ZIGUINCHOR / COUBALAN : Le site occupé par l’UUZ de l’UCAO au cœur d’une polémique historique


Le site sur lequel est construite, à Coubalan, dans le département de Bignona (région de Ziguinchor, en Casamance), l’Unité Universitaire de Ziguinchor (UUZ) de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), est au cœur d’une polémique. Celle-ci est relative, selon les parties en conflit, à la manière dont les terres devant servir à l’UUZ, ont été obtenues : « en toute légalité ! » selon les responsables de l’UCAO ; « pas vraiment ! » si l’on en croit ceux qui revendiquent la propriété desdites terres.
Si les seconds ont, à deux reprises, battu le macadam pour dénoncer ce qu’ils qualifient de convention « naïvement signée » avec les responsables de l’UCAO, ces derniers ont, eux, évité tant qu’ils le pouvaient, l’affrontement voire la friction des idées.
Une marche de soutien organisée à Coubalan
Le 7 octobre 2017 à Coubalan, plusieurs personnes parmi lesquelles des imams et des oulémas des Kalounayes, participaient à une marche de soutien à l’UCAO. Elles portaient des drapeaux aux couleurs nationales et déployaient des banderoles géantes estampillées du logo de l’UCAO et sur lesquelles l’on pouvait lire : « aux autorités de l’UCAO, les populations de Coubalan restent constantes par rapport à la parole donnée », « pour un raffermissement du dialogue islamo-chrétien, les imams des Kalounayes soutiennent l’UCAO à Coubalan », « tous les chefs de villages des Kalounayes avec l’UCAO –Coubalan pour une émergence de leur terroir –sic- ».
Elles avaient auparavant participé à une lecture du Coran suivie d’invocations pour un aboutissement heureux du projet de construction de l’UUZ à Coubalan et, évidemment, un bon démarrage des cours dans cette université privée.
Dans un document qu’ils ont remis à l’autorité municipale locale, les « souteneurs » de l’UCAO disaient « rejeter les tentatives de manipulations et les propos irrespectueux, prêtant à l’Eglise une volonté d’accaparer les terres ». Ils ont également rejeté « les opérations tendant à décrédibiliser des élus locaux et les acteurs de développement dans leur souci du développement du territoire des Kalounayes, l’installation d’un climat délétère qui pourrait compromettre durablement le fonctionnement de l’UUZ dans la paix conformément aux vœux des pères fondateurs, l’amalgame constamment entretenu par un groupe au sein de l’opinion publique, assimilant le village de Coubalan et ses terres à l’image d’une Palestine occupée ».
Ces marcheurs ont, d’autre part, demandé à « l’Etat du Sénégal d’apporter son soutien pour la préservation du caractère privé du site de l’UUZ, la consolidation par tous les moyens de la pérennité des investissements déjà réalisés et la liberté d’aller et de venir, à l’UCAO/UUZ d’user de toutes les voies de droit pour empêcher les intrusions de personnes non autorisées sur le site, d’assurer la liberté du travail au sein de l’établissement, à la population à s’organiser pour exploiter les opportunités offertes par l’UUZ, tant dans le domaine de la promotion des activités génératrices de revenus que la création d’un climat social apaisé destiné à accueillir la communauté universitaire, aux parties garantes du protocole et les familles signataires à procéder à l’application des dispositions de celui-ci , aux autorités religieuses à apporter leur soutien constant à la réalisation intégral du projet, dans toutes ses composantes, et aux dernières populations encore réticentes à une adhésion massive à l’action du projet de l’UCAO/UUZ ».
Cet appel, a, contrairement aux attentes des « souteneurs », plutôt mis en colère ces « dernières populations encore réticentes ».
« Nous n’avons jamais cédé nos terres gratuitement ! » clament les contestataires.
En effet, le 9 octobre 2017, soit quelques heures seulement après la marche de soutien à l’UCAO, ces dernières ont, de leur côté, organisé un point de presse à Ziguinchor.
Dans le document lu, ces populations, par la voix de Cheikh Fanta Mady Tamba, qui ont dit « appartenir aux familles propriétaires des terres occupées » par l’UUZ de l’UCAO, ont soutenu avoir mis sur pied le « Collectif des Propriétaires Terriens (CPT) ».
Les membres de ce collectif ont déclaré qu’en organisant leur point de presse, ils avaient pour objectif de « rétablir d’urgence la vérité des faits pour que chaque citoyen profondément attaché au respect des Droits de l’Homme, puisse apprécier les agissements d’intellectuels qui ont conduit à cette impasse », ceci après « les déclarations distillées dans la presse par les souteneurs du projet de l’UCAO/Coulaban, organisateur de la marche parrainée par l’Eglise ».
Les membres du CPT ont ajouté : « d’emblée, nous affirmons que nos terres n’ont jamais été cédées gratuitement ni vendues à l’Eglise catholique, nous avons juste naïvement celé un partenariat gagnant-gagnant que les autorités de l’UCAO et leurs acolytes se sont empressés de transformer en bail avec en prime un protocole imaginaire dans la confection duquel aucun membre de ce collectif n’a été associé ».
Pour eux, pour « l’édification de cette unité universitaire de l’UCAO, l’Eglise s’est autorisée à nous arracher de force, avec la complicité du PCR (Président du Conseil Rural, Ndlr) d’alors, plus de cent -100- hectares ».
A les en croire, « cette crise foncière a fini de semer (d’une part) les germes de la haine et de la discorde dans nos familles respectives et dans les Kalounayes jadis réputés havre de paix, (d’autre part) un préjudice moral pour lequel nous sommes prêts à verser notre sang ».
La riposte de l’Eglise.
Le 13 octobre 2017, l’Eglise, particulièrement la « Conférence Episcopale Sénégal, Mauritanie, Guinée-Bissau et Îles du Cap Vert » organise à son tour un point de presse à Ziguinchor. Cette occasion a été saisie par Monseigneur Paul Abel Mamba, en sa qualité de Vice Chancelier de l’UCAO/UUZ, pour informer qu’une somme d’environ 1, 5 milliards de FCFA a déjà été investie sur le site de Coubalan et que l’UUZ devrait être « mise en service pour compter du mois d’octobre 2017 ».
Monseigneur Mamba a précisé que toutes les procédures ont respectées avant, in fine, l’obtention de l’autorisation de construire et tous « les actes valides » posés « pour approuver et faire démarrer les constructions sur 80 ha et non plus 100 ha, comme affirmé par les contestataires ».
Et de conclure : « l’intention de l’Eglise Catholique et des Evêques de la Conférence Episcopale a toujours été de participer à la consolidation de la paix en Casamance par la création d’une infrastructure créatrice de connaissances, de valeur ajoutée… ».
De la polémique à l’épreuve de force.
Il faut dire que les travaux sont actuellement suspendus sur le site de l’UUZ. Selon nos sources, vendredi, des ouvriers se sont rendus sur les lieux, mais ils ont eu maille à partir avec une partie des contestataires. Ils ont finalement décidé de quitter les lieux.  
Samedi 14 Octobre 2017




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