Conflit foncier au cœur de Dakar : Mermoz, la terre de toutes les «guerres» (Reportage)

Encore un litige foncier au cœur de Dakar. C’est un site qui couvre une superficie de plus de 8000 mètres carrés. Ce sont des maisons qui construites depuis l’époque coloniale. Ce site ou du moins une partie immatriculée TF 1396/GR (ex 4340/DG) et qui abritait l’ancien centre météorologique à Mermoz est aujourd’hui source de conflit entre les familles résidentes, le patrimoine bâti et les impôts et domaines. Ce TF qui ne cesse de faire parler de lui est aujourd’hui au cœur d’un feuilleton judiciaire depuis quelques semaines.


Ils étaient dix employés de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar à bénéficier de maisons de fonction sis à Mermoz. Ces logements leur ont été octroyés vers les années 1985. Entre-temps, sept (07) des familles ont été régularisées et sont devenues propriétaires de ces villas. Les trois restantes sont aujourd’hui sur le point d’être expulsées. « Pendant qu’on attend que la direction des impôts et domaines nous régularise pour que l’on soit au même pied d’égalité que les autres familles, le patrimoine bâti, à notre grande surprise, nous envoie un huissier qui nous demande de quitter les lieux », explique Alioune Ndiaye. Selon lui, ladite agence utilise les bâtiments pour faire pression afin de les expulser. Mais en réalité, dit-il, c’est le terrain qui les intéresse », explique Alioune Ndiaye.
 
Le Patrimoine Bâti « reprise de possession des biens de l’État »
«La repossession des biens de l'État» est la position de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État (AGPBE) pour expliquer l’expulsion de ces familles. Selon Yaya Abdoul Kane, après sa prise de fonction, «des investigations ont été menées. C’est dans ce sens que ces deux villas à Mermoz dont l’une abritait l’ancien centre météorologique appartenant à l’État ont été découvertes. Suite à cela nous leur en avons touché mot et leur avons demandé d' apporter une preuve justifiant leur affection dans ces lieux, mais c’est sans suite. Raison pour laquelle nous avons enclenché la procédure de reprise de possession des biens de l’État pour ne pas dire expulsion», explique Yaya Abdoul Kane, directeur de l’Agpbe.
Il précise que «ces logements doivent être rendus une fois qu’on n'exerce plus ou qu’on aille à la retraite. Malheureusement, les gens refusent de quitter les lieux après fonction et ceux qui sont actuellement en fonction ne peuvent être logés. Et c’est une situation qui ne peut pas continuer», soutient toujours Yaya Abdoul Kane.    
«J’ignore le nombre exact de familles qui occupaient ces villas. Mais, ce que nous avons constaté que des morcellements ont été effectués sur ce site qui recouvrait une assiette global 8. 000 m2», souligne le directeur général de l’Agpbe qui dit ignorer les auteurs de cette forfaiture tout en rappelant que «leur domaine de compétence, c’est le patrimoine bâti».
Oumar Ngalla Cissokho balaie d’un revers les propos du directeur de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État. «Les lettres que nous a envoyées la direction ne sont pas authentiques, nous les avons consultées avec notre huissier.  Selon lui, ladite agence est «sous pression d’une tierce personne. Si toutefois notre requête reste sans suite, nous n’hésiterons pas à dévoiler le nom de toutes ces personnes qui se cachent derrière ce deal».
Expliquant le morcellement illégal effectué sur ce site, Oumar Ngalla Cissokho fait allusion à une ‘’magouille foncière’’. Selon le jeune homme «des promoteurs immobiliers en connivence avec la direction des impôts et domaines seraient à l’origine de cette magouille foncière».

Le silence abasourdissant de la direction des impôts et domaines
Cité au cœur d’une magouille foncière et dans le souci du recoupement de l’information du côté des domaines, nous avons cherché à joindre la direction. La rédaction a pu joindre au bout du fil un certain Youssou Dione. Après la présentation, notre interlocuteur nous a demandé de lui présenter l'intitulé du dossier. Très à l’aise, nous lui avons servi toutes les informations que nous détenons. Il nous a promis de faire passer l’information à ses supérieurs avant de nous revenir. Malheureusement, après 48 heures d’attente, nous avons tenté de le joindre à nouveau, il a raccroché pour envoyer un message disant qu’il était en réunion. Nous lui avons envoyé un message de rappel qui est resté sans suite jusqu’au moment où nous mettons ce texte en ligne.

Le dossier «TF 1396/GR» à la table du juge
Les conflits autour du dossier «TF 1396/GR» remontent à près de deux décennies. En effet, leur problème, souligne Coumba Dior Sow, aurait débuté sous le règne de Me Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal à l’époque. «Nous n’allons pas quitter ces lieux car nous n'avons nulle part où aller. Que le président de la République dise au patrimoine Bâti de nous laisser tranquille car ce qu’ils sont en train de faire n’est rien d'autre que de l'humiliation. Et nous ne l'acceptons pas», dit-elle.
Le patrimoine Bâti qui se dit être dans son rôle de ‘’reprise de possession des biens de l’État’’ a traduit le dossier en justice et compte, toutefois, se conformer à la décision judiciaire.
Au cœur d’un feuilleton depuis quelques semaines, les familles Cissokho et Ndiaye qui occupent ces logements depuis 1985 ne savent plus à quel saint se vouer. Entre promesse d’être d'être régularisées et expulsion en cours, elles sollicitent la bienveillance du chef de l’État...
 
Vendredi 30 Avril 2021




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