Hôte de l'Imam Dianko à Gao : Qui est Hamada Ould Mohamed Kheirou ?


Hôte de l'Imam Dianko à Gao : Qui est Hamada Ould Mohamed Kheirou ?

 

Le jihadiste mauritanien Hamada Ould Mouhamed Kheirou était l'absent le plus présent au procès de l'Imam Boubacar Dianko. Le religieux sénégalais a fait face à la chambre criminelle ce mercredi 27 mars 2019 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et atteinte à la sureté de l'État. 

Lors des débats, il a été maintes fois question de ses relations avec celui qui se faisait appeler Abou Qaqa. Dans ses explications, Dianko a tenté de faire croire au tribunal qu'il ignorait les activités jihadistes de l'homme qui l'a hébergé en Mauritanie vers 2003 et au Mali en 2013 et qu'il a lui-même accueilli vers 2005 dans sa demeure de Thiaroye. Mais que sait on réellement de Hamada Ould Mohamed Kheirou si ce n'est son statut d'émir du défunt (?) Mouvement pour l'Unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest ?

Des investigations de Dakaractu, il est ressorti que Hamada Ould Mohamed Kheirou a vu le jour en1970 à Wad Naga. Issu d'une famille maraboutique, il tombe dans les bras de l'extrémisme vers les années 2000. Il se fera arrêter en 2005 après une vaste opération anti-islamiste menée par les forces de sécurité mauritaniennes. Dans cette opération faite à Nouadibou, d'après le journaliste Lemine Ould M. Salem, le nommé Khadim Ould Sémane, un homonyme de Cheikh Ahmadou Bamba et futur représentant de Belmokhtar en Mauritanie est alpagué. Ils sont placés en détention à la prison de Nouakchott mais ils s'évaderont de manière spectaculaire. Ils ont mis des tenues de femmes pour semer les gardiens.

Hébergé au Sénégal après son évasion

Après cette évasion spectaculaire, Hamada Ould Mohamed Kheirou quitte la Mauritanie. Il est accueilli au Sénégal par l'Imam Dianko à Thiaroye. Devant le tribunal, l'accusé a reconnu que l'islamiste mauritanien a séjourné chez lui, mais c'est non sans préciser qu'ils s'étaient perdu de vue après le voyage qu'il avait lui-même effectué en Mauritanie chez Hamada en 2003. Dans la foulée, l'Imam Dianko a nié avoir connaissance des démêlés de son ancien hôte avec la justice mauritanienne. “C'est mon frère qui m'a appris qu'un mauritanien s'était évadé de prison et était activement recherché”, ajoute Dianko qui affirme en avoir parlé avec son hôte. Mais c'est pour s'entendre dire de la part de Hamada un mot : “D'accord”. Après cette discussion, le mauritanien prend la clé des champs selon l'Imam Dianko. “J'ai par la suite appris qu'il était à Ziguinchor”, s'est soudainement rappelé l'accusé qui risque les travaux forcés à perpétuité.

C'est probablement à partir de Ziguinchor que Hamada a quitté le territoire sénégalais. Lorsqu'il fera parler de lui à nouveau, c'est dans le nord du Mali où il a rejoint les bases d'Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Entraîné aux techniques de combat, il s'est spécialisé dans la fabrication d'explosifs. C'est d'ailleurs en maniant des explosifs à Gao qu'il a provoqué un accident. Ce qui a eu le don d'ameuter les forces de sécurité. Il est arrêté en 2009, révèle Lemine Ould Salem dans son ouvrage “Le Ben Laden du Sahara : sur les traces de Belmokhtar” sorti en 2014. Transféré à Bamako, il est relâché dans le cadre d'un échange de prisonniers entre Aqmi et les autorités maliennes de l'époque. Le jihadiste retrouve ainsi les rangs d'Aqmi. Pour dissimuler l'accord passé avec les jihadistes, les autorités maliennes ne relâcheront Hamada Ould Mohamed Kheirou que quatre mois après la libération de l'otage Pierre Camatte. Et même pour le faire, la justice a été mise à contribution puisqu'il a été jugé et condamné à une peine couvrant la durée de sa détention préventive.

Création du MUJAO

Seulement à partir de 2011, il n'est plus en odeur de sainteté avec le commandement d'Aqmi. Il reproche à l'organisation de privilégier les Algériens alors que ces derniers sont, à son avis, limités théologiquement. Les germes du mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest sont semés.

Avec des arabes maliens tels que Ahmed Al Tilemsi, il porte sur les fonts baptismaux cette organisation jihadiste qui se fera connaitre en enlevant la même année trois humanitaires européens à Tindouf, en Algérie. Le 03 mars 2012, la gendarmerie est attaquée à Tamanrasset. S'en suit le rapt de sept diplomates algériens à Gao. Le français Gilbert Rodrigues fera les frais de l'hyperactivisme jihadiste du Mujao. Lorsqu'il a fallu prendre le contrôle de Gao au détriment du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) qui avait déjà chassé l'armée malienne, le Mujao n'hésite pas. C'est après la prise de cette ville du nord Mali que le jihadiste qui dirigeait le tribunal islamique où, selon Lemine Ould Salem, il a fait amputer beaucoup de voleurs, qu'il a invité son “ami” Imam Dianko à Gao. “Il voulait m'aider financièrement dans le cadre de mes activités de maitre coranique et m'a demandé de le rejoindre. Je devais aussi emmener avec moi deux disciples", a confié l'Imam qui nie savoir à l'avance qu'il était en partance pour Gao. “Il m'a juste dit que je devais retrouver quelqu'un au Burkina Faso”. De là, l'Imam sénégalais prétend avoir été mis dans une voiture pour une destination inconnue. Pourtant sur le chemin, il a été prévenu qu'il se rendait dans une zone dangereuse. Mais il feint d'oublier cette étape.

Quoi qu'il en soit, l'Imam Dianko a atterri à Gao où il a eu droit à tous les égards. Son neveu avec qui il a fait le voyage a fait bonne impression auprès de ses hôtes après qu'il ait fait montre d'une bonne maitrise du Saint-Coran. “Ils m'ont tous félicité”, a confirmé l'intéressé qui a été appelé devant la barre à titre de renseignement. Pourtant son oncle dit avoir été stupéfait par la manière dont il a retrouvé son “bienfaiteur”. “Ils avaient des armes et je ne me sentais pas à l'aise dans ce milieu”, a servi l'Imam au tribunal. Pis encore, il a indiqué s'être disputé avec le leader du Mujao. Mais son neveu qui était dans la même pièce n'a rien vu de tel. Les enquêtes ont révélé que l'Imam a été traité avec égard et lui-même a reconnu avoir dormi chez l'émir à Darou Salam. “Vu que je n'avais pas de l'argent sur moi pour rentrer, je devais jouer un rôle pour ne pas me faire tuer”, a prétexté l'accusé pour se tirer d'affaire. Avec son neveu Ahmadou Bamba Dianko, ils resteront à Gao jusqu'aux premiers bombardements de l'Armée française, en janvier 2013, à la faveur de l'Opération Serval visant à déloger les jihadistes du Nord-Mali. Le filleul de Dianko a même failli perdre la vie au cours de ces raids. C'est après cette mésaventure que le neveu a demandé à son oncle de quitter cette zone. Ce qu'ils ont fait mais non sans se faire remettre de l'argent par Hamada Ould Mohamed Kheirou. “100 000 FCFA”, minimise l'Imam Boubacar Dianko. En janvier 2013, l'Imam et son neveu sont interceptés entre la frontière maliano-sénégalaise.

Perdu de vue

En août 2013, le Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest et les Signataires par le Sang du jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar fusionnent pour former Al Mourabitoune. Pourchassé par les Etats-Unis, Hamada Ould Mohamed Heirou prend fait et cause pour l'État islamique. Le jihadiste sahraoui, Adnan Abou Walid as-Sahraoui qui était un cadre du Mujao et d'Al Mourabitoune lui emboîte le pas et fait allégeance à l'État islamique au nom de cette organisation. Mokhtar Belmokhtar prend son contrepied et affirme rester dans Al Qaida même s'il était en conflit avec les leaders d'Aqmi jusqu'en novembre 2015. 

Quant à Hamada Ould Mohamed Kheirou, il disparait des radars depuis 2014. il a été annoncé mort en Libye suite à un raid français. Avant cette “mort” que rien n'a encore prouvé, il aurait vécu à Syrte, alors qu'il était sous le contrôle de l'État islamique...

Par Abdou Khadir Cissé

 

 

Vendredi 29 Mars 2019




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