A la découverte de SowRanch, au carrefour du courage et du patriotisme (Par Aliou Sall)

Aujoud’hui, Jour 2 de mon séjour à Kolda, je vous narre l’aventure de Bélal SOW. Émigré rentré au pays par amour et par devoir, que je suis venu rendre visite pour saluer son courage.


Pour rallier la route nationale numero 6, à  hauteur de KOLDA, à la ferme SowRanch, notre destination, il faut traverser une zone champêtre sur 3 kilomètres. Mais il nous faudra une bonne demie heure. Notre guide, Collé, nièce de Bélal, son assistante aussi, a dû s’arrêter plusieurs fois au sortir des flaques d’eau pour s’assurer que notre carbotage fonctionne bien. Je fais confiance à Maguéye, mais mon stress ne s’estompe pas pour autant. C’est que rouler de nuit, quand il pleut des cordes, sur une piste argileuse plus que cabossée, bordée de grands arbres dont les grosses branches aux feuillages assombries agressent violemment les vitres comme pour marquer leur territoire, ne conforte pas le chef de bord que je suis. Les éclairs et le tonnerre finissent par planter un décor angoissant. Seul bémol, les enfants dorment, assommés par la fatigue. 
Et voilà SowRanch ! 
 
Un domaine de 8 ha, chef-d’œuvre agro-écologique, fruit d’un travail acharné de plusieurs années. 
 
Quand il a décidé de revenir au pays en 2004, après un séjour de 16 ans aux États Unis d’Amérique, délaissant pourtant un florissant commerce au pays de l’oncle Sam, Bélal n’a qu’une idée en tête, contribuer au développement de Kolda en investissant dans l’agro-écologie. Chose plus facile à dire cependant qu’à faire, même si on est armé d’un moral de fer. 
 
Galère et déboires pour reprendre la ferme familiale et la moderniser. Résistance aux changements ! « Finalement, j’ai pris la décision de trouver mon propre site pour démontrer qu’il était possible d’innover ». Visites interminables pour trouver le site idéal, parcours du combattant pour les procédures foncières, difficile négociation avec les revendeurs, approche délicate avec la communauté, finalement acquise à sa cause. Armée d’une ligne de masse et d’une approche sincèrement humaniste et volontariste, ce n’est pas la communication avec les populations qui posera de grands soucis à cet ancien militant de la Ligue Démocratique/Mouvement pour le Parti du Travail (LD/MPT). Un des partis phares de la gauche sénégalaise durant les années de braise. Victime de violences policières
lors de la grève scolaire de 1988, laissé pour mort devant les grilles de l’hôpital de Kolda, cet ancien élève du lycée Alpha Molo Baldé a marqué sa génération par sa bravoure et son rejet radical de toute compromission avec le régime socialiste, malgré les offres alléchantes d’alors. 
Pas de surprise donc, rien ne découragera notre fermier écologiste. 
 
Après une dizaine d’années de travail méthodique, des investissements financés par la vente de ses biens immobiliers réalisés du temps de son séjour aux États-Unis, au grand dam de sa famille et des amis « qui ne comprenaient pas », la ferme est devenue le passage obligé de tous les acteurs du développement durable en séjour dans la capitale du Fouladou : organismes de développement, agences gouvernementales, touristes écologistes, etc. 
 
SowRanch est ainsi un creuset. Pour la jeunesse estudiantine aussi. Une cinquantaine de stagiaires en Agronomie et Agro-foresterie se relaient ici. « En provenance de l’Université du Sine Saloum, du Lycée agricole de Bignona, de l’Institut EMIA, de l’Université Amadou Makhtar Mbow, etc. 
 
Et l’apprentissage du métier n’est pas la seule activité. Formation au leadership, feux de camps, activités de développement en faveur des villages environnants sont rendus possibles par une équipe expérimentée et surtout motivée. 
 
Pour les enfants, c’est le grand bonheur. Après une nuit bercée par un concert de batraciens, d’abord effrayant, ensuite hilarant, ils sont pressés de vérifier ce que j’avais promis pour les convaincre de renoncer aux hôtels de la petite Côte et à un séjour à l’étranger. Hélas, se vanter de ses vacances est devenu une mode dans nos écoles. 
 
Monter un cheval pour de vrai, porter un chevreau dans ses bras, etc., des choses que ne leur contaient que les livres et les dessins animés. Mais ils en ont eu plus que leurs attentes. Ils ont aussi nourri les vaches, pêché dans le bassin de pisciculture, puisé de l’eau de puits à la corde. 
 
Ils ont surtout couru dans tous les sens, limités que par la végétation et les flaques d’eau. La balançoire n’a pas chômé. Une journée de joie qu’ils sont prêts à conter à leur tour à leurs camarades d’école et à leurs professeurs à la rentrée des classes. Reste à savoir si cela va valoir grand chose, dans la nouvelle hiérarchie des normes de vacances…
 
Quant à moi, une promenade au bord du fleuve Soungrougou, qui borde la ferme, m’a fait replonger dans les classiques d’hydrologie. Cet affluent de la Casamance, qui prend source au nord-est de KOLDA, arrose le bassin du Fouladou en en faisant une zone humide favorable à la riziculture et aux autres cultures de décrue…
Samedi 20 Août 2022




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