Fausse collecte de fonds sur Internet : comment un malfaiteur a profité de la souffrance d’un enfant et de la générosité de Twitter.


Sur Internet, pullulent des campagnes de collecte de fonds au profit de nécessiteux. Sauf que certaines d’entre elles sont le fruit de l’imagination fertile d’escrocs rompus à la tâche.

Souvent, c’est après coup que les victimes se rendent compte de l’arnaque. Ces dernières semaines, les images d’un enfant malade ont largement été partagées aussi bien sur Facebook que sur Twitter. Se décrivant comme « serviteur du peuple » sur Twitter, sa biographie dit de lui qu’il est président fondateur de l’association sociale pour tous. Suivi par 2. 646 comptes, il pétend oeuvrer dans l’assistance des démunis. Mais en réalité, il en a fait un business au préjudice de ses followers qui s'impatientent de « retweetter » chacun de ses posts.

C’est dans cet esprit qu’un de ses abonnés a repris l’annonce sur un enfant malade du cancer dont l’opération nécessiterait 3 millions de francs. Après avoir amassé beaucoup d’argent de mains généreuses qui lui envoient jusqu’à 100 000 francs d’un coup, l’auteur de la campagne trouve un relais entre ces derniers et lui en prétextant que son numéro avait plafonné.

Croyant agir pour la bonne cause, M. M s’investit dans la collecte et joint son numéro de téléphone à l’annonce. « Chaque jour, je lui envoyais tout ce que je recevais des envoyeurs », confie M. M à Dakaractu. Ce, jusqu’au jour où il demande des justificatifs à son interlocuteur. Sentant que le deal est en train de partir en vrille, il refuse d’envoyer les dossiers sanitaires de l’enfant sous prétexte que les parents ne souhaiteraient pas les voir utilisés à d’autres fins.

Lorsque Mamadou Diakhaté dit Junior connu de la twittosphère sénégalaise pour ses bonnes actions, entre dans la danse, l’affaire prend un autre tournant. L’enseignant mène sa petite enquête et parvient à démasquer l’escroc. « J’ai été alerté par beaucoup de choses. Quand j’ai lu l’annonce, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de fautes et j’ai remarqué des incohérences sur les photos de l’enfant qui aurait besoin d’aide », explique Mamadou Diakhaté à Dakaractu.

Nous avons essayé de faire une recherche des images qui accompagnent la campagne de collecte sur Google et nous sommes tombés sur plusieurs résultats intrigants. L’un des résultats qui nous a conduit vers une page facebook du nom de « Suivi pour tous », prétend dans une publication remontant au 4 avril dernier que l’enfant s’appelle « Brian Fosto » et serait âgé de 6 ans.

Dans un texte décrivant le malheur du jeune patient, il est écrit que sa mère serait décédée des suites d’un AVC et qu’il aurait besoin de 3 millions de francs pour être opéré. Poussant nos recherches, nous avons atterri sur une page Facebook dédiée aux fans du footballeur Christiano Ronaldo.

Là, Brian Fosto devient Jerry Adebayo, un jeune de 10 ans qui souffrirait d’une insuffisance cardiaque congestive. Ces différentes et effarantes découvertes donnent une idée de l’ampleur des dégâts si l’on sait que les images et la souffrance de cet enfant ont été détournées à d’autres fins, non seulement au Sénégal, mais aussi dans d'autres pays africains.

En tout cas, l’arnaqueur qui a voulu profiter de cette situation au Sénégal n’a pas eu de chance. Quand bien même se serait il enrichi, il lui sera difficile de profiter de cette manne financière « inestimable ». 

Pour le piéger, Mamadou Diakhaté lui a fait savoir ’il avait 3 millions à verser à la cagnotte mais à condition que des documents certifiant que l’enfant dont on ne sait rien de la nationalité est vraiment souffrant lui soient envoyés. Exigence qui n’a pas été satisfaite. Cerné, celui qui se cache derrière « le serviteur du peuple » a désactivé son compte Twitter et a essayé d'effacer les traces de son « crime ».

« J’ai demandé à toutes les victimes de faire une plainte collective pour que la traque soit diligentée », préconise l’enseignant qui espère que le malfaiteur sera appréhendé dans les meilleurs délais et traduit devant la justice. Ça ne mettra pas pour autant fin aux agissements des autres faussaires. « Ils sont très nombreux sur les réseaux sociaux. Malheureusement, c’est le genre d’actes qui peut décourager les donateurs qui vont finir par croire que tout le monde est fait du même bois, or ce n’est pas le cas », regrette Mamadou Diakhaté. 




Mercredi 6 Avril 2022




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