A propos de la légalité du décret n° 2020 - 1463 du 10 juin 2020. (Par Cheikh Baye Niasse)


Le 10 juin 2020, le Président de la République promulgue le décret 2020-1463 pour modifier l’article R207 du décret n° 2009-1450 portant partie réglementaire du Code de l’urbanisme. Toutefois, dès la publication de ce décret, des personnes se sont levées pour dénoncer sous tous les toits et dans toutes les chapelles, l’illégalité de ce texte. 

 

Ces derniers considèrent que ce décret, viole non seulement la loi portant Code générale des collectivités territoriales, mais aussi et surtout le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. Seulement, ce décret qui vient à son heure doit être salué et considéré comme une garantie de la sécurité juridique.

 

Cette contribution va à contre-courant de ceux qui considèrent que ce texte est illégal et inconstitutionnel et nous allons démontrer la légalité de ce décret et sa conformité à la constitution. En effet, si le Code des collectivités territoriales donne compétences aux exécutifs locaux de délivrer des permis de construire, ce Code n’en fait pas exclusivement les seuls habilités à exercer une telle compétence. Il s’agit là d’une simple précision pour éclairer ceux qui considèrent qu’en la matière, les maires ont l’exclusivité de la compétence.

 

Revenons à notre propos. A notre humble avis, le décret en question ne donne pas aux préfets une quelconque compétence à délivrer des permis de construire.  Tout a plus, il leur permet de constater le droit de construire qui découle ici, non pas de l’acte de constatation qu’ils prennent, mais plutôt du silence gardé par l’exécutif local pendant un certain délai (art. R207 alinéa 2) et qui fait naître au profit du demandeur une autorisation implicite de construire. 

 

Donc, dans ce décret, on ne relève ni un empiètement, encore moins une concurrence des préfets dans l’octroi de permis de construire. Autrement dit, l’intervention des préfets matérialisent, par un acte administratif déclaratif, l’autorisation implicite d’acceptation née du silence gardé par l’autorité compétente (exécutif local) pendant un certain délai (art. R206 du décret 2009-1450).

 

On peut donc considérer que les préfets, sollicités par les demandeurs ayant en leur faveur des décisions implicites d’acceptation, concrétisent, constatent cette décision par la prise d’un acte qui n’est que seulement déclaratif de l’autorisation de construire, celle-ci étant constituée comme sus-évoqué par le silence gardé par l’exécutif local pendant un certain délai. Ainsi, dans la continuité de l’alinéa 2 de l’article, R207 du décret n° 2009-1450, en ne donnant aux préfets que la compétence de constater un droit né du silence gardé par l’exécutif local et qui vaut décision implicite d’acceptation, le décret n° 2020-1463 n’empiète pas sur les compétences des maires à délivrer des autorisations de construire et ne porte pas non plus atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales consacré à l’article 102 de la constitution.

 

Sur un plan purement pratique, même s’il est un principe général qu’une décision implicite ne s’affiche pas, elle se prouve naturellement. De ce fait, l’intervention des préfets matérialisant les décisions implicites découlant du silence garder par l’exécutif local permet aux titulaires de ces types d’autorisations (implicites) de mieux se protéger en affichant (exigence posée à l’article R208 du décret 2009-1450) sur le chantier l’acte de constatation pris par le préfet et traduisant matériellement la décision implicite d’autorisation de construire et se préserver des contrôles récurrents des services administratifs en charge de ce domaine. 

 

En résumé, nous considérons que le décret pris par le Président de la République n’est ni illégal encore moins non conforme à la constitution et devrait être apprécié à sa juste valeur c’est-à-dire comme participant au renforcement de la sécurité juridique des demandeurs d’autorisations de construire.

 

Par Cheikh Baye NIASSE

Docteur en droit public

Enseignant-chercheur FSJP/UCAD

Expert académicien en Droit international humanitaire

Lundi 15 Juin 2020




Dans la même rubrique :