Application du principe de la réciprocité aux pays de l’UE ne voulant pas de ses ressortissants : Jusqu'où le Sénégal est-il prêt à aller ?


Se rendre en Europe, particulière dans l’espace Schengen risque d’être un vœu pieu pour les ressortissants des pays d’Afrique sub-saharienne. L’Union européenne n’a autorité à la date du 1erjuillet, à laquelle elle a ouvert l’espace Schengen, que quatre pays d’Afrique qui, selon son appréciation sont  en train de faire face au coronavirus. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Rwanda sont ainsi les « privilégiés ». Une discrimination qui n’a pas eu l’heur de plaire au reste de l’Afrique. 

D’abord le Gabon a appliqué la réciprocité à tous les pays de l’Union européenne. Une note circulaire a été ainsi envoyée à toutes les ambassades établies dans l’espace Schengen pour la suspension des demandes de visas. Dakar a emboîté le pas à Libreville. Le ministre du Tourisme a informé de la décision de notre pays d’appliquer le principe de la réciprocité à tous les Etats ayant pris des mesures à l’encontre du Sénégal.

Ce cran a été salué par la majorité des Sénégalais qui ont vu en l’attitude de l’UE un certain dédain contre l’Afrique qui, pourtant, comme l’a rappelé le ministre du Tourisme et des Transports aériens, est moins touché par la COVID-19 que les pays du nord. Mais il ne manque d’esprits pour douter de la sincérité de cette décision des autorités sénégalaises. D’autres estiment que les décideurs de notre pays sont tout simplement dans le « populisme » pour avoir déjà montré dans le passé qu’ils n’avaient pas le courage de leurs décisions. 


À peine élu en 2012, le président Macky Sall a été inspiré d’instaurer un visa d’entrée dès juillet 2013 au risque de faire subir au tourisme des pertes d’argent colossales. Ce secteur représentait 25% de l’économie sénégalaise et le manque à gagner était estimé à 100 milliards. Ces prévisions n’avaient pas empêché l’application de la mesure qui n’épargnait que les ressortissants des pays de la CEDEAO, du Maroc et de la Mauritanie. Mais au bout de deux ans, la situation est revenue à la « normale ». Le visa biométrique est tout simplement supprimé à partir du 1er mai 2015. 

L’idée d’un retour du visa a été agitée dernièrement par le ministre de l’Intérieur pour des raisons de sécurité. « Nous sommes en train de procéder à travers un projet, à des mécanismes dans le but d’identifier les étrangers. Cela passe nécessairement par le moyen de leur permettre d’avoir l’autorisation de venir dans notre pays à travers l’octroi de visa », s’expliquait Aly Ngouille Ndiaye. Mais son collègue du Tourisme, Alioune Sarr a affiché son opposition à tout retour du visa qui pour lui, serait préjudiciable à son département. C’est ainsi que l’affaire qui a failli installer un malaise au sein du gouvernement a fondu comme beurre au soleil.

À la lecture de ces rétropédalages, il serait logique de prédire le même sort à la nouvelle décision opposée aux pays de l’Union européenne. 


Cependant, les contextes ne sont pas semblables. Le Coronavirus a mis à nu les carences et les vulnérabilités des pays du nord qui se sont retrouvés avec des millions de cas confirmés et des dizaines de milliers de morts, au moment où l’Afrique n’est que très peu touchée.

Cette nouvelle donne semble avoir caressé l’égo des pays du sud qui plaident de plus en plus pour l’inauguration d’un nouvel ordre mondial mettant l’humain et l’humanité au cœur des relations internationales, comme le préconisait le président Macky Sall dans un Guest-Edito paru dans le quotidien Le Soleil. En même temps, les autorités sénégalaises sont dans l’obligation de sauver Air Sénégal qui risque de desservir l’Europe à perte si les passagers en provenance de Dakar sont déclarés non grata dans l’espace Schengen.

C’est dire que le bénéfice du doute profite pour l’heure aux autorités sénégalaises qui ont cependant jusqu’au 15 juillet, date de l’ouverture de l’espace aérien aux vols internationaux pour prouver qu’elles ne sont pas en train d’amuser la galerie.
Jeudi 2 Juillet 2020




Dans la même rubrique :