs techniques de chaque pays de se mettre au boulot pour l’intérêt du football africain. Donc cette mesure d’imposer la licence aux entraîneurs est une charge de plus pour les fédérations. C’est en tout cas l’avis du consultant de la BBC Afrique qui pense qu’ « En imposant cette licence, ils ont augmenté le rôle des fédérations. On augmente le rôle des responsables de l’organisation des fédérations. On note plus de responsabilité et de visibilité ; on va dire plus de poids aux fédéraux qui vont former des instructeurs, des professionnels ».

 

Cette opportunité de donner aux entraîneurs sénégalais des outils nécessaires pour aller titiller les grands clubs et compétitions internationales demande à la fédération sénégalaise de football  de prendre des mesures administratives plus concrètes pour faire triompher le football sénégalais et de l’Afrique d’une manière générale. Un constat qu’a fait le consultant de foot à la RTS 1. « Le football se fait d’abord du côté administratif. La formation de nos entraîneurs doit être l’objectif même des différentes fédérations tutelles du football des pays d’Afrique qui veulent développer leur pays. Ce sont des objectifs stratégiques de pouvoir former des hommes qui peuvent manager », a souligné Mohamed Gandhour.

 

Toutefois, ces mesures devraient être accompagnées par de bons plans d’exécution. C’est-à-dire que le directeur technique national est dans l’urgence de revoir différentes pistes possibles pour passer au renouvellement ou rajeunissement des encadreurs. Selon Salif Diallo, cette responsabilité serait le rôle du DTN du football sénégalais. « C’est au directeur technique national dans les pays, d’organiser des séminaires de formation au profit de ses entraîneurs. Son rôle n’est pas de s’occuper seulement de l’équipe nationale, son rôle aussi est de mettre en place une bonne politique de formation aussi bien pour les joueurs que pour les techniciens », a confié le journaliste à la rédaction de Dakaractu.

 

Pour permettre la reprise des formations des entraîneurs en Afrique, suspendue depuis quelques années, la CAF a pris la décision de faire signer à tous les pays  une convention. Ainsi tous les pays signataires de cette convention et qui ont rempli les critères définis dans cette même convention, peuvent demander l’organisation des séminaires de formation pour la licence CAF A et B. Bien que le Sénégal fasse partie des 10 premiers pays signataires, il n’est tout de même pas encore autorisé à débuter les formations. Il faut d’abord que la convention soit signée par toutes les associations sportives. Massamba Cissé, coach AS Pikine et Cie devront encore patienter quelque temps puisque seuls 40 sur les 52 pays africains ont signé la convention.  

Jeudi 28 Janvier 2021




Dans la même rubrique :