Covid-19 : Le Sénégal risque d’être plongé dans une transmission communautaire massive (Professeur Sylvain Birane Faye)

Face à l'évolution de la maladie à coronavirus, le Professeur Sylvain Landry Birane Faye a fait l’analyse épidémiologique et socio-anthropologique de l’augmentation des cas communautaires au Sénégal. Devenus inquiétants, l’universitaire prévient que si la tendance de l’augmentation des cas communautaires ne s’arrête pas, le Sénégal risque d’être plongé dans une transmission communautaire massive qui peut déborder les capacités de prise en charge par notre système de santé. Par ailleurs, il a fait mention de la communication de l’État qui s’est beaucoup améliorée tout en estimant que l’approche communautaire doit être privilégiée.


Dakaractu : Actuellement, on note de plus en plus des cas issus de la transmission communautaire. Quelle analyse vous en faites ?

 

Professeur Sylvain Faye : Au Sénégal, on parle de transmission communautaire lorsqu'une personne contracte le COVID-19 d’une source inconnue. On la distingue des cas contacts dont on a pu établir un lien épidémiologique avec une chaîne de transmission déjà connue. Les cas importés sont ceux dont la maladie a été contractée hors du Sénégal. Toutefois, je reste sceptique sur la distinction établie entre les deux premières catégories. Qu'on puisse établir ou non le lien épidémiologique, à partir du moment où les cas se transmettent dans les quartiers et villages sénégalais, ce sont des cas issus de la transmission communautaire (du point de vue sociologique). Dans la mesure où le virus se propage au sein de la population sénégalaise, il prend les contours d’une épidémie communautaire.

 

Si on analyse les statistiques de la semaine passée, on se rend compte que la montée en puissance de la capacité de test s’est accompagnée d’une augmentation significative du nombre de cas, en particulier ceux dont la source d’infection est inconnue. Si la tendance continue, il est à craindre de l’avis des autorités, une transmission communautaire massive qui peut déborder les capacités de prise en charge par notre système de santé. Il y a alors une nécessité absolue de procéder à une analyse aussi bien épidémiologique que socio-anthropologique afin de pouvoir initier des actions de santé publique socialement et culturellement accessibles et acceptables pour limiter cette éventualité.

 

Pour réduire les cas communautaires, il faut améliorer la communication dans le cadre de la surveillance épidémiologique

 

Ainsi, il arrive que des contacts soient omis (volontairement ou par oubli) et passent entre les mailles du filet dans le cadre de la surveillance épidémiologique. On peut donner l’exemple du premier cas que la Région de Louga a connu, un marabout, qui a refusé de collaborer avec les autorités sanitaires pour retracer ses contacts et qui va avouer après le décès du tradipraticien (appelé cas 30) , qu'il était en contact avec la victime. Par expérience, il a été noté que les omissions ou les refus de révéler les contacts sont le fait de la peur, de la honte, de la culpabilisation de la part du malade. Depuis que les quarantaines des contacts ont commencé, certains malades pris déjà par le remords, ont voulu éviter à leurs “alliés” cette situation inconfortable au plan psycho-social que beaucoup de sénégalais redoutent. C’est pourquoi nous pensons qu’un des moyens de réduire les cas communautaires, c’est d’améliorer la communication dans le cadre de la surveillance épidémiologique, de rassurer les personnes en leur expliquant mieux la nécessité de pouvoir identifier tous les individus avec lesquels ils ont été potentiellement en contact, non pour les stigmatiser, mais pour les accompagner, les protéger, ainsi que leurs familles. 

 

« Les personnes asymptomatiques peuvent aussi augmenter la transmission communautaire »

 

On est dans une situation où les personnes asymptomatiques peuvent aussi augmenter la transmission communautaire, en se déplaçant ou en étant en contact avec les voisins et les amis. Le ministre de la santé a préconisé d'augmenter considérablement le nombre de prélèvements effectués par jour, afin de permettre l'identification d'un maximum de porteurs asymptomatiques. C’est une bonne approche à saluer, mais elle ne sera pas suffisante pour rompre la tendance à la hausse de la transmission communautaire, sans l’engagement et la responsabilisation des communautés. 

 

En dehors de ces considérations épidémiologiques, les causes de la transmission communautaire sont aussi sociales et démographiques et leur analyse requiert la collaboration des sciences sociales. Actuellement, les déplacements clandestins de certains sénégalais d’une région à une autre, facilités par des chauffeurs de Ndiaga-Ndiaye, des conducteurs de “moto jakarta”, de corbillards, d’ambulance ou de véhicules administratifs, ont pu favoriser les infections souvent dans des régions jusqu’ici épargnées par le virus.  La plupart des sénégalais a été choquée par de tels comportements, à juste titre. Toutefois, nous pensons que la manière dont l’épidémie se déroule nous enseigne qu’il faut changer de paradigme et intégrer une approche plus empathique et compréhensive pour résoudre rapidement l’équation des cas dits communautaires.

 

Dans un contexte où la transmission intra-communautaire est en train de se développer et face à l’urgence de mieux circonscrire la maladie, il nous semble que la clé se trouve dans les communautés, leur responsabilisation et engagement dans la surveillance à base communautaire, en tenant compte de leur diversité. 

 

La fréquentation des marchés, des lieux publics, des hôpitaux, la distanciation physique et le port des masques

 

La transmission communautaire est aussi favorisée par les dynamiques sociodémographiques que les mesures de distanciation physique ont encore du mal à interrompre : au niveau des marchés, des lieux publics et même les hôpitaux, les gens ont du mal à rester à la maison et à observer la distanciation physique et le port des masques. Cette situation n’est pas spécifique au Sénégal, on l’observe aussi dans plusieurs capitales africaines où l’entassement humain, les modes d’approvisionnement alimentaire au jour le jour rendent très difficiles les recommandations “restez chez vous”. Aujourd’hui, la configuration de nos marchés est telle qu’il est très difficile d’y observer une certaine distance physique. Dans ces conditions, le port obligatoire du masque pourrait beaucoup aider à réduire la transmission (comme en Allemagne où l’application de la mesure a permis de ne pas avoir de transmission pendant plus de 17 jours).

 

Les mouvements de foule devant les boulangeries

 

Toutefois, si cette mesure a été introduite au Sénégal et que beaucoup de sénégalais en disposent, les modes d’usage ne sont pas toujours corrects. Cela interroge la communication qui ne s’est pas accompagnée d’une démonstration sur les gestes recommandés. L’introduction d’une technologie de prévention (le masque) ne doit pas oublier que les populations ont besoin d’être accompagnées par la communication pour faciliter son appropriation. Dans la même perspective, les mouvements de foule devant les boulangeries en temps de forte transmission communautaire inquiètent certes. Mais ils interrogent la manière dont nos autorités politiques prennent des décisions quelques fois à la hâte, sans tenir compte des implications sociales et démographiques possibles : la décision d’autoriser la vente de pain seulement dans les boulangeries a été rudement mise à l’épreuve du Ramadan. Aurait-il fallu interdire la vente dans les boutiques ou au contraire l’encadrer pour assurer une meilleure hygiène ? Pourquoi les boulangers n’ont pas pu anticiper, prévoir cette situation en préparant un dispositif qui facilite le respect de la distance physique ? Si certains sénégalais adoptent des comportements dits inconscients, il ne faut pas passer sous silence la manière dont nous sommes gouvernés au quotidien par les politiques publiques.

 

Quels dispositifs faut-il mettre en place pour mieux gérer ces cas communautaires ?

 

La situation actuelle montre que ce sont les communautés qui doivent s’engager pour interrompre les chaînes de transmission du virus en adoptant les mesures de prévention dans les familles, dans les quartiers et villages, ainsi que dans les lieux publics, en ayant bien compris la maladie et les règles recommandées.

 

En Guinée, la transmission du virus Ebola a diminué lorsque les communautés ont été reconnues dans la lutte et leurs efforts encouragés : les membres de la diaspora ont joué leur rôle à travers leurs communications via WhatsApp, Facebook ou Skype.  La solidarité villageoise a été aussi opérationnelle pour apporter de l’aide pour la mise à disposition de matériel d’hygiène, soutenir les familles de victimes (visites à domicile, distribution de savon, de seaux, de vivres.) Certains commerçants se sont organisés spontanément pour mettre en place des dispositifs de lavage des mains au niveau des marchés.  

 

On a vu des villageois s’organiser de manière très volontaire pour contrôler les entrées et sorties du village, assurer une surveillance et signaler tous les cas d’étrangers ou de suspects pour prévenir la transmission. S’il est nécessaire de passer par les légitimités classiques (autorités coutumières, religieuses, politiques, chefs de quartier etc.) il est aussi pertinent d’être attentif aux légitimités « au ras-du-sol » qui s’expriment quotidiennement. Dans ce cadre, le Sénégal dispose d’un tissu communautaire qui, à mon avis, mérite d’être mieux utilisé qu’il ne l’est actuellement. Aujourd’hui qu’on a des dynamiques qui exposent de plus en plus et induisent des risques de transmission, il faut impérativement compter avec les gens dont la voix compte dans les communautés (leaders traditionnels et charismatiques), les agents porteurs de dynamique communautaire (APDC) pour assurer une vraie levée de boucliers dans les quartiers.

 

« Il faut un soutien inter-groupes pour que les gens comprennent que le COVID 19 n’est pas une maladie de la honte »

 

Si les voix des autorités religieuses sont autorisées, il faut aussi compter avec les acteurs communautaires qui font le travail sur le terrain et qui doivent être suffisamment organisés. En dehors des catégories de légitimité classiquement mobilisées, on peut trouver sur le terrain d’autres acteurs, identifiés et désignés par les communautés elles-mêmes comme des légitimités : ils ont aussi une position centrale dans la stratégie, car ce sont des relais par lequel il faut engager les communautés et porter l’activité afin de lui donner une connotation plus locale. 

 

La responsabilisation des groupes sociaux comme les dahiras, les groupes de prières, les associations sportives et culturelles (ASC), des tontines, mbootaay est essentielle pour la dynamique communautaire de la lutte. Ce sont aussi autant de lieux pour pouvoir sensibiliser et communiquer. Par ailleurs, pour mieux gérer la transmission communautaire, l’engagement de ces acteurs doit s’accompagner d’une promotion de la solidarité, l’altruisme, le soutien inter-groupes pour que les gens comprennent que le COVID 19 n’est pas une maladie de la honte, qu’il est utile de se parler, de se confier lorsqu’on observe des signes inquiétants pour mieux protéger les autres parents. La solidarité inter et intra-groupes est plus requise en ce moment pour aider les gens à accepter et mieux vivre l’expérience de la maladie et à pouvoir éviter des déplacements qui pour le moment sont nécessaires pour eux. 

 

Quelle est la meilleure approche sur le plan de la communication ?

 

Lorsqu’il y a une épidémie dans un pays, la communication des risques et engagement communautaire (CREC) est une composante essentielle parce qu’elle détermine en grande partie la capacité des populations à accepter et à s’approprier les messages, les informations concernant les mesures de contrôle, afin d’arriver à rompre la chaîne de transmission de l’épidémie. La stratégie de communication adoptée par le gouvernement a beaucoup évolué depuis le début de l’épidémie et il faut s’en féliciter. Toutefois, il y a des failles qu’il faut bien analyser à chaud et leur apporter une réponse immédiate, surtout dans le contexte actuellement d’une augmentation de ce qui est usuellement appelé la transmission communautaire. Depuis que sévit cette épidémie, le type de communication développée s’est plus focalisée sur la communication crise, utilisant les mass média et visant plus à faire peur. On qualifie souvent ceux qui ne respectent pas les gestes barrière comme des inconscients, mais il me semble que lorsqu’une personne ne croit pas en la maladie, il est utopique de vouloir qu'il adopte un comportement pour le protéger de celle-ci. 

 

Dans le cadre de cette pathologie nouvelle comme le COVID-19, les populations se posaient beaucoup de questions et avaient besoin de réponses, d’informations, de messages pour mieux comprendre la maladie, y croire et l’accepter. Or la communication mise en œuvre par le MSAS, parce que n’ayant pas préparé les sénégalais à bien connaître, comprendre et croire en la maladie, s’est directement focalisée autour de l’acceptation de mesures barrière. Aussi, cette communication s'est basée sur des argumentaires biomédicaux pour chercher à faire peur, alors que dans des situations pareilles (et par expérience) les populations attendent d’abord de bien comprendre ce qui est en train de se passer, de pouvoir en avoir une idée (conscience), qu’on leur dise ce qu’elles doivent faire, pourquoi elles doivent le faire et en quoi cela s’inscrit dans leurs préoccupations. 

 

Par ailleurs, une communication qui impose et dicte des comportements, sans tenir compte de l’intelligence sociale et des capacités d’acteurs dans les communautés n’est pas en mesure de créer un climat de confiance, élément essentiel pour que le récepteur du message l’intègre et se l’approprie. Il peut être difficile de communiquer pendant une épidémie car, si la population panique, ne comprend rien ou ne fait pas confiance aux autorités ou au système de santé, elle peut écouter des informations données par ces entités, mais ne pas y croire. 

 

« Quitter le cadre de la communication institutionnelle de crise et de se concentrer sur la communication de proximité »

 

L’épidémie communautaire requiert de quitter le cadre de la communication institutionnelle de crise, de moins y exposer les sénégalais et de se concentrer sur la communication de proximité, interpersonnelle, portée par des acteurs communautaires engagés et s’engageant à engager leurs communautés avec eux dans la rupture de la chaîne de transmission. Elle aurait gagné à être plus promptement une communication sur les risques nécessitant de prendre en compte l’avis des populations touchées, les aspects sociaux, religieux, culturels, politiques et économiques associés à cet événement de risque. Ce processus aurait mieux aidé les parties prenantes à percevoir les différents risques à associer au COVID-19, à évaluer leurs vulnérabilités, à identifier leurs capacités à adopter les comportements favorables, à évaluer leurs résiliences, dans l’optique d’augmenter leur capacité à faire face à la survenue de cette maladie.

 

Vous avez une expérience de la maladie Ebola, quels enseignements peut-t-on en tirer pour éradiquer définitivement le Covid-19 ?

 

Il est vrai qu’en matière d’épidémies, il faut éviter les analogies et les réflexes comparatistes simplistes. Chaque épidémie est différente d’un pays à un autre, car elle s’inscrit toujours dans des contextes politiques et économiques différents. Cependant, il est possible de tirer des leçons des expériences récentes des épidémies d’Ebola dans la région ouest-africaine.

 

En Guinée, Ebola a mis en lumière le fait que les activités de communication n’étaient pas à l’écoute des communautés qui en retour, avaient perdu toute confiance envers leurs autorités, retardant beaucoup le processus d’acceptation et d’appropriation des mesures de lutte. Les communautés ont aussi critiqué les différentes personnes choisies par le dispositif de la Riposte pour qu’elles portent le message auprès de leurs pairs et les mobilisent pour accepter de changer de comportements. 

 

Le Sénégal doit mieux mettre à profit les groupes sociaux dans les quartiers, les initiatives locales, en les renforçant et les coordonnant, pour une appropriation significative des mesures de lutte contre le coronavirus. À partir des histoires sociales que racontent les épidémies, il est possible de comprendre que si on veut engager les communautés de manière à contourner les échecs du passé, il faut changer de paradigme et opter pour une approche plus socialisée et respectueuse des communautés, participative et collaborative. Aussi, si la solidarité qui s’est exprimée au niveau national est essentielle et utile en temps de pandémie, celle locale a plus d’impact pour capaciter directement les populations et favoriser l’adoption du changement de comportements.

L’heure n’est pas à l’instrumentalisation des initiatives communautaires à des fins politiques, ou aux logiques partisanes, mais plutôt à la promotion de l’esprit citoyen, au-delà de toutes considérations individuelles.

 

Les pays africains ne devraient-ils pas avoir une stratégie commune dans la lutte contre le COVID?

 

Quand on regarde la géopolitique actuelle de l’épidémie, on se rend compte que ses évolutions dans un pays, ses modes de gestion peuvent affecter les pays voisins. La dimension transfrontalière requiert aujourd’hui qu’au-delà des réponses nationales, il y ait un cadre commun qui permette aux différents gouvernements de se parler, de partager les informations et de se tenir informés. 

Il est vrai que dès le début de l’épidémie, l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS) a engagé une réflexion pour une approche commune de préparation pour les pays membres de la CEDEAO. 

 

L’OMS, à travers son bureau Afrique, l’Union africaine, avec les Centres for Disease Control and Prevention d’Afrique se sont aussi mobilisées.

 

Toutefois, il est nécessaire de souligner qu’il ne faut peut-être pas que les pays africains attendent qu’une épidémie se profile à l’horizon pour se concerter et harmoniser des plans de réponse disparates tenant compte des contingences de chaque pays. Dans la région africaine CEDEAO, l’OOAS dispose du Centre Régional de Surveillance et Contrôle des Maladies (CRSCM) qui doit renforcer les systèmes de santé des Etats membres et améliorer la capacité de la région à prévenir, diagnostiquer et contrôler les épidémies.  Elle est donc attendue dans la coordination des activités de préparation et de réponse aux épidémies à l’échelle sous régionale (plus que le bureau Afrique de l’OMS), en particulier dans la mise en place d’une stratégie régionale de réponse, tenant compte de la dimension transfrontalière. Elle dispose d’une Équipe Régionale d’Intervention Rapide (ERIR), qui malheureusement n’a pas été bien en vue dans le soutien à la riposte dans les pays affectés. 

 

Comment gérer l’après-épidémie COVID-19 en tenant compte des réalités sociologiques actuelles ?

 

La catastrophe sanitaire du Covid-19 avec ses répercussions économiques, sociales et géostratégiques pourrait se transformer en opportunité pour le Sénégal si on évalue la réponse apportée à l’épidémie dans ses différentes composantes.  

 

Bien caractériser, documenter et comprendre les transformations sociales, économiques, politiques, religieuse, culturelle induites aux niveau individuel, familial, relationnel, professionnel, institutionnel est utile pour identifier les tendances à considérer, les enjeux dans la gestion politique du COVID-19. 

 

En raison de la mondialisation, les interdépendances entre économies ont été fortes, de sorte que l’État sénégalais s’est confronté à la nécessité de devoir assurer sa sécurité alimentaire, en évitant toute pénurie de denrées pouvant découler des difficultés d’importation de vivres dans ce contexte de crise sanitaire. L’épidémie, est une bonne opportunité pour de nouvelles façons de produire et de consommer. 

 

L’investissement dans la sécurité des circuits d’approvisionnement des villes et du monde rural, avec une diversification et la promotion du local est utile pour éviter la dépendance forte de l’extérieur.

 

Le secteur économique très perturbé par la pandémie

 

Par ailleurs, le secteur économique très perturbé par la pandémie, requiert de réfléchir à la mise en place d’un fonds d’investissement social de relance, avec des mesures compensatoires afin d’éviter des pertes importantes de substance et/ou des faillites aussi bien pour les familles que pour les entreprises par exemple. Toutefois, puisque les épidémies vont revenir et risquer de manière violente les économies des ménages vulnérables, il nous faut développer une politique de famille, politique sociale et de l’emploi plus soutenue pour renforcer les capacités de résilience des populations, plutôt que des mesures temporaires d’assistance alimentaire. En raison des conséquences psycho-sociale observées aux plans individuel, familial et relationnel, il est nécessaire de réviser la politique de protection sociale des vulnérables et de l’adapter aux nouvelles problématiques familiales posées par l’expérience de l’épidémie.

 

Avec cette crise, l’utilisation des produits et services numériques s’est amplifié dans le domaine de la santé pour la surveillance de la propagation du virus, le développement de solutions d’aide aux soins, dans l’administration publique, dans l’enseignement (télé-travail, visio-conférence, enseignement à distance). Il est vrai que certains acteurs ont été critiqués lorsqu’il s’est agi d’utiliser cette technologie pour sauver l’année en cours, alors que l’état de l’architecture actuelle du système d’enseignement ne permettait pas de changements en profondeur des méthodes d’enseignement. 

 

Par ailleurs, dans les circonstances actuelles, certains acteurs de l’école pensent que cela va créer voire creuser des inégalités sociales en raison des inégalités d’accès à la connectivité pour les élèves et étudiants. Cependant, cette crise a conduit à une prise de conscience qu’aussi bien pour le service public, les écoles, que pour les Universités, l’État du Sénégal ne peut passer sous silence la nécessité de mieux investir dans la digitalisation et le numérique. Cela aiderait à désengorger les centres urbains et flexibiliser les modes de travail.

 

« Le Sénégal a besoin d’augmenter de manière significative les budgets publics et privés »

 

Dans le secteur de la santé, l’expérience du COVID-19 nous renseigne que le Sénégal a besoin d’augmenter de manière significative les budgets publics et privés pour la recherche médicale, les réseaux hospitaliers, la formation et la sécurité du personnel soignant. Une crise sanitaire s’accompagne souvent d’une désaffection des services de santé où des cas ont été détectés (exemple de l’Hôpital Matlaboul Fawzayni, Touba) par les populations et la focalisation des efforts financiers sur la maladie en cours a souvent un impact négatif sur la gestion des autres pathologies (paludisme, santé maternelle etc.) 

 

Il est à craindre une détérioration de certains indicateurs de santé, d’où la nécessité de penser à soutenir les services de santé dans la reconstruction et le rétablissement de la confiance qu’ils inspirent aux usagers. Aussi, ce que nous avons vécu avec la crise et les appels incessants au lavage des mains valident la poursuite et le renforcement de la modification des règles d’hygiène urbaine, initiées dans le cadre du programme d’hygiène et d’assainissement collectif, mais aussi individuel entrepris par le ministère de tutelle.

Lundi 4 Mai 2020




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