Entretien / Youssou Diallo (Président du Club Sénégal Émergent) : « Sonko est sous le coup de la loi (…). Pourquoi le président Macky Sall doit impérativement se présenter à la présidentielle de 2024 ? »

Dans cet entretien avec Dakaractu, Youssou Diallo crache ses vérités par rapport à la situation politique et sociale du pays. Pour le PCA de la Sonacos, plusieurs facteurs expliquent la percée de l’opposition aux dernières législatives surtout à Saint-Louis où le département a basculé dans les mains de l’opposition. Ce qui pour lui mérite de profondes réflexions et de remobilisation pour préparer 2024. Évoquant la question de la présidentielle de 2024, Youssou Diallo reste catégorique que juridiquement Macky Sall peut être candidat, avant de revenir sur les véritables raisons qui à son avis, doivent pousser Macky Sall à se présenter pour un troisième mandat. Pour autant, Youssou Diallo souligne que les membres de l’opposition et particulièrement celle de Yewwi Askan Wi pour ne pas dire de Pastef, oublient que Ousmane Sonko est sous le coup d’une affaire judiciaire pour une affaire de viol. Une affaire extrêmement grave qui peut déboucher sur une condamnation. Entre autres questions, celles concernant le prochain gouvernement et la rentrée solennelle de l’Assemblée nationale, ont été abordées...


Aux dernières législatives, le département de Saint-Louis a basculé dans l’opposition. Est-ce que ça a été une surprise pour vous ? 

En tout cas, au regard de l’évolution sur le plan statistique, aux élections locales nous avions 41%, Mary Teuw Niane avait 12% et Yewwi Askan Wi avait 37%. Les chiffres de l’opposition agrégés avec l’appel de Mary Teuw Niane à voter l’opposition faisaient que l’opposition devenait majoritaire. Une question dont nous n’avions pas suffisamment tenu compte dans BBY, en terme de stratégies et en terme de démarches aussi. Parce que je pense que juste après l’élection territoriale, il était encore possible de faire revenir quelqu’un comme Mary Teuw Niane au niveau de la majorité présidentielle. Je me demande d’ailleurs est-ce que l’ensemble des démarches et procédures ont été utilisées pour faire revenir Mary Teuw Niane dans la majorité. Le fait qu’il se soit déterminé à une dizaine de jours des législatives pour appeler à voter l’inter-coalition Yewwi-Wallu, a été décisif pour le basculement du département de Saint-Louis dans l’opposition. Ensuite, il s’y ajoute d’autres affaires qui avaient été soulevées et des dossiers judiciaires qui ont concerné le maire de Saint-Louis vis-à-vis de certains citoyens. 

Quelle lecture faites-vous de la posture de Mary Teuw Niane à la veille des législatives ?

Je crois que ce sont des questions de responsabilité individuelle et personnelle. À un moment, il a jugé qu’il ne se retrouvait plus définitivement dans le camp présidentiel, il a commencé par démissionner au niveau de son poste de PCA, et ensuite il a appelé à voter Yewwi, je crois que c’était pour lui de marquer définitivement sa rupture avec la majorité présidentielle,  notamment BBY. 

Saint-Louis a basculé dans l’opposition, quel sort pour Mansour Faye ?

Rires… ça je ne saurais le dire, mais en tout cas, Mansour est le maire de Saint-Louis, donc il continue à exercer ses fonctions et il est le coordinateur au niveau départemental et communal de BBY. De ce point de vue là, il faut tirer les enseignements, faire le bilan de quels ont été les facteurs déterminant de cette défaite et les tirer avec tout le monde. Parce que je pense que aussi au niveau de Saint-Louis, il y a plusieurs forces, mais aussi il y a plusieurs composantes de plusieurs personnalités dans BBY. Et je ne pense pas que le niveau de mobilisation que BBY avait du temps de la présidentielle et des législatives de 2017 soit le même niveau de mobilisation au niveau de BBY. Donc, je pense qu’il y a des problèmes internes au niveau de BBY et dont le bilan doit être tiré par l’ensemble des acteurs concernés, moi y compris. Tirer ce bilan mais aussi faire une analyse froide et lucide de la situation et dégager une stratégie pour en fait inverser la tendance lors de la prochaine présidentielle. 

Mansour Faye aura-t-il toujours cette légitimité politique de rester dans le gouvernement ? 

Non… Non ! Je crois que ça relève du président de la République. C’est lui qui nomme aux emplois civils et militaires et je crois qu’il faut faire une lecture assez compréhensible de la situation actuelle qui fait que nous sommes dans un contexte un peu général de difficultés à l’échelle du pays. Et ce contexte est lié à la situation sociale, économique et à l’inflation. Tout cela crée des conditions de vote presque sanction et même protestataires vis-à-vis des populations. Et à partir de là, je crois que même dans les sanctions à prendre au niveau politique, du point de vue du gouvernement et certains postes politiques, il y a une lecture assez fine à faire pour éviter de faire des ruptures d’équilibre. Parce que quand on voit l’équilibre des forces aujourd’hui sur le plan politique entre BBY et Yewwi, BBY ne peut plus se permettre de provoquer des départs d’éléments qui ont une base assez importante au niveau de la coalition. Même si ces personnes ont perdu au niveau de leurs bases et nous n’avons pas aussi beaucoup de temps d’ici 2024 pour créer des leaders capables de gagner. Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est essayer de rassembler. Parce que ceux qui ont perdu n’ont pas créé les conditions de mobiliser toutes les forces qui étaient dans leur camp et qui pouvaient créer les conditions d’une victoire. Ça c’est la première chose et la deuxième chose, ce sont les erreurs sur le plan tactique et stratégique sur le terrain. Je pense que c’est un bilan à tirer particulièrement à Saint-Louis. Ce que je recommande à Mansour Faye, c’est de convoquer l’ensemble des leaders et représentants de BBY au cours d’une réunion où les gens vont se retrouver à huis clos et faire une espèce de conclave et tirer tout cela au clair afin de créer les conditions d'une remobilisation pour une victoire en 2024. 

Avec les résultats des élections de 2022, serait-il risqué pour le président Macky Sall de présenter un projet de 3ème mandat ?

Bon, c’est une question agitée depuis quelque temps mais les gens ne l’abordent pas de manière très sérieuse. Parce que du côté de l’opposition, on jure sur tous les toits que Macky Sall ne peut et ne sera pas candidat en 2024. Elle est libre parce que ça va les arranger. Le candidat idéal pour BBY à la prochaine présidentielle c’est Macky Sall. Ça c’est une attitude politique pour la coalition BBY. Qui peut gagner dans le parti et la coalition au pouvoir ? Ça c’est la première question. Et je trouve que c’est de bonne guerre au niveau de l’opposition qu’on rue dans tous les brancards pour dire que Macky Sall ne peut pas et ne sera pas candidat. De l’autre côté, les mêmes personnes de l’opposition et particulièrement celles de Yewwi Askan Wi pour ne pas dire de Pastef oublient que celui qui s’est déclaré candidat prématurément, Ousmane Sonko, est sous le coup d’une affaire judiciaire. Une affaire de viol. Une affaire extrêmement grave qui peut déboucher sur une condamnation qui le priverait de ses droits civiques et politiques. Le viol, le minimum c’est cinq ans de prison et ça oublie qu’il y a un dossier pendant. Maintenant en analysant froidement et lucidement, je crois qu’aujourd’hui, il est temps que l’APR et la majorité présidentielle sorte de l’espèce d’assoupissement pour ne pas dire de sommeil dans lequel ces deux entités se retrouvent. La candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024 est non seulement une question personnelle qui concerne le candidat et son peuple en l’occurrence Macky Sall et le peuple sénégalais, mais aussi c’est une question qui concerne les partis qui sont alliés à BBY. Donc la décision de candidature revient en partie à Macky Sall, mais je dirais aussi les 2/3 reviennent aux entités qui ont porté Macky Sall au pouvoir depuis 2012.

Vous ne trouvez pas très risqué pour Macky Sall de se présenter à un 3ème mandat ?

Non… Non pour moi, il n’y a aucun risque à ce niveau. Sinon le seul risque peut-être, c’est sur le plan juridique. Et sur ce plan, cette question est réglée. Parce que je l’ai dit depuis 2019, la décision du Conseil Constitutionnel concernant Abdoulaye Wade, cette décision montrant que la loi n’est pas rétroactive et que le mandat de cinq ou sept ans que Abdoulaye Wade avait fait ne comptait pas sur le décompte des mandats. Autre chose dans la modification de la constitution le mandat est défini par rapport à sa durée de cinq ans. Maintenant même si on ajoute « nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs », là  on raisonne par rapport à la définition du mandat qui est dans la constitution, qui a une durée de cinq ans, puisque la loi ne rétroagit pas, ce mandat de sept ans de Macky Sall ne peut pas agir d’autant plus que vous avez vu que le président Macky Sall a été élu pour un mandat de sept ans, il avait promis de ramener ce mandat à cinq mais après avoir consulté l’avis du Conseil Constitutionnel, il lui a été notifié qu’il a été élu sur la base d’un mandat de sept ans. Je crois que les gens l’oublient. Et ces deux éléments suffisent largement pour montrer que la candidature de Macky Sall est recevable même si les gens font recours à l’article 27 qui stipule que « nul ne peut faire deux mandats consécutifs ». Lorsqu’il y a un changement dans la constitution, pour faire rétroagir la loi, il fallait prendre des dispositifs transitoires dans la constitution. Ce qui n’a pas été fait. L’essentiel des juristes et constitutionnalistes sont d’accord que juridiquement, Macky Sall peut être candidat en 2024 et je fais partie de ces personnes-là. J’écarte l’entrave juridique toutefois celui qui est censé dire le droit c’est le Conseil Constitutionnel, et demain si les candidatures sont déposées et que Macky Sall dépose, le Conseil Constitutionnel donnera son verdict… 
Pourquoi je pense qu’au niveau de la majorité les gens doivent se mobiliser pour amener le président Macky Sall à se présenter en 2024 ? Parce que premièrement, Macky Sall est le seul candidat qui a une expérience et un charisme politique extrêmement important. Il gagne des élections depuis 98. D’abord la mairie de Fatick et ça fait donc 24 ans. Et vous voyez donc quand Macky Sall se déplace ce qu’il mobilise est supérieur à la capacité de mobilisation de BBY.

Deuxièmement, Macky Sall a un coefficient électoral beaucoup plus important que BBY. Ça a été prouvé par les statistiques. Et là je prends 2019, BBY était aux environs de 48%, Macky Sall a eu 58% à la présidentielle. Donc vous voyez qu’il y a un écart presque de 10%. Le troisième facteur qui est important est que Macky Sall mobilise au-delà de BBY. Parce qu’il y a des sénégalais qui ont voté aux élections législatives contre BBY et qui serait prêt à voter pour Macky Sall s’il se présentait à la présidentielle suivant un certain nombre de raisons. Ensuite, le seul candidat qui peut fédérer l’ensemble de l’APR et de BBY, c’est Macky Sall. Tout autre candidat qui serait désigné pourrait entraîner des fuites et des pertes en matière d’électorat y compris dans l’APR et au niveau de BBY. Il y a d’autres raisons qui seraient liées à la stabilité du pays et à la paix, à la cohésion sociale et des questions géostratégiques. Si on raisonne sur la situation actuelle, le challenger de Macky Sall s’il est blanchi par la justice, c’est Ousmane Sonko. Il n’y a pas d'autre candidat. Les autres sont des candidats virtuels qui sont sous le coup de la privation des droits politiques et civiques. 


L’Assemblée nationale sera installée le 12 Septembre prochain, vous ne craignez pas que la présidence de cette institution bascule dans l’opposition ?  

Je crois que pour le moment BBY est majoritaire, avec 82 députés, Pape Diop a déclaré ouvertement, clairement et nettement qu'il va se ranger du côté de la majorité BBY. Mais vous savez qu’entre 80 et 82 voire 83 députés, c’est quelque chose de très ténu surtout que le vote est tenu secret. Effectivement,  il y a des craintes et je vois que le président a très bien fait de retarder la nomination du Premier ministre du gouvernement en attendant le vote du bureau de l’Assemblée. Mais j’ai l’impression que l’inter-coalition Wallu-Yewwi est en train de jouer à la diversion. Depuis quelques jours se déclarent des candidatures au sein de ladite inter-coalition, mais en vérité c’est des candidatures de diversion. Ils ont un seul candidat, mais ils veulent faire croire à la majorité qu’ils ont plusieurs candidats. C’est une manière de tromper la vigilance de la majorité. Je crois que la majorité aussi doit redoubler de vigilance, se remobiliser et gérer d’une façon inédite cette élection,  parce que tout peut se passer.  

Le gouvernement sera installé après le parlement, qui pourrait être le prochain chef de gouvernement ?

Rires… Je l’ai dit hier dans une interview. Je disais qu’il nous faut un Premier ministre prêt à l’emploi, un prêt à porter. Un Premier ministre qui va tout de suite embrayer les dossiers enclenchés par le président de la république. Il n’y a pas mille dossiers. Le premier dossier c’est la cherté de la vie, c’est l’inflation, les problèmes d’emploi et les inondations etc... Donc, il ne faudrait pas qu’on soit perdu. Ce devait être un homme qui connaît bien l’État et particulièrement l’administration, qui ne perdrait pas du temps à la primature pour apprendre parce qu’on a plus le temps d'apprendre, car on est à moins de deux ans de la présidentielle. Sa nomination aussi pourrait dépendre de la candidature prochaine de Macky Sall ou non…

Dans son entourage on nous parle de Idrissa Seck, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye et Antoine Diome. Qui parmi ces personnes citées pourrait être le Premier ministre que vous venez de décrire ? 

Rires … je crois qu'il y a des noms que vous n’avez pas cités aussi. Vous n’avez pas aussi cité l’ancien Premier ministre Mohamed Dionne, il y a aussi Amadou Ba et il y en a tant d’autres qui peuvent sortir du chapeau du chef. J’évite souvent de donner des noms par respect à la prérogative donnée au président de la République. Je vous ai donné un portrait-robot,  maintenant regardez parmi les personnes citées quelle est la personne qui entre le mieux dans ce portrait-robot. Rires… !
Jeudi 1 Septembre 2022




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